Avec les Mémoires du cardinal de Retz, il semblait que la perfection fût atteinte, en intérêt, en mouvement, en analyse morale, en vivacité de peinture, et qu’il n’y eût plus rien à espérer qui les dépassât. […] Grand peintre d’histoire, Saint-Simon excelle à rendre les individus en pied, les groupes, les foules, à la fois le mouvement général et le détail particulier à l’infini : il a ce double effet et du détail et des ensembles. […] Il était mal avec Monseigneur et avec ses entours ; aussi cette nouvelle soudaine du danger où se trouvait le malade lui fut tout d’abord des plus agréables ; il le confesse sans hypocrisie : « Je passai, dit-il, la journée dans un mouvement vague de flux et de reflux, tenant l’honnête homme et le chrétien en garde contre l’homme et le courtisan. » Mais il a beau faire et se tenir de son mieux, l’homme naturel l’emporte, et il se laisse aller à des espérances riantes d’avenir ; car il était très bien avec la petite cour du duc de Bourgogne, lequel, par la mort de son père, se trouvait ainsi à la veille de régner. […] Salomon a dit quelque part dans le livre des Proverbes : « Comme on voit se réfléchir dans l’eau le visage de ceux qui s’y regardent, ainsi les cœurs des hommes sont à découvert aux yeux des sages. » Mais il est difficile de rester prudent et sage quand on lit à ce degré jusqu’au fond dans l’âme des autres hommes ; il est difficile, même lorsqu’on n’en abuserait point pour des fins intéressées et sordides, de ne point haïr, de ne point mépriser, de ne point marquer ses propres antipathies et ses instincts ; et le faible de Saint-Simon comme homme, de même qu’une partie de sa gloire comme peintre, est de s’être livré avec passion et flamme à tous les mouvements de réaction que cette seconde vue, dont il était doué, excitait en lui. […] D’autres affectent la gravité et l’immobilité, pour dissimuler leur peu de douleur ; ils ont peur de se trahir par leurs mouvements trop vifs et trop dégagés : Mais leurs yeux suppléaient au peu d’agitation de leur corps.
Vers le même temps, enhardi par le mouvement d’alentour, il marquait son opinion par des actes plus significatifs : il adressait un volume d’Adieux à Madame Royale à sa sortie du Temple ; il prenait part à la rédaction de la première Quotidienne, et se voyait forcé de fuir après la victoire de la Convention en Vendémiaire. […] Michaud était né journaliste : aux aguets chaque matin, il excellait à faire cette guerre à l’œil, à suivre en souriant les moindres mouvements de l’ennemi, à tomber sur lui par surprise ; quand on sait si bien le point juste où il faut viser pour blesser, il est difficile, même aux moins méchants, un jour ou l’autre, de ne pas être cruels. […] Après avoir donné dans les vivacités de 1815 et avoir servi le mouvement du parti ultraroyaliste soit au-dehors, soit au-dedans du pouvoir, jusque vers le moment où M. de Chateaubriand rompit avec M. de Villèle, La Quotidienne, à cette date de 1824-1827, rentra dans la contre-opposition, c’est-à-dire dans l’opposition qui se faisait à droite. […] Michaud aimait fort à causer avec ceux du parti royaliste qui avaient du mouvement et de l’indépendance. […] Reinaud me fait remarquer, entre autres choses, qu’il y a dans les premiers volumes de l’Histoire des croisades un mouvement et même une chaleur de récit dont je n’ai pas assez tenu compte.
Le mouvement romantique n’était décidément qu’une échauffourée. […] Toutes ses tendresses sont pour le mouvement de 1830. […] Sa grande qualité est le mouvement ; il n’a pas la vie, il a le mouvement, un mouvement endiablé qui emporte les personnages et qui arrive parfois à faire illusion sur eux ; on les croirait vivants, ils ne sont que bien montés, allant et venant comme des pièces mécaniques parfaites. […] Le mouvement s’indique déjà, et avec force. […] Tout mouvement social entraîne un mouvement intellectuel.
