Mais il en est arrivé comme l’avait prédit son ami Caraccioli, lequel disait que l’abbé resterait deux mois dans ce pays, qu’il n’y aurait à parler que pour lui, qu’il ne permettrait pas à un Anglais de placer une syllabe, et qu’à son retour il donnerait le caractère de la nation et pour tout le reste de sa vie, comme s’il n’avait connu et étudié que cela. […] Vers l’an 1750, dit Voltaire, la nation rassasiée de vers, de tragédies, de comédies, d’opéras, de romans, d’histoires romanesques, de réflexions morales plus romanesques encore, et de disputes théologiques sur la grâce et sur les convulsions, se mit enfin à raisonner sur les blés. […] Galiani avait pris à dessein cette forme du dialogue, comme plus française : « Cela est naturel, disait-il ; le langage du peuple le plus social de l’univers, le langage d’une nation qui parle plus qu’elle ne pense, d’une nation qui a besoin de parler pour penser, et qui ne pense que pour parler, doit être le langage le plus dialoguant. » Quant au fond, en combattant les idées absolues et les raisonnements des économistes, Galiani visait à faire entrevoir les idées politiques qui doivent régir et dominer même ces matières. […] L’abbé Galiani quitta Paris, pour n’y plus revenir, dans l’été de 1769, et c’est à cette date que commence sa Correspondance avec Mme d’Épinay ; c’est par elle dès lors qu’il se rattache presque uniquement à ses amis de Paris, et il aura l’occasion de lui répéter bien souvent : « Je suis perdu si vous me manquez. » Ce petit Machiavel, qui faisait l’insensible, qui se vantait de n’avoir pleuré de sa vie, et d’avoir vu d’un œil sec s’en aller père, mère, sœurs, tous les siens (il se calomniait lui-même), pleurait et sanglotait en quittant Paris, en quittant « cette nation aimable, disait-il, et qui m’a tant aimé ». […] Il se trouvera au bout du compte, dans quelques siècles, que vous aurez le mieux raisonné, le mieux discuté ce que toutes les autres nations auront fait de mieux.
La nation entière n’est qu’une vaste propagande. […] Je vous l’ai déjà dit, dans la société des nations comme dans celle des individus, il doit y avoir des grands et des petits. La France a toujours tenu et tiendra longtemps, suivant les apparences, un des premiers rangs dans la société des nations. D’autres nations, ou, pour mieux dire, leurs chefs ont voulu profiter, contre toutes les règles de la morale, d’une fièvre chaude qui était venue assaillir les Français, pour se jeter sur leur pays et le partager entre eux. […] Il avait un axiome souvent présent à l’esprit pour se tempérer dans ses hardiesses, c’était un mot de Platon et de Cicéron : « N’entreprends jamais dans l’État plus que tu ne peux persuader. » « Si j’étais ministre, disait-il, au milieu d’une nation qui ne voudrait pas des Jésuites, je ne conseillerais point au souverain de les rappeler, malgré mon opinion qui leur est favorable. » Voilà, ce me semblea, bien de la modération ; mais tout aussitôt il définit une nation, la réunion seule du souverain et de l’aristocratie.
Homme-châtiment et excès tout ensemble, dont l’immoralité épouvantable va faire payer au monde une autre et non moins épouvantable immoralité, il fait penser que Dieu guérit les vices des nations en les écrasant sous des vices semblables, comme on guérit de la blessure du scorpion en l’écrasant sur sa morsure ! […] Mais, outre que les Romains sous Aétius, Bélisaire et Narsès, ne se sont pas si aisément dissous sous la poussée barbare et ont prouvé une fois de plus que les nations, toujours faites pour servir, n’existent jamais que par leurs chefs, on oublie trop que les Barbares sont en réalité aussi corrompus que leurs ennemis. […] Si donc ils retrempèrent le monde, s’ils le régénérèrent, et s’ils devinrent, selon l’expression de l’écrivain goth, une fabrique de nations, ce ne fut ni par la pureté acérée de leurs mœurs, ni par la fierté de leur caractère. […] De l’expiation sur une échelle énorme sont sorties les nations païennes pour devenir des nations chrétiennes ; et quand les nations chrétiennes, à leur tour, auront sombré dans tous les vices, elles n’auront, pour se relever et se refaire, rien de meilleur, de plus puissant et de plus beau.
