Alfred de Vigny, un des premiers, a senti que la vieille épopée était devenue presqu’impossible en vers, et principalement en vers français, avec tout l’attirail du merveilleux ; il a senti que les Martyrs sont la seule épopée qui puisse être lue de nos jours, parce qu’elle est en prose, et surtout en prose de M. de Chateaubriand ; et à l’exemple de lord Byron, il a su renfermer la poésie épique dans des compositions d’une moyenne étendue et toutes inventées ; il a su être grand sans être long. […] Nos poètes et nos artistes doivent donc s’attacher uniquement à plaire aux esprits d’élite ; c’est même le plus sûr moyen d’avoir un peu plus tôt ou un peu plus tard le succès populaire : car la pensée de quelques hommes supérieurs finit toujours par diriger la foule. […] L’innovation est toujours le seul moyen de gloire. […] Chez tous les peuples, les arts, à certaines époques, changent de formes et de moyens, quoique leur but et leurs effets soient toujours les mêmes. […] Shakespeare au contraire est un génie qui répond à toutes les passions modernes, et qui nous parle de nous dans notre propre langage ; et puis, les moyens d’exécution de ses ouvrages sont à peu près les mêmes que pour nos tragédies.
Comprendrait-on l’enrichissement graduel de la perception par l’attention si la perception brute était autre chose ici qu’un simple moyen de suggestion, un appel, lancé surtout à la mémoire ? […] Mais comment apercevoir ici la fin sans les moyens, le tout sans les parties ? Ce ne peut être sous forme d’image, puisqu’une image qui nous ferait voir l’effet s’accomplissant nous montrerait, intérieurs à cette image même, les moyens par lesquels l’effet s’accomplit. […] Mais l’habitude ancienne est là : elle résiste à la nouvelle habitude que nous voulons contracter au moyen d’elle. […] Et c’est pourquoi la conscience, se plaçant au milieu et faisant une moyenne, érige le sentiment en état sui generis, intermédiaire entre la sensation et la représentation.
Quand elle l’a obtenu, il lui donne le moyen sûr pour le garder près d’elle autant qu’elle le voudra, et même pour entreprendre un voyage s’il le lui ordonne : c’est que le margrave envoie au roi quelques grands hommes pour son régiment favori ; moyennant cette « galanterie de six pieds » faite au roi, tout ira bien ; « deux ou trois grands hommes envoyés à propos seront des arguments vainqueurs62. » — Le général ministre Grumbkow, qui a tant persécuté Frédéric et sa sœur, meurt un an avant son maître, laissant une mémoire généralement exécrée. […] Ici, lui dit-il encore (13 mars 1753), le diable s’est incarné dans nos beaux-esprits ; il n’y a plus moyen d’en venir à bout. […] Il était gai, bon diable, bon médecin, et très mauvais auteur ; mais en ne lisant pas ses livres, il y avait moyen d’en être très content. […] Mais Frédéric y met moins de façons, et il n’hésite pas à placer le niveau moyen de l’humanité au-dessous d’une trop sublime espérance.
L’agriculture, les arts sont poussés à leur plus haut point de perfection ; le luxe, les commodités et toutes les recherches qui contribuent à l’agrément de la vie sont des moyens sûrs et faciles de s’enrichir pour les uns, tandis que les autres en jouissent ; la nation est heureuse, et l’État florissant. […] Par les réformes utiles qu’il avait introduites dans les régiments suisses, il avait excité l’émulation des troupes françaises, mais on ne l’avait pas consulté sur les moyens : « Je ne pouvais, dit-il, m’empêcher parfois de rire en moi-même, lorsque j’étais sur la frontière, de voir avec quelle confiance les inspecteurs et les colonels français me faisaient voir les troupes qu’ils avaient sous leurs ordres ; je me divertissais des louanges dont je les accablais, et de leurs réponses à mes questions sur les moyens qu’ils employaient. » Il le fait et il s’en vante. — Dans l’affaire du duel entre le comte d’Artois et le duc de Bourbon, et dont la duchesse avait été cause (1778), Besenval, qui avait conseillé et dirigé le comte d’Artois, crut devoir, dans la soirée, faire une visite au palais Bourbon. […] Un sang-froid goguenard que m’a donné le ciel et que je n’ai pas mal employé dans l’occasion, déjoua la burlesque importance du procureur, et je le civilisai très passablement. » Ainsi il a trouvé moyen de persifler même Bourdon (de l’Oise) ; il joua du fleuret, même avec ceux qui allaient tenir la hache.
