Le mauvais esprit des Talleyrand et des hommes qui ont voulu endormir la nation m’a empêché de la faire courir aux armes, et voici quel en est le résultat. » Et le lendemain, 8 février ; « Oui, je vous parlerai franchement. […] Il venait de rendre un grand service en imprimant en toute hâte la Déclaration de l’empereur Alexandre à la nation française ; mais en même temps il se présentait avec le poème de la Pitié de Delille sous le bras, et il tenait absolument à l’offrir en personne à l’empereur Alexandre au débotté, attendu que dans ce poème, qui datait de 1804, Delille avait adressé des vers prophétiques à ce même empereur. — On recevait les uns, on éconduisait les autres : les émissaires se succédaient à chaque minute ; Laborie, le secrétaire, l’homme affairé entre tous, y contractait cette agitation haletante et essoufflée qui ne l’a plus quitté depuis.
En même temps que la corde religieuse, il touchait la fibre du patriotisme arabe : « Pourquoi, leur disait-il, la nation arabe est-elle soumise aux Turcs ? […] Il faisait sa première expérience sur des nations moins avancées que la nôtre.
J’engage les curieux à relire le passage qui commence par ces mots : « Dites-moi pourquoi, détestant la vie, je redoute la mort… » et qui finit par ces mots : « J’avoue qu’un rêve vaudrait mieux. » Un critique anglais, au moment où les Lettres parurent à Londres, remarquait avec justesse que Mme Du Deffand semble avoir combiné dans la trempe de son esprit quelque chose des qualités des deux nations, le tour d’agrément et la légèreté de l’une avec la hardiesse et le jugement vigoureux de l’autre. […] nous ne sommes pas comme cela ; nous avons des livres ; les uns sont l’art de penser ; d’autres l’art de parler, d’écrire, de comparer, de juger, etc. » Mais si elle a l’air ici de flatter Walpole et d’épouser le goût de sa nation, elle ne le complimente pas toujours, et sait au besoin lui résister.
Mais bientôt, avec l’âge et le cours des événements, les sujets deviennent plus sérieux : à partir d’un certain moment, toute l’histoire et la politique de son temps y passent, et nous y assistons avec lui, c’est-à-dire par les yeux d’un témoin judicieux, éclairé, placé au meilleur point de vue, ni trop près ni trop loin de la Cour, qui ne se pique point de parler en homme d’État, mais qui apprécie et sent les choses de sa nation avec le cœur et l’intelligence de cette haute bourgeoisie, alors si intègre et si patriotique, et qui se pouvait dire le cœur même de la France. […] Certes, si quelque chose était capable en France de contrebalancer l’impétuosité et l’impatience particulière à la nation, à la noblesse comme au peuple même, de créer à temps ce respect de la loi qui est comme un sens public qui nous manque et qui est aboli en nous, c’était ce corps intègre, tenant un milieu magistral, ce corps de politiques encore croyants, bons chrétiens et catholiques sans être ultramontains, royalistes loyaux et fervents sans être courtisans ni serviles.
Elle comprit quel genre de concessions commandait le génie de la nation espagnole, et quelles réformes aussi il permettait. […] Plus je les vois de près, et moins je trouve qu’ils méritent qu’on ait pour eux l’estime que je croyais qu’on ne pouvait leur refuser. » Selon elle, cette nation, en la personne de ses grands, ne s’était donnée à un fils de France que dans la pensée que la France seule la pourrait défendre et protéger.
Nous ne nous chargeons pas de répondre à toutes les excellentes plaisanteries lancées par lui contre un homme qu’il faudrait placer au rang des bienfaiteurs de l’humanité, n’eût-il établi qu’une vérité, celle qui nous sert d’épigraphe : « L’âge d’or, qu’une aveugle tradition a placé jusqu’ici dans le passé, est devant nous. » Carrel donna encore dans Le Producteur quelques autres articles de polémique, et il en fit aussi sur le commerce de la Grèce moderne, à le considérer sous un rapport de régénération politique et morale pour cette nation. […] La nation avait repoussé les premiers ; les seconds étaient ceux que Charles Ier n’avait pas voulu reconnaître. » J’ai noté un assez bon nombre de ces obscurités dans les premiers écrits de Carrel, et il en eut de tout temps.
Il veut que la nation ait ses fusils, qu’elle les ait même malgré elle. […] Entreprend-il de se justifier auprès de la Commune de Paris des sots griefs qu’on lui impute, comme d’avoir accaparé des armes, d’avoir des souterrains dans sa maison du boulevard, même d’avoir trompé autrefois les Américains par ses fournitures, il dira ingénument, en imitant les gageures et les défis à l’anglaise : Je déclare que je donnerai mille écus à celui qui prouvera que j’aie jamais eu chez moi, depuis que j’ai aidé généreusement l’Amérique à recouvrer sa liberté, d’autres fusils que ceux qui m’étaient utiles à la chasse ; Autres mille écus si l’on prouve la moindre relation de ce genre entre moi et M. de Flesselles… Je déclare que je paierai mille écus à qui prouvera que j’ai des souterrains chez moi qui communiquent à la Bastille… Que je donnerai deux mille écus à celui qui prouvera que j’aie eu la moindre liaison avec aucun de ceux qu’on désigne aujourd’hui sous le nom des aristocrates… Et je déclare, pour finir, que je donnerai dix mille écus à celui qui prouvera que j’ai avili la nation française par ma cupidité quand je secourus l’Amérique… Cette façon de tout évaluer en argent me paraît déceler un ordre de sentiments et d’habitudes qui était nouveau en littérature, et qui s’y naturalisa trop aisément.