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2013. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

À la table de la rédaction s’asseyaient journellement : Murger à l’air humble, à l’œil pleurard, aux jolis mots de Chamfort d’estaminet ; Aurélien Scholl, avec son monocle vissé dans l’orbite, ses colères spirituelles, son ambition de gagner la semaine prochaine 50 000 francs par an, au moyen de romans en vingt-cinq volumes ; Banville, avec sa face glabre, sa voix de fausset, ses fins paradoxes, ses humoristiques silhouettes des gens ; Karr, toujours accompagné de l’inséparable Gatayes. […] Oui, oui, il y a là de la fougue, de l’audace, de l’imprudence, enfin du dévouement à un certain idéal mêlé d’un peu de folie, d’un peu de ridicule… un journal, en un mot, dont la singularité, l’honneur, est de n’être point une affaire. […] Beauvoir se tourna vers une jeune femme et lui dit avec le contournement le plus xviiie  siècle : « Madame, vous êtes la reine de l’omnibus, dites un mot et nous jetons nos cigares ; mais quant à ce bougre, s’il continue… je lui coupe les oreilles. » Et ce que vraiment il disait vouloir lui couper, était très loin des oreilles. […] » * * * — Un beau mot dit à Leroy par Daumier un peu éméché, en sortant d’une soirée chez Boissard, à l’hôtel Pimodan : « Ah !

2014. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Il est facile de le comprendre : Jean-Jacques Rousseau, c’est l’esprit d’indiscipline et de révolte, c’est en outre l’esprit d’utopie, c’est en un mot tout ce qu’il y a de plus contraire au principe de la tradition et de la discipline. […] Quel beau mot ! […] Je ne l’examine pas ; mais j’interroge toutes les écoles politiques de notre temps, et il n’y en a pas une qui, soit pour louer, soit pour blâmer, ne résume l’état actuel de la société parle mot démocratie : c’est le mot du Contrat social.

2015. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

C’est un chef-d’œuvre, et un chef-d’œuvre dans l’ordre le plus élevé, — qu’on me passe le mot ! […] Grossier de plus en plus, détourné des choses de l’âme, ce monde de nos jours, qui a inventé le mot d’utilitaire pour cacher l’égoïsme des cœurs matériels, comprendra-t-il un seul mot de cette autobiographie d’Alfred de Vigny, — peut-être, hélas ! […] Après le livre de Ratisbonne, Alfred de Vigny, cette adorable créature, était réellement, et au plus positif du mot, un désespéré.

2016. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Tolain qui, après avoir longtemps discuté la valeur du culte du Sacré-Cœur, et devant les explosions de colère que cette sacrilège dissection du viscère divin provoqua sur les bancs de la droite, ne put qu’ajouter : « S’il était permis, s’il était possible de caractériser d’un mot la ligne politique que vous suivez, — je dirais que c’est la ligne politique des Jésuites et de Loyola !  […] De l’idée véritable, il ne subsiste rien, par suite des artifices successifs de la forme ; et cependant, après le vote, ne portant que sur ce point spécial de l’érection d’une église, on va proclamer le triomphe collectif de cette idée, on prononcera le mot de « réparation nationale », et l’on s’empressera de décréter cette formule : Gallia pœnitens et devota ! […] Tout à coup il a une pensée : pourquoi ne tenterait-il pas un dernier effort, en se montrant aux hommes qui ne veulent plus l’entendre, et en leur empruntant quelques-uns des mots nouveaux qu’il entend parfois sans les comprendre ? […] Ses grands politiques, les Palmerston, les Richard Cobden, les Pitt, ses grands savants, les Newton, les Darwin, les Herschel, ses grands poètes, les Robert Burns, les Shakespeare, les Chaucer et les Milton, ses grands inventeurs, ses premiers rois, ses réformateurs et ses philosophes, en un mot tous ceux qui ont lentement pétri l’âme anglo-saxonne dorment ici côte à côte ou revivent dans une image.

2017. (1908) Après le naturalisme

Les grands mots prononcés en cette occasion les effrayèrent. […] Le mot, toujours est expressif d’une idée. […] C’est, en un mot, l’exercice intégral de la raison. […] Le mot fut prononcé. […] ce mot effraye les artistes.

2018. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettre sur l’orthographe » pp. 427-431

L’idée donc me paraît excellente ; et je me figure très bien une personne, une femme élégante, qui fait son courrier dans son boudoir devant témoins, pendant qu’on jase autour d’elle, et qui ne serait pas fâchée de pouvoir se fixer sur l’exacte orthographe d’un mot, sans se lever toutefois et se déranger, sans déceler son doute, sans avoir recours même au plus portatif et au plus maniable des dictionnaires : elle n’a, maintenant, qu’à tourner d’une main négligente et comme par distraction son papier ; elle a l’air, tout au plus, de chercher le quantième du mois, et son œil est tombé précisément sur le mot qui faisait doute et qu’elle avait mal mis.

2019. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Gabriel Naudé »

Je mets de mes pensées où je puis, et à chaque édition nouvelle d’un ouvrage j’en profite comme d’un convoi qui part pour envoyer au public, à mes amis et même à mes ennemis (dussent-ils se servir de cette clé comme d’une arme, selon leur usage) quelques mots qu’il m’importe de dire sur moi-même et sur ce que j’écris. […] J’ai mené assez volontiers ma vie littéraire avec ensemble et activité, selon le terrain et l’heure, avec tactique en un mot, comme on fait pour la guerre, et je la divise en campagnes. — Je ne parle ici que de ma critique.

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