/ 1941
17. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

On peut même ajouter que les mots, par cela même qu’ils sont des phénomènes sonores, expriment mieux l’élément sonore, soit d’une idée particulière, soit d’une idée générale, que son élément visuel-tactile, qui, d’ordinaire, est le plus important. […] Cette illusion si fréquente est très heureusement dénoncée par le proverbe français : Comparaison n’est pas raison, riposte ordinaire de l’esprit rigoureux qui distingue l’image et l’idée à l’homme d’imagination qui les confond. […] Mais, dès la première apparition du besoin d’un signe extérieur, la prééminence ordinaire de l’image visuelle a dû inviter l’esprit à porter son choix sur cette image. […] Il résulte de cette définition que tout état habituellement associé à d’autres états est un signe, et, comme aucun état psychique n’est dépourvu d’associations habituelles, théoriquement, tout état psychique est un signe : B est le signe de A, comme A est le signe de B ; en effet, il arrive parfois qu’un signe usuel soit signifié par ce que, d’ordinaire, il signifie ; par exemple, je vous montre une fleur, une rose, et vous la voyez ; à ce moment, le mot rose est conçu par votre esprit comme il l’est par le mien ; les rôles ordinaires de l’objet et du signe sont renversés ; l’objet est devenu le signe, le signe est devenu l’objet. […] IV, § 2] ; l’idée, au contraire, n’étant jamais matériellement réalisée, ne saurait être régénérée que par l’attention ; et l’attention la dédaigne, le mot rapidement compris suffisant à l’exercice ordinaire de la pensée [§ 8].

18. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Il n’est guère de sciences dont on ne puisse instruire l’esprit le plus borné, avec beaucoup d’ordre et de méthode ; mais c’est là pour l’ordinaire par ou l’on pèche. 3°. […] Premièrement on doit en exclure, outre les noms propres, tous les termes de sciences qui ne sont point d’un usage ordinaire et familier ; mais il est nécessaire d’y faire entrer tous les mots scientifiques que le commun des lecteurs est sujet à entendre prononcer, ou à trouver Jans les livres ordinaires. […] Les Romains ont attaqué mon père vers l’Euphrate, et trompé sa prudence ordinaire dans la nuit , etc. […] On peut juger de là combien est opposée à l’éloquence véritable, cette loquacité si ordinaire au barreau, qui consiste à dire si peu de choses avec tant de paroles. […] Elles sont d’ailleurs presque aussi communes, même dans le discours ordinaire, que l’usage des mots pris dans un sens figuré, est commun dans toutes les langues.

19. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

. — Nous situons notre sensation à l’endroit où nous avons coutume de rencontrer sa condition ou cause ordinaire. […] Ainsi, étant donnée une sensation visuelle à laquelle ne correspond aucun objet extérieur, elle provoque le jeu d’un mécanisme interne qui la transporte hors de nous et qui, selon qu’elle est telle ou telle, munie de tels ou tels accompagnements, la situe ici ou là, toujours à l’endroit où dans les circonstances ordinaires sa cause ou condition ordinaire a coutume d’être : la loi est générale et explique toutes les illusions d’optique. — Par conséquent, même dans les circonstances ordinaires, lorsque la cause ou condition ordinaire, c’est-à-dire l’objet, est présent et occupe l’endroit désigné, lorsqu’un fauteuil rouge ou un arbre vert est réellement à six pieds de moi, le mécanisme interne fonctionne comme dans le cas exceptionnel où j’ai dans la rétine une impression consécutive, comme dans le cas exceptionnel où j’ai dans les centres cérébraux une hallucination proprement dite. […] Cette cause ou condition peut manquer, puisque sa présence n’est qu’ordinaire ; en tout cas, qu’elle soit présente ou absente, le jugement localisateur est une illusion, puisque nous situons toujours la sensation où elle n’est pas. […] C’est là aujourd’hui notre procédé ordinaire. […] La loi qui a fini par susciter en nous l’illusion amène d’ordinaire hors de nous la condition.

20. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Deux dignitaires principaux y président, et chacun d’eux a sous ses ordres une centaine de subordonnés : d’un côté le grand chambellan avec les premiers gentilshommes de la chambre, avec les pages de la chambre, leurs gouverneurs et précepteurs, avec les huissiers de l’antichambre, avec les quatre premiers valets de chambre ordinaires, avec les seize valets de chambre par quartier, avec les porte-manteaux ordinaires et par quartier, avec les barbiers, tapissiers, horlogers, garçons et porteurs ; de l’autre côté, le grand-maître de la garde-robe, avec les maîtres de la garde-robe, avec les valets de la garde-robe ordinaires et par quartier, avec le porte-malle, le porte-mail, les tailleurs, les lavandiers, l’empeseur et les garçons ordinaires, avec les gentilshommes ordinaires, les huissiers et secrétaires de cabinet, en tout 198 personnes pour le service intime, comme autant d’ustensiles domestiques pour tous les besoins de la personne ou de meubles somptueux pour la décoration de l’appartement. […] Ce n’est pas une petite besogne que d’être maître de maison, surtout quand, à l’ordinaire, on reçoit cinq cents personnes ; on est obligé de passer sa vie en public et en spectacle. […] Le dimanche tout le public, même ordinaire, est introduit, et cela s’appelle le « grand couvert », aussi solennel et aussi compliqué qu’une grand’messe. […] Cependant, les jours ordinaires, le pharaon fait rage ; dans son salon, « le jeu n’a plus de bornes » ; en une soirée, le duc de Chartres y perd huit mille louis. […] Dans les jours ordinaires on buvait 50 douzaines de bouteilles, et 80 douzaines pendant la visite du roi et des princes.

21. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Et qui détermine ce ton, sinon l’état ordinaire de l’esprit ? […] Les vérités moyennes sont celles qui appartiennent à la conversation et non à la science, qui sont du domaine de tous et non du domaine de quelques-uns, qu’on entend et qu’on aime, non parce qu’on est un homme spécial, mais parce qu’on est un homme bien élevé : telles sont les questions de morale ordinaire, d’art, de politique, d’histoire. […] Ce sont ces métaphores modérées, à peine sensibles, qui n’interviennent que pour éclairer la raison, ou pour élever de temps en temps et d’un degré seulement le ton ordinaire. […] Un homme ordinaire ne comprendra pas ces mots : faits volontaires. […] Mettons la définition à la place du défini et nous aurons : « Nos actions voulues sont les seules que nous jugions dignes de punition ou de récompense. » Nous voici revenus à une phrase ordinaire ; il a fallu supprimer une erreur et faire trois traductions ; il en faudrait quatre ou cinq autres pour exprimer la chose exactement et en psychologue.

22. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

S’il n’y va point, il reste dans la vie ordinaire, dans la conscience ordinaire, dans la vertu ordinaire, dans la foi ordinaire, ou dans le doute ordinaire ; et c’est bien.

23. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 9, de la difference qui étoit entre la déclamation des tragedies et la déclamation des comedies. Des compositeurs de déclamation, reflexions concernant l’art de l’écrire en notes » pp. 136-153

Or la déclamation comique des anciens étoit déja plus variée et plus chantante que la prononciation ne l’étoit dans les conversations ordinaires. […] Je me contenterai donc d’ajoûter à ce que j’ai déja dit, que les acteurs qui joüoient la comedie n’avoient d’autre chaussure qu’une espece de sandale qu’ils appelloient socque, au lieu que ceux qui déclamoient la tragedie montoient sur le cothurne, espece de brodequin dont la semele étoit de bois, ce qui les faisoit paroître d’une taille fort élevée au-dessus de celle des hommes ordinaires au rapport de Lucien, de Philostrate et de plusieurs autres écrivains qui les voïoient tous les jours. […] Ces musiciens m’ont répondu que la chose étoit possible, et même qu’on pouvoit écrire la déclamation en notes en se servant de la gamme de notre musique, pourvu qu’on ne donnât aux notes que la moitié de l’intonation ordinaire. […] Leurs organes se plieroient à cette intonation, à cette prononciation de notes faite sans chanter, comme ils se plient à l’intonation des notes de notre musique ordinaire.

/ 1941