Qu’il y eût, dès le siècle de ce dernier, des politiques habiles et consommés, cela est hors de doute ; et l’Église, particulièrement, en eut alors qui en remontrèrent au monde : que, de plus, l’État de Venise fût déjà et dès longtemps habile avec suite et très avisé à ses intérêts, même à travers les acclamations et les pleurs de l’enthousiasme, nous en avons la preuve également ; mais la disposition moyenne des esprits, l’atmosphère morale, à Venise et ailleurs, était autre aux premières années du xiiie siècle qu’à la fin du xve . […] Cette armée de pèlerins, formée en vue de conquérir la Palestine, va se trouver subsidiairement engagée à des expéditions d’un autre ordre et qui la détourneront de son but : il semble donc qu’il y a une raison morale, et peut-être un devoir chrétien, de se dérober à ces incidents successifs qui allongent le chemin et qui profanent l’épée.
Je rougis presque de hasarder ce doute littéraire à l’occasion d’une belle pensée morale. […] [NdA] Ainsi, dans le Sermon pour la fête de l’Épiphanie, on trouve ce mot souvent cité : « L’homme s’agite, mais Dieu le mène. » Et dans le second point du même sermon, dans cette seconde partie qui est d’une grande beauté morale, il y a sur la corruption des mœurs et sur la décadence de la foi, de ces traits de vigueur qui sembleraient appartenir à Bossuet : Les hommes gâtés jusque dans la moelle des os par les ébranlements et les enchantements des plaisirs violents et raffinés ne trouvent plus qu’une douceur fade dans les consolations d’une vie innocente : ils tombent dans les langueurs mortelles de l’ennui dès qu’ils ne sont plus animés par la