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466. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Que leurs œuvres restent étiquetées, par le hasard, de ces syllabes-là plutôt que de celles qui forment les noms de Dupont ou de Durand, qu’est-ce que cela peut faire à ceux qui furent Hugo ou Shakspeare ? […] Or, pour en revenir à l’auteur de Bel Ami, sans doute la gloire de son œuvre sera de longue durée ; mais nous voyons que pour lui, la jouissance n’en aura même pas été viagère. […] Tel il fut dans les commencements de son œuvre. […] Et c’est pourquoi, dans les derniers livres de Maupassant, lentement, le surgit amari aliquid fait son œuvre. […] Bref, c’est l’humanité supérieure qui fait sa rentrée dans l’œuvre de Maupassant ; et l’humanité supérieure est faite, en somme, de tout l’idéalisme du passé et de ses plus nobles rêves ; et les décrire ainsi et de ce ton, ce n’est peut-être pas y croire, mais ce n’est plus les répudier.

467. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mallarmé, Stéphane (1842-1898) »

Camille Mauclair L’œuvre de M.  […] Mallarmé, par ses articles, ses œuvres fragmentaires et ses causeries, a été le grand éducateur de l’art métaphysique de ces dernières années, et ce seul rôle explique les polémiques et les sympathies, sa situation spéciale, son renom de hautaine et noble intégrité. […] Les littérateurs de boulevard raillaient, au contraire, l’œuvre de Mallarmé, bien qu’elle fût analogue à celle de ces calculateurs. […] Il l’était de par cette maîtrise de soi, empreinte à chaque ligne de son œuvre comme à chaque ride de son front ; de par cette aristocratie absolue qui le faisait vivre à l’écart et qui, à peine surgissait-il en quelque réunion, le désignait, le consacrait. […] Albert Mockel Le poète restreignait peu à peu les éléments sensibles de son œuvre.

468. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

De cette persévérance sortit plus d’une œuvre imprévue. […] Certes, s’il ne s’agit que d’apprécier les ressources et la portée du génie individuel, l’étendue de ressort qu’on lui pouvait supposer, les applications plus ou moins larges qui s’en pouvaient faire, nous dirons que M. de La Mennais dans son ordre, et M. de Lamartine dans le sien, ont témoigné une flexibilité, une vigueur ou une grâce, une amplitude en divers sens, que leurs premières œuvres ne démontraient pas. […] avec plus de produit dans le talent et avec un dégagement à tout prix, le résultat de l’œuvre a été moins beau que d’abord : la loi de l’ensemble, l’unité, a été violée ; le fonds entier s’est vu compromis. […] Hugo a donné à la fois les plus belles marques de son génie lyrique dans les Feuilles d’Automne, et de son talent de prosateur dans sa Notre-Dame de Paris ; Marion Delorme aussi (une œuvre dramatique véritable) n’a paru à la scène que depuis 1830. […] Les talents qui en sont à leurs secondes phases, et qui les ont eues meilleures que les premières, se trouvent rapprochés par une certaine harmonie plus proportionnée des œuvres.

469. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

c’était à cela, à cette œuvre dont le sujet ne s’avouait jamais, à ce style où l’Art, certes, était évident, mais où les mots, comme par une sorte de gageure, hélas ! […] Mallarmé remercie avec effusion et se met à l’œuvre. […] Œuvre en maints volumes de laquelle pas un livre encore n’est écrit. […] Paul Valéry, elle est plausible, Hugo n’avait-il pas émis la prétention de modeler son œuvre sur l’univers et n’est-ce pas l’éternel conflit du bien et du mal qui s’y joue, qui lui avait suggéré son procédé de l’antithèse ? […] À quoi bon disséquer l’œuvre de Mallarmé pour y chercher la justification d’un si formidable engouement ?

470. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Ne pas séparer la vie de l’œuvre, c’est toujours très bon, évidemment ; mais cela conduit assez naturellement à ramener sans cesse l’œuvre à la biographie, et quand l’œuvre est immense et la vie petite, cela, au moins en apparence, réduit l’œuvre, laisse l’impression, la sensation d’une grande œuvre qu’on aurait rapetissée à dessein. […] C’est qu’en effet l’œuvre de Goethe est d’une grandeur incomparable, et sa vie, cette vie dont cette œuvre est sortie, est fort médiocre. […] On rend un immense service à Mme Desbordes-Valmore en rattachant son œuvre à sa vie, en expliquant par sa vie son œuvre, et même, peut-être, en cachant un peu son œuvre, derrière sa vie. […] Sa gloire est établie, son œuvre très peu connue ; c’est donc à la connaissance de son œuvre qu’il faut contribuer, non à sa gloire. […] Il s’est complètement résumé dans cette grande œuvre.

471. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

A cette question difficile, on peut répondre, en regardant le trait apparent et commun des œuvres romantiques : le romantisme est une littérature où domine le lyrisme. […] Ces influences, dont j’ai marqué précédemment le progrès jusqu’aux approches de la Révolution, se sont depuis trente ans précisées, étendues ; des œuvres considérables ont pénétré chez nous, apportant une force nouvelle aux instincts romantiques. […] C’étaient des traductions d’ouvrages étrangers, des recueils de chants populaires ou d’anciennes poésies, des études d’histoire littéraire, des voyages : toute l’Europe, pour ainsi dire, de la Grèce à l’Écosse, et toutes les œuvres modernes, des troubadours à Byron, investirent l’idéal classique et le dépossédèrent714. […] C’est une œuvre de combat, venue après la défaite : œuvre d’un esprit vigoureux et pénétrant, mais systématique, partial, fermé à tout ce que son parti pris ne l’autorise à comprendre, juge délicat des œuvres qu’il se reconnaît le droit d’admirer. […] Œuvres complètes, Lemerre, 6 vol. in-12. — Il avait un frère, Antony Deschamps (1800-1869), qui traduisit Dante.

472. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

En tout cas il y a là une ligne authentique de la psychologie française, peut-être plus importante que l’influence de Tracy, et dont la place dans l’œuvre complète de Stendhal est considérable. […] Les deux œuvres forment deux espèces d’un genre que l’on peut bien appeler avec Stendhal la cristallisation. […] Si l’œuvre d’art garde les traits de l’œuvre d’amour, la préoccupation de l’art ne va pas sans préoccupation d’amour. […] L’artiste vrai est celui dont les œuvres vivantes sont cristallisées autour de ses moments d’inspiration, de façon à former une série, à remplir harmonieusement une durée. […] Et l’on montrerait de même que la réalité vraie dans l’art ce n’est ni l’artiste, ni l’œuvre, c’est l’artiste et l’œuvre présents l’un dans l’autre et vivant l’un pour l’autre.

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