/ 3151
460. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Ils ont des mœurs plus sévères, plus détachées de ce globe, qu’ils foulent aux pieds les yeux au ciel, lorsqu’ils sont de vrais prêtres Même à part la vertu des sacrements, qui sont des efficacités et des puissances d’un ordre surnaturel, et dont nous n’avons pas à nous occuper ici, les prêtres ont plus d’obligations que nous et plus de tenue ; car la valeur humaine se mesure à l’étendue des devoirs. […] Léopold Ranke, un Français de Berlin pour le vif sentiment de la réalité historique, nous donnait dans une histoire, au fond protestante, une étude magnifique sur Ignace de Loyola, le fondateur de l’ordre le plus impopulaire, et qui contraignait les plus insolents à baisser les yeux devant la beauté morale de ce chevalier qui fut un saint. […] Il avait les lèvres épaisses, les yeux mouillés de larmes involontaires et perpétuelles, les dents canines posées en saillie ! […] La traduction des abbés Sisson et Crampon que nous avons sous les yeux n’est pas de nature à donner une idée très haute du style du docteur, si cette traduction est fidèle.

461. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Pleine d’admiration pour les premiers siècles de l’Église qui furent si grands, pour cette période de l’histoire, la Genèse d’un nouvel univers moral dressée devant les yeux humiliés de l’Économie politique, comme ce bouclier de diamants qu’Ubald, dans le Tasse, présente à Renaud pour qu’il y mire son impuissance et sa honte, l’Académie n’a pas su conclure nettement dans le sens de cette admiration franche et souveraine, et ce n’est pas le livre véritablement chrétien, imbibé de ce catholicisme qui est le sang pur de la vérité chrétienne qu’elle a couronné, mais des livres infectés plus ou moins de ce protestantisme qui est le commencement de la philosophie, comme, dans un autre ordre, la crainte de Dieu est le commencement de la sagesse. […] Schmidt, professeur à la faculté de Théologie protestante de Strasbourg, mais nous avons sous les yeux celui d’Étienne Chastel, de Genève, et, quoique le protestantisme en soit moins articulé, moins apparent, que dans les citations du livre de M.  […] C’est ainsi que partout, dans le livre des Études sur la Chanté chrétienne, Notre-Seigneur Jésus-Christ n’est jamais appelé que « le plus grand des révélateurs », et que les miracles enseignés par l’Église sont regardés de cet œil tout ensemble défiant et superficiel que nous connaissons. […] Le célibat, les monastères, — les monastères, qui ne furent pas tous bâtis dans cette période d’histoire que des protestants peuvent exalter sans réserve et sans peur, — voilà ce qui donna à la charité chrétienne cette prodigieuse efficacité, qui la fait ressembler aux yeux des hommes à la plus colossale et à la plus magnifique des institutions !

462. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Elle est chose grave, sacrée1, et pourtant il entre à vue d’œil toutes sortes de hasards dans sa constitution, bien du factice et du convenu dans sa vérité définitive. […] J’ai souvent aimé à me figurer, moyennant quelques images qui parlent aux yeux, ces degrés successifs d’approximation, en quelque sorte décroissante, par où passe inévitablement l’histoire, toujours refaite à l’usage et dans l’intérêt des vivants. […] Aussi le philosophe, on le conçoit, n’attache pas une très-grande importance, une importance absolue, à la forme extérieure de l’histoire qu’il voit éclore en son temps et prendre sous ses yeux : ce n’est pour lui qu’une écorce et qu’une croûte qui pouvait lever de bien des façons. […] Mais ce droit qui naît, qui se fabrique à vue d’œil, qui tire toute sa force de l’utilité et de la fonction, est faible à d’autres égards : il a besoin de consécration et de complément religieux. […] Le talent d’expression y est éminent ; je ne serais pas étonné que par endroits, pour quelques yeux chagrins, ce talent ne voilât presque, ne déguisât dans de trop riches images le fin de l’esprit et le réel de l’érudition.

463. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Mon père, ma mère, mes sœurs ont laissé plus de traces dans mes yeux, dans mes oreilles, dans mon cœur, que le vent qui court n’en laisse dans les genêts de la montagne de Milly. […] Puis, repliant, comme un conspirateur, mon manteau sur mes yeux, je marchais rapidement vers le pavillon du milieu d’un hôtel monumental où l’on m’attendait. […] Son front était penché comme sous une pensée méditative ; ses traits étaient fins, comme ils sont restés depuis, mais nobles et francs ; son expression profonde sans double entente, son œil intelligent mais sincère. […] Tandis que le jeune écrivain travaillait courageusement à corriger son œuvre sous l’œil de ses amis, il débuta dans la publicité en brisant une lance, assez peu courtoise, il faut le dire, contre madame de Staël, que la célébrité lui désignait comme sa grande rivale du moment. […] « L’habitant de la cabane et celui des palais, tout souffre, tout gémit ici-bas ; les reines ont été vues pleurant comme de simples femmes, et l’on s’est étonné de la quantité de larmes que contiennent les yeux des rois ! 

464. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Enfin un respect les entoure, presque involontaire chez ceux qui le leur témoignent ; ils lisent presque à chaque instant, dans les yeux, dans les gestes, dans toute l’attitude de ceux qui les approchent et même des personnes les plus considérables, qu’ils sont d’une espèce supérieure et privilégiée. […] Un nez démesuré ; de grands yeux qui devaient être beaux, mais à fleur de tête ; pas déjoués : deux profils collés ; une bouche vilaine, soulevée par les dents obliques ; en somme, un nez et deux yeux, et presque rien avec ; une laideur puissante, fascinatrice si l’on veut, qui devait s’illuminer et devenir superbe dans les moments de passion ou dans l’ivresse des batailles. […] Dès la première rencontre, il se bat éperdument. « Après avoir tiré à bout portant ses deux pistolets, il désarme de sa main et fait prisonnier un capitaine de cuirassiers de l’empereur. » Nous savons par les témoignages des contemporains qu’il donnait toujours de sa personne dans la mêlée, que le combat l’enivrait et le transfigurait, et qu’il apparaissait alors, les yeux flamboyants, tout rouge de sang, « pareil au dieu Mars ». […] Richelieu, qui avait un œil dans l’alcôve du duc d’Anguien, prenait fort mal sa discrétion calculée à l’égard de la duchesse. […] Il s’agit, ici et là, d’avoir à la fois sous les yeux, de retenir en même temps dans le champ de son attention une grande quantité de mouvements accomplis et de mouvements projetés et leurs relations actuelles et futures.

465. (1890) L’avenir de la science « II »

La science à leurs yeux fut un vol fait à Dieu, une façon de le braver et de lui désobéir. […] Spirituel tant qu’on voudra, celui qui en face de l’infini ne se voit pas entouré de mystères et de problèmes, celui-là n’est à mes yeux qu’un hébété. […] Mais il faut se garder de prendre cette nature, d’une façon étroite et mesquine, pour les usages, les coutumes, l’ordre que l’on a sous les yeux. Cette mer est autrement profonde ; on n’en touche pas si vite le fond, et il n’est jamais donné aux faibles yeux de l’apercevoir. […] À mes yeux, ce système est le plus illogique et le plus irrévérencieux envers les choses divines.

466. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

« Elle était aimable, écrit Mme de Motteville, et sa beauté avait de grands agréments par l’éclat de la blancheur et de l’incarnat de son teint, par le bleu de ses yeux qui avaient beaucoup de douceur, et par la beauté de ses cheveux argentés qui augmentait celle de son visage. » Ce blond d’argent de ses cheveux, joint à cette blancheur transparente et vive, cette douceur bleue de son regard, s’accompagnaient d’un son de voix touchant et qui allait au cœur ; tout se mariait en elle harmonieusement. […] En tout, c’était une beauté touchante et non triomphante, une de ces beautés qui ne s’achèvent point, qui ne se démontrent point aux yeux toutes seules par les perfections du corps, et qui ont besoin que l’âme s’y mêle (et l’âme avec elle s’y mêlait toujours) ; elle était de celles dont on ne peut s’empêcher de dire à la fois et dans un même coup d’œil : « C’est une figure et une âme charmantes. » Le roi l’aima donc, et pendant des années uniquement et très vivement : pour elle, elle n’aima en lui que lui-même, le roi et non la royauté, l’homme encore plus que le roi. […] Faisant allusion à cette chevelure coupée qui est le premier sacrifice de la vie religieuse et qui n’est pas le moindre, Bossuet empruntait la parole d’Isaïe : « J’ai vu les filles de Sion, la tête levée, marchant d’un pas affecté, avec des contenances étudiées, en faisant signe des yeux à droite et à gauche : pour cela, dit le Seigneur, je ferai tomber tous leurs cheveux. » — Quelle sorte de vengeance ! […] … Ce fut, à mes yeux, tous les charmes que nous avons vus autrefois ; je ne la trouvai ni bouffie, ni jaune ; elle est moins maigre et plus contente ; elle a ses mêmes yeux et ses mêmes regards ; l’austérité, la mauvaise nourriture et le peu de sommeil ne les lui ont ni creusés, ni battus ; cet habit si étrange n’ôte rien à la bonne grâce, ni au bon air ; pour la modestie, elle n’est pas plus grande que quand elle donnait au monde une princesse de Conti ; mais c’est assez pour une carmélite. […] Louis XIV l’avait vue entrer au couvent d’un œil sec.

/ 3151