Il fait à chacun des généraux la part de critique, et l’une de ses observations (la quatrième) porte sur le mouvement du général Friant sur la plage d’Aboukir : il indique quelques dispositions qu’on aurait dû prendre. […] J’aime mieux essayer de les faire sentir que de repasser sèchement toutes les grandes batailles où il fut un des vigoureux artisans, Austerlitz, Auerstaedt, Eylau, Eckmuhl, Wagram, Smolensk, la Moskowa : — une intrépidité de premier ordre, cela va sans dire ; — l’affection de ses troupes qui lui permettait de tirer d’elles de merveilleux surcroîts de fatigue et des combats acharnés au sortir des marches les plus rudes : — « Cet homme me fera toujours des siennes », disait l’empereur, en apprenant une de ces marches sans exemple à la veille d’Austerlitz ; — l’habileté des manœuvres et le coup d’œil sur le terrain, le tact qui lui faisait sentir l’instant décisif, ce talent pratique qui est du tacticien et du capitaine, et qui montre l’homme né pour son art (cela se voit surtout dans sa conduite à Auerstaedt, à Eckmuhl) ; — oser prendre, au besoin, la responsabilité de ses mouvements dans les circonstances critiques, sans se tenir à la stricte exécution des ordres ; et, quand il se bornait à les exécuter, une activité sans trêve. C’était chose reçue dans l’état-major du général Davout « que dès qu’un ordre de mouvement offensif parvenait au général Friant, il était aussitôt, sinon exécuté, du moins en voie d’exécution, sans observation ni réticence si la chose était praticable ; et que, dans le cas contraire, il en démontrait, sur-le-champ, le danger ou l’impossibilité, et que ses appréciations prévalaient toujours sur la combinaison projetée. » Rien n’égalait sa vigilance. […] Bientôt après arrive le roi de Rome ; Friant veut se lever, mais l’empereur lui posant la main sur l’épaule : « Restez, général Friant ; de vieux soldats comme nous ne se dérangent pas pour un enfant ; ce n’est pas à vous à donner cet exemple, on me le gâtera assez tôt. » L’impératrice entre alors ; même mouvement du général et de l’empereur qui, cette fois, dit au blessé : « Dans votre position, on ne se lève même pas pour les dames. » Puis se tournant vers l’impératrice, il ajouta d’un ton de considération : « Madame, c’est le général Friant. » En quelque occasion où Friant, parlant de ses fatigues et de la crainte qu’il avait de ne pouvoir suffire à de nouvelles campagnes, rappelait que plusieurs de ses anciens camarades étaient depuis longtemps au repos et pourvus de sénatoreries, l’empereur lui dit : « Friant, de braves gens comme nous doivent rester tant qu’il y a quelque chose à faire. » Je laisse à juger si de tels mots, qui n’ont l’air de rien, séduisaient et confirmaient le cœur10.
Le grand mouvement qui animait les littératures étrangères durant les trente premières années du siècle, et qui se fit si vivement sentir en France sous la Restauration, s’est graduellement calmé, comme tant de choses, et il ne présente plus à l’intérêt qu’une surface immense que sillonnent en tous sens des voiles empressées, mais où ne se signale de loin aucune escadre imposante, aucun pavillon bien glorieux. […] tous mes charmants petits et leur mère… » Le premier mouvement de Tarass rappelle celui-là. […] D’abord la foule est là comme toutes les foules, fanatique, curieuse, avide, légère ; mais tout d’un coup un grand mouvement se fait, et de toutes parts retentissent les cris : Les voilà, les voilà ! […] … Il le contemplait du milieu de la foule sans perdre un seul de ses mouvements.
Si les mouvements révolutionnaires se prolongent au-delà du but qu’ils devaient conquérir, le pouvoir descend toujours plus bas parmi les classes ignorantes de la société. […] La parole ne sert qu’à rédiger la colère, à fixer en décrets ses premiers mouvements. […] Si vous laissez la nation froide sur l’estime, vous brisez en elle aussi le ressort du mépris ; et si quelques détracteurs libellistes confondent dans leurs écrits l’homme vertueux et le criminel, vous n’aurez point inspiré à tous les citoyens ce mouvement d’un saint amour pour leur bienfaiteur, ce mouvement qui repousse la calomnie comme un sacrilège.
Le mouvement démocratique le plus exalté dont l’humanité ait gardé le souvenir (le seul aussi qui ait réussi, car seul il s’est tenu dans le domaine de l’idée pure), agitait depuis longtemps la race juive. […] Le grand mouvement ombrien du XIIIe siècle, qui est, entre tous les essais de fondation religieuse, celui qui ressemble le plus au mouvement galiléen, se passa tout entier au nom de la pauvreté. […] La religion naissante fut ainsi à beaucoup d’égards un mouvement de femmes et d’enfants.