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514. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Non seulement les œuvres qu’elle avait produites figuraient certainement, et pour une grande part, dans les « deux cent quarante volumes de comédies », que mentionne l’inventaire de sa bibliothèque ; mais il voyait, il fréquentait assidûment les artistes contemporains qui en étaient les représentants. […] Si l’on a bien dans la mémoire l’ensemble des œuvres du comique français, on discerne sans peine l’élément important que lui a transmis la double veine, littéraire et populaire, de l’art italien ; élément important, non par le fonds des idées satiriques et morales, mais par l’abondance des moyens d’expression ; élément en quelque sorte matériel, artificiel, mis à la disposition du grand ouvrier. […] Toute cette tradition comique, qui semblait ne rien produire que d’éphémère, ne fut ainsi ni inutile ni perdue ; et Molière, en la faisant contribuer à son œuvre, fit rejaillir sur elle un peu de l’éclatante lumière dont celle-ci est éclairée. […] Elles apprennent encore à ne point désespérer d’une époque parce qu’elle n’enfante point des œuvres artistiques ou littéraires de premier ordre : elle les ébauche, elle les rend possibles, elle les prépare peut-être. […] Quelque autre Molière viendra peut-être, qui, dominant de son regard ce vaste travail inégal et confus qui se fait aujourd’hui, en sauvera ce qui mérite d’être sauvé et l’emploiera dans son œuvre.

515. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Voilà le peintre chargé de la même œuvre que Raphaël à la Farnésine ou G0uerchin au palais Ludovisi. […] Et cependant il n’y a là qu’une image transfigurée de leur terre et de leur œuvre. […] Nous avons conversé longuement et plusieurs fois avec les fondateurs de l’œuvre, MM.  […] Elle n’ajoute rien à l’œuvre. […] L’espèce a été détruite par Richelieu et Louis XIV ; à ce prix, le grand ministre et le grand toi ont fait leur œuvre, et l’on peut louer l’œuvre ; mais il faut savoir ce qu’elle nous a coûté.

516. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Combien parmi nous, de ceux qui ont un nom, un petit nom littéraire, ne le doivent qu’à la puissance de leurs relations — vigoureux cheval de renfort qui hissa leur œuvre au sommet de la côte… leur œuvre, fardeau lourd de poids, mais léger de valeur, qui, faute d’un tel appui, fût demeurée aux régions inférieures. […] Gardons-nous des apparences et défions-nous des catégories où, d’après leur forme, on enferme les œuvres de l’art. […] Dans un temps où la plupart des œuvres d’imagination dénotent la hâte avec laquelle elles furent écrites, où de plus en plus on méconnaît le principe fondamental de toute esthétique : que la Forme seule peut imprimer la durée aux œuvres de l’esprit, c’est déjà un mérite singulier que d’en connaître la vertu. […] — « L’œuvre du divin poète fait songer à la Victoire de Samothrace, ouvrant dans l’infini ses ailes mutilées. […] C’est bien le sens de son premier jugement, quand il parle « d’œuvre complète et originale dans les Beaux-Arts ».

517. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Émile Zola, l’Œuvre. […] Eh bien, son œuvre est assurément de celles où la réalité se trouve le plus profondément transformée par le tempérament de l’artiste. […] Le ton de la conversation est, dans l’Œuvre, sensiblement le même que dans l’Assommoir. […] Ainsi l’observation directe et récente des milieux fait évidemment défaut dans l’Œuvre. […] Rien de tel dans l’Œuvre.

518. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Souvent la pierre arrachée de l’œuvre d’autrui, reconnaissable non seulement à son grain mais à sa taille, est transportée telle quelle au tas informe que le didactique appelle son monument. […] Henry Bordeaux ne connaisse et n’imite que les œuvres récentes de Barrès et les œuvres demi-récentes d’Octave Feuillet. […] D’ailleurs mon expérience personnelle m’a appris que toute cette œuvre, à une exception près, est, en effet, de la même force. […] À nous qui voyons que ce sommet est une taupinée, La Fraude dira mieux la vaste platitude ordinaire de son œuvre. […] Le nom l’indique et les « œuvres » le prouvent, le naturisme est un naturalisme auquel on a coupé quelque chose.

519. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Impuissants à créer, ils ont cherché à accaparer l’œuvre des Décadents : ce sont les parasites d’une idée. […] Bien qu’ils aient produit un nombre incalculable de livres, ils n’ont pas à présenter une seule œuvre de résistance. […] Quelque temps après, il se faisait inscrire comme disciple de Moréas et annonçait à grand bruit qu’il allait publier une œuvre symboliste : La Peau de Marsyas. […] Jusqu’à présent ils ont fait plus de bruit avec des cartouches de dynamite qu’avec leurs œuvres littéraires. […] Les Cornes du Faune, d’Ernest Raynaud, Le Pèlerin passionné, de Moréas, ne sont pas de ces œuvres qui font dévier l’humanité et lui impriment une direction nouvelle.

520. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Il avait, il est vrai, aussi une œuvre forte : le De Summo Pontifice de Bellarmin, mais cette œuvre, qui a sa grandeur, n’a pas le charme de beauté dans la plus pure clarté qu’a ce livre incroyable du Pape, où la transparence de la forme est égale à la transcendance du sujet ! […] Schopenhauer et Hartmann, ces esprits de grotesque et lamentable ressource, n’ont rien trouvé de mieux que l’anéantissement sommaire du genre humain, — préalablement abêti par eux et par leurs œuvres, il n’avait plus besoin de mourir !  […] Saint-Bonnet, — pour qui, depuis des années, je brûle vainement dans les journaux l’amadou de mes pauvres articles, sans avoir jamais pu allumer la torche à laquelle il a droit et qui devrait marcher devant lui comme la flûte devant le triomphateur romain, — Saint-Bonnet, l’auteur de l’Unité spirituelle, de la Restauration française, de l’Infaillibilité, de l’Affaiblissement de la Raison en Europe, de la Légitimité, de la Chute, etc., n’a pas (comme vous le voyez) que ce livre de la Douleur au riche budget de ses œuvres· Malheureusement, ces œuvres, qui devraient éclater de gloire, n’ont pas fait le bruit de la moindre sottise, et c’est nonobstant appuyé sur elles qu’il reste tranquillement, attendant patiemment la Postérité. […] , épouvanté de ne pas trouver le mot de ce monde, qui, s’il n’est pas tombé, n’est plus que l’œuvre d’un diable devenu fou, — comme disait Byron, — c’est-à-dire une absurdité, finit pourtant par accepter. […] Notre admiration pour ses œuvres ne nous fait pas rêver.

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