L’histoire, suivant Mommsen 58, va du canton à la nation ; elle est un « système d’incorporation », destiné à agglomérer, en des groupements aussi larges que possible, le plus grand nombre possible d’individus. […] Le respect des idées qu’elle défendait diminue lentement, tandis qu’augmente le nombre des individus rassemblés par les grandes nations modernes. […] Or cette concentration est justement le propre des nations modernes : ce qui les distingue, ce n’est pas tant leur grand « volume » que leur grande « densité »68. […] Si nous mesurons les distances non plus aux espaces qu’elles recouvrent, mais (ce qui importe en effet à la vie sociale) aux temps qu’il faut pour les parcourir, nous voyons l’aire des nations modernes se contracter en quelque sorte et se resserrer sous nos yeux. […] Grâce aux innombrables chemins qui sillonnent en tous sens les nations modernes, leurs millions d’hommes sont capables de se concerter comme se concertaient, jadis, les milliers d’hommes des cités antiques.
Voici un morceau qui porte la date de 1772 et qui est inscrit sous le titre d’Économie politique ; tout le dédain des faits existants, tout ce premier dessein de politique idéale qui occupa et passionna si longtemps l’intelligence de Sieyès, s’y déclarent et s’y accusent sans détour : Je laisse les nations formées au hasard. […] Sieyès, cet ennemi de tout privilège et de toute aristocratie, n’avait pas moins d’éloignement pour la démocratie pure, et il croyait que l’art consistait précisément à rendre la force populaire raisonnablement applicable aux nations modernes, moyennant un système de représentation qu’il combine avec une ingéniosité infinie. […] Notre nation de singes à larynx de perroquets, et qui sera telle tant que vous ne l’aurez pas refaite par un système d’éducation publique tel qu’il n’en existe point encore, prostituera cette nouvelle formule de respect (la solennité d’un deuil national) : autrement les législatures à venir porteront aussi votre deuil. […] Notez pourtant cette parole injurieuse et sanglante : notre nation de singes à larynx de perroquets, et mesurez l’abîme qu’il y a entre une telle idée et les théories législatives auxquelles en même temps on s’efforçait d’associer cette même nation. […] Le premier, disait-il, qui cria : « Vive la Nation !
Ce qui distingue encore les annales des Juifs de celles des autres Nations, c’est qu’elles sont vraies dans tous les points & qu’il n’est pas permis d’en révoquer en doute un seul événement. […] Amsterdam 1729. six volumes in-12. , ouvrage très-sçavant & plein de discussions profondes nécessaires pour l’histoire de la nation judaïque sous les successeurs de Salomon, mais écrit d’une maniere séche & lourde. […] Ce livre très-savant & très-instructif, est plein de profondes recherches sur cette nation. […] Cependant il y auroit quelque chose à faire pour perfectionner ce livre, très-utile pour la connoissance d’une nation que le soufle de Dieu a répandue sur la face de la terre. […] ON a comparé les Conciles généraux de l’Eglise aux Etats généraux qui se tiennent chez les différentes nations.
Cependant l’individualité peut seule inspirer de l’intérêt, surtout aux nations étrangères ; car les Français, comme je le dirai tout à l’heure, se passent d’individualité dans les personnages de leurs tragédies plus facilement que les Allemands et les Anglais. […] Plus les écrivains d’une nation ont pour but exclusif de faire effet, plus ils doivent être assujettis à des règles sévères. […] Elles ont certainement quelques-uns des inconvénients que les nations étrangères leur reprochent. […] Le dédain pour les nations voisines, et surtout pour une nation dont on ignore la langue, et qui, plus qu’aucune autre, a dans ses productions poétiques de l’originalité et de la profondeur, me paraît un mauvais calcul. La tragédie française est, selon moi, plus parfaite que celle des autres peuples ; mais il y a toujours quelque chose d’étroit dans l’obstination qui refuse à comprendre l’esprit des nations étrangères.