L’attitude de Mme de Choiseul était d’accord avec la vérité : elle resta bien sincèrement, bien tendrement éprise de l’homme dont elle était glorieuse, dont elle disait que ce n’était pas seulement le meilleur des hommes, que « c’était le plus grand que le siècle eût produit », et de qui elle écrivait un jour avec une ingénuité charmante : « Il me semble qu’il commence à n’être plus honteux de moi, et c’est déjà un grand point de ne plus blesser l’amour-propre des gens dont on veut être aimé. » Elle eut fort à s’applaudir de l’exil de Chanteloup et fut seule peut-être à en savourer pleinement les brillantes douceurs ; elle y voyait surtout le moyen de garder plus près d’elle l’objet de son culte, et, sinon de le reconquérir tout entier, du moins de le posséder, de le tenir sous sa main, de ne le plus perdre de vue un seul jour. […] C’est le plus sûr moyen de nous soustraire à leur domination en profitant de leurs lumières. […] Dans un âge si avancé, elle a conservé ardente, comme au premier jour, la soif de bonheur, et elle ne sait aucun moyen de se désaltérer. […] Ce n’est que du mal dont il faut rechercher les causes et les moyens, pour arracher l’épine qui nous blesse. » Rien n’y fait.
Il y a trois classes dans la société : la classe supérieure et privilégiée, la classe moyenne et bourgeoise, la classe laborieuse et besogneuse. […] Mais à côté de ces pensées délicates, généreuses, désintéressées, il se rencontre d’autres maximes effrayantes de précision, qui dénotent l’esprit positif du siècle, et qui prouvent qu’à vingt ans Émile avait déjà deviné le sphinx : « Aujourd’hui, se demande-t-il, quel moyen de sortir de l’obscurité ? […] « Pour surgir de l’obscurité il n’est plus qu’un moyen, grattez la terre avec vos ongles, si vous n’avez pas d’outils, mais grattez-la jusqu’à ce que vous ayez arraché une mine de ses entrailles… Quand vous l’aurez trouvée, on viendra vous la disputer, peut-être vous l’enlever ; mais, si vous êtes le plus fort, on viendra vous flatter, et, quand vous n’aurez plus besoin de personne, on viendra vous secourir. » Et ceci encore, qui est dit d’ailleurs en bonne part et sans amertume : « Le temps de la métaphysique a passé. […] Il avait désormais contre lui tout un parti, tout un groupe d’hommes passionnés qui, ardents à venger les résultats d’une rencontre qui n’avait rien eu d’inévitable et qu’on aurait pu prévenir, s’étaient juré de tout faire pour le perdre politiquement, socialement, et qui ne reculèrent devant aucun moyen.
Il suffit pour cela de rafraîchir la défense, de la mieux revêtir, en raison des récents et plus puissants moyens d’attaque, et de l’étayer en partie sur de nouveaux fondements, en partie sur les anciens, là où ils ont droit de subsister. […] On estimait que c’était un moyen sûr de réduire bientôt cette garnison, à laquelle d’ailleurs on s’appliquait à couper les vivres. […] L’abbé d’Estrades, ambassadeur du roi à Turin, trouve moyen d’attirer Mattioli hors de cette ville, où il était imprudemment venu ; faisant semblant de croire à ses excuses et à ses mensonges, lui promettant le payement d’une somme que Catinat, disait-il, avait entre les mains, il l’emmène dans son carrosse vers une hôtellerie, à la frontière, sur le territoire français. […] C’est ce que j’appelle un mauvais rôle pour Catinat : il est obligé de mentir, au moins à demi ; il fait semblant de n’avoir point reçu d’ordre récent de Louis XIV, de n’obéir dans ses exigences et dans celles de M. de Boufflers qu’à la nécessité du service du roi ; il emploie tous les moyens de persuasion, même de corruption, auprès des ministres du duc : il échoué.