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246. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Devant un tel obstacle, il dut se détourner et se rejeta sur la carrière diplomatique, que lui ouvrait l’amitié de M. de Lyonne. […] Sous l’empire de cette fantaisie lugubre, l’arrière-petit-fils de Charles-Quint, comme s’il eût voulu remonter tout le cours de sa race, se fit ouvrir les cercueils : celui de la reine sa mère qui fut ouvert le premier ne fit pas sur lui grande impression ; mais quand ce fut le tour de sa première femme, de cette jeune reine qu’il avait tant aimée, quand il revit ce visage altéré à peine et sa beauté encore reconnaissable à travers la mort, le coeur lui faillit, il recula en disant : « J’irai la rejoindre bientôt dans le Ciel. » — Et cette image suprême ne dut pas être étrangère à sa pensée, quand, peu après, lui le haïsseur des Français, il fit son testament en faveur de la France.

247. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Jean-Jacques, notre grand aïeul, a dit : « Quand le cœur s’ouvre aux passions, il s’ouvre à l’ennui de la vie. » Ç’a été notre histoire à tous, c’est l’épigraphe à mettre à tous les Werther, à tous les René et à ceux qui en descendent. […] Dans sa vie de montagnes, le poëte a dû plus d’une fois vérifier la pensée exprimée dans deux autres sonnets de Wordsworth, lorsque le soir, du haut d’un mont, on voit le couchant figurer, avec ses nuées fantastiques, mille visions lointaines, et que cependant on se dit, en redescendant par le sentier déjà sombre, que ces jeux du ciel ne sont rien en eux-mêmes auprès des nobles et durables pensées qu’on possède en soi et qui nous ouvrent le ciel invisible.

248. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Aussi le père de Jean-Bon s’opposa-t-il au désir de son fils ; mais celui-ci, doué d’une grande volonté, persévéra dans son projet, et, après avoir mis sa mère dans le secret, il partit, laissant sur le bureau de son père une lettre dans laquelle il lui ouvrait son cœur et lui expliquait ses sentiments. […] Le récit émoussé et assez vague de l’honnête Mathieu Dumas nous a ouvert un jour sur les circonstances locales qui enflammaient et attisaient les passions. […] Il nous faut des maîtres plus sensibles qu’instruits, plus raisonnables que savants, qui dans un lieu vaste et commode, hors des villes, hors de l’infection de l’air qu’on y respire et de la dépravation des mœurs qui s’introduit par tous les pores, soient les égaux, les amis, les compagnons de leurs élèves ; que toute la peine, que tout le travail de l’instruction soit pour le maître, et que les enfants ne se doutent même pas qu’ils sont à l’école ; que dans des conversations familières, en présence de la nature et sous cette voûte sacrée dont le brillant éclat excite l’étonnement et l’admiration, leur âme s’ouvre aux sentiments les plus purs ; qu’ils ne fassent pas un seul pas qui ne soit une leçon ; que le jour, la nuit, aux heures qui seront jugées les plus convenables, des courses plus ou moins longues dans les bois, sur les montagnes, sur les bords des rivières, des ruisseaux ou de la mer, leur fournissent l’occasion et les moyens de recevoir des instructions aussi variées que la nature elle-même, et qu’on s’attache moins à classer les idées dans leur tête qu’à les y faire arriver sans mélange d’erreur ou de confusion. » Vous voyez d’ici le tableau idéal et enchanteur de toutes ces écoles primaires et rurales de la République française, où chaque enfant serait traité comme Montaigne, Rabelais ou Jean-Jacques ont rêvé de former et de cultiver leur unique élève.

249. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

Le lecteur a sans doute visité des galeries de tableaux rangés par écoles ; après deux heures de promenade parmi des peintures de Titien, de Tintoret, de Bonifazio et de Véronèse, si l’on sort et si l’on s’assied sur un banc, les yeux fermés, on a d’abord des souvenirs ; on revoit intérieurement telle rose et blonde figure demi-penchée, tel grand vieillard majestueusement drapé dans sa simarre de soie, des colliers de perles sur des bras nus, des cheveux roux crêpelés sur une nuque de neige, des colonnades de marbre veiné qui montent dans un ciel ouvert, çà et là une mine gaie de petite fille, un beau sourire de déesse, une ample rondeur d’épaule satinée, la pourpre d’une étoffe rouge sur un fond vert, bref cent résurrections partielles et désordonnées de l’expérience récente. […] Elle se manifeste sur les lèvres par les mots d’épanouissement, de bonheur, de volupté noble ; en même temps, la vue intérieure a saisi quelque image correspondante, une fleur qui s’ouvre, un visage qui sourit, un corps penché qui s’abandonne, un accord riche et plein d’instruments doux, une caresse d’air parfumé dans une campagne ; voilà des comparaisons et métaphores expressives, c’est-à-dire des représentations sensibles, des souvenirs particuliers, des résurrections de sensations, toutes analogues à celles que je viens d’éprouver, du même ton et du même tour. […] le gros sens populaire ; la tendance qui aboutit au nom ne correspond guère qu’à ce caractère-là. — Mais voici qu’un naturaliste m’ouvre un chat et me fait voir cette poche qu’on appelle l’estomac, ces petits tubes infiniment ramifiés qu’on nomme les veines et les artères, ce paquet de tuyaux lisses qui sont les intestins, ces bâtons, ces cages, ces cerceaux, ces boîtes ou demi-boîtes solides qui s’emmanchent les unes dans les autres et qui sont les os. — Je resterais là pendant six mois que je verrais toujours des choses nouvelles ; si je prends un microscope, ma vie n’y suffira pas ; et, à parler exactement, aucune vie ni série de vies ne peut y suffire ; par-delà les propriétés observées, il en restera toujours d’autres, matière illimitée de la science illimitée.

250. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Jadis, l’enseignement se préoccupait d’ouvrir l’entendement de la jeunesse, d’aiguiser son discernement, de lui inculquer des principes, une règle de conduite. […] Dès lors s’ouvre une ère d’agitations, d’attentats, de procès dont nous pouvons relever comme suit les dates saillantes : 1879. — Fondation du Révolté de Kropotkine. […] Ils ne se souciaient « d’arriver », ni par la flatterie, comme les poètes de l’ancien régime, à qui souvent une dédicace opportune suffisait pour ouvrir la considération et la fortune, ni par la ruse comme Julien Sorel, ni par les femmes comme Lucien de Rubempré.

251. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Physiquement, le système n’est ouvert qu’à une seule chose ; nous sommes « tout yeux ou tout oreille. » Psychologiquement, tout autre plaisir, toute peine étrangère sont suspendus ; nous sommes entièrement à l’objet que nous poursuivons, les préoccupations objectives étant anesthésiques par nature. […] L’excitation nerveuse doit suivre celui des trois canaux qui s’ouvrira le plus facilement : dans le cas du rire, la décharge agit sur les muscles. […] Une brusque interruption est survenue : la vue de cette chèvre ne peut causer une émotion égale à celle de la réconciliation des deux amants ; il y a donc un surplus d’émotion qui doit s’écouler ; la décharge se produit par le canal qu’elle trouve ouvert et produit le rire.

252. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Il paraît avoir goûté du premier jour ce génie habile, facile et laborieux, ouvert et insinuant, d’une autre nature que le sien, et d’un ordre à quelques égards inférieur, mais qui par cela même ne lui était pas désagréable, et en qui, même à cause des différences, il n’était pas fâché de se désigner un successeur. […] Si l’on en croit La Rochefoucauld, ce fut dans le court intervalle qui s’écoula entre la mort de Richelieu et celle de Louis XIII, que Mazarin commença à s’ouvrir les avenues vers l’esprit et le cœur de cette princesse, à se justifier auprès d’elle par ses amis, et à se ménager peut-être quelque conversation secrète, dont elle-même faisait mystère à ses anciens serviteurs. […] Beringhen ne s’ouvrit d’abord qu’avec d’extrêmes précautions sur les bonnes intentions de la reine.

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