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248. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Encore l’antiquité païenne en a-t-elle ignoré un assez grand nombre. […] Un de ses admirateurs en porte le nombre à mille. […] En effet, Calvin ne changea rien au fond de sa doctrine ; c’est par le nombre et le développement des preuves que son ouvrage s’accrut. […] Le même art de composition qui, dans l’exposition de la doctrine, range les choses dans leur ordre et leur proportion, se fait voir dans le langage, par la suite, la gradation, l’exactitude des expressions, qui, pour le plus grand nombre, sont définitives. […] Par une autre conformité non moins marquée avec cet esprit, tandis que Rabelais se modelait sur les Grecs, Calvin se formait sur la langue latine, et en naturalisait parmi nous bon nombre de tours et d’expressions qui y sont demeurés.

249. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Renseignez-vous, dans le moindre bureau de tabac, dans le moindre dépôt de journaux, et demandez le nombre de romans illustrés ; le nombre de livraisons dites de luxe qui contiennent les œuvres des prétendus « maîtres du roman » ; le nombre de feuilles quotidiennes à triple feuilleton, qui s’écoulent dans une semaine. […] J’ai donc montré, par des exemples, que le roman populaire avait déjà un commencement d’histoire ; par un rapide exposé de nos mœurs, qu’il était nécessaire ; par des citations dont j’aurais pu augmenter le nombre, que la pensée d’un art et d’une littérature s’adressant à la foule, familière autrefois à beaucoup d’esprits, n’est pas sans écho dans le monde où nous vivons. […] J’accorde même qu’il y aura toujours un certain nombre d’hommes, attachés de corps et dame à la besogne journalière, tellement privés de toute culture, que l’art ni la littérature ne pourront jamais trouver place dans leur vie. Mais l’effort du siècle, et, à mon avis, l’effort généreux, tend à en diminuer le nombre.

250. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Or maintenant je vous dirai le mien qui est tel, que si je descends du vaisseau, il y a céans telles personnes au nombre de cinq cents et plus87, qui n’y voudront non plus rester et qui demeureront en l’île de Chypre par peur du péril ; car il n’y a homme qui autant n’aime sa vie comme je fais la mienne ; et ils courront risque de ne jamais rentrer en leur pays. […] Après divers retards, saint Louis et son armée quittèrent Chypre et firent voile de la pointe de Limesson (Limisso), le samedi 22 mai 1249 : « qui fut très belle chose à voir, car il semblait que toute la mer, tant que l’on pouvait voir à l’œil, fût couverte de toiles des voiles des vaisseaux qui furent comptés au nombre de dix-huit cents tant grands que petits ». […] Voyant cela, le roi mande ses barons et conseillers ; on délibère, et le roi, contre l’avis d’un grand nombre, se décide pour fixer le débarquement au vendredi devant la Trinité. […] Ne les contredisez pas… Les légions romaines aimaient toutes les religions… Le pillage déshonore les armées et ne profite qu’à un petit nombre… La ville qui est devant tous et où vous serez demain a été bâtie par Alexandre ! […] Meyer, l’œil de lynx le plus perçant, la plume la plus exigeante d’exactitude et qui ne laisse rien passer, et j’y trouve quantité de remarques et nombre de leçons meilleures proposées pour l’avenir.

251. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Le profond mot Nombre est à la base de la pensée de l’homme ; il est, pour notre intelligence, élément ; il signifie harmonie aussi bien que mathématique. Le nombre se révèle à l’art par le rythme, qui est le battement du cœur de l’infini. […] Sans le nombre, pas de science ; sans le nombre, pas de poésie. La strophe, l’épopée, le drame, la palpitation tumultueuse de l’homme, l’explosion de l’amour, l’irradiation de l’imagination, toute cette nuée avec ses éclairs, la passion, le mystérieux mot Nombre régit tout cela, ainsi que la géométrie et l’arithmétique.

252. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

« Le nombre de mes collaborateurs, la variété de leurs connaissances, leur talent était une force qui, utilisée dans le sens de la destruction, eût miné dans sa base l’édifice social. […] Artiste dans la plus forte acception du terme, il exprime sa pensée en phrases irréductibles et ne voit dans l’art que la science du nombre, le secret de la grande harmonie. […] Bien qu’ils aient produit un nombre incalculable de livres, ils n’ont pas à présenter une seule œuvre de résistance. […] Composée de quatre poètes, Jean Moréas, Maurice du Plessys, Ernest Raynaud, Raymond de La Tailhède, et d’un historiographe qui a le tort de vouloir être un théoricien, Charles Maurras, ce n’est donc point par le nombre de ses membres qu’elle a quelque valeur, mais par leurs œuvres et surtout par leurs formidables prétentions. […] Je dois dire que le plus grand nombre de ces écrivains ont du talent et un souci de l’Art que ne connurent point leurs aînés.

253. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Le docteur Boucher, curé de Saint-Benoît, et deux autres députés de sa couleur arrivèrent auprès du duc de Mayenne à Rethel, porteurs de cahiers et de demandes au nom de la faction ; ils accusaient sous main le duc de Mayenne de leur avoir retiré leurs moyens d’action et de pouvoir, « et publiquement ils blâmaient ceux qui l’assistaient, au nombre desquels je n’étais épargné, dit Villeroi, ni ledit sieur président Jeannin, qui eut de grandes paroles avec eux » En s’en prenant à Villeroi et à Jeannin, ils s’attaquaient, en effet, aux deux meilleures têtes du conseil de Mayenne, et, dans la personne de Jeannin, à la plus brave et à la plus courageuse. […] Villeroi, en ses sages Mémoires, paraît en douter ; il n’attribue ce sentiment qu’à un petit nombre, et se montre disposé à croire que Paris, en cette circonstance, soutint et supporta ce siège désespéré comme on l’a vu depuis supporter bien des choses extrêmes, par timidité, sous l’influence et la domination d’un petit nombre, comme on l’a vu, par exemple, en 1793, supporter la Terreur. […] Le président était sincèrement affectionné au duc de Mayenne, à qui cette amitié fait honneur, et il fut du petit nombre de ceux qui lui dirent : « Vous avez tort, mais je vous suivrai jusqu’au bout. » Jeannin servit donc Mayenne jusqu’à la dernière extrémité et osa être un vaincu.

254. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Le but de l’ambition est certainement aussi plus facile à obtenir que celui de la gloire : et comme le sort de l’ambitieux dépend d’un moins grand nombre d’individus que celui de l’homme célèbre, sous ce rapport il est moins malheureux ; il importe cependant bien plus de détourner de l’ambition que de l’amour de la gloire. Ce dernier sentiment est presque aussi rare que le génie, et presque jamais il n’est séparé des grands talents qui font son excuse ; comme si la Providence, dans sa bonté, n’avait pas voulu qu’une telle passion put être unie à l’impossibilité de la satisfaire, de peur que l’âme n’en fut dévorée : mais l’ambition au contraire est à la portée de la majorité des esprits, et ce serait plutôt la supériorité que la médiocrité qui en éloignerait ; il y a d’ailleurs une sorte de réflexion philosophique, qui pourrait faire illusion aux penseurs mêmes sur les avantages de l’ambition, c’est que le pouvoir est la moins malheureuse de toutes les relations qu’on peut entretenir avec un grand nombre d’hommes. […] Enfin, il n’est point d’homme qui ait été possesseur paisible d’une place éminente ; le plus grand nombre en a marqué la perte par une chute éclatante ; d’autres ont acheté sa possession par tous les tourments de l’incertitude et de la crainte ; et cependant, tel était l’effroi que causait le retour à l’existence privée, qu’un seul homme ambitieux, Sylla, ayant volontairement abdiqué le pouvoir, et survécu paisiblement à cette grande résolution ; le parti qu’il a pris est encore l’étonnement des siècles, et le problème dont les moralistes se proposent tous la solution. […] Les jouissances de la gloire, éparses dans le cours de la destinée, époques dans un grand nombre d’années, accoutument, dans tous les temps, à de longs intervalles de bonheur ; mais la possession des places et des honneurs, étant un avantage habituel, leur perte doit se ressentir à tous les moments de la vie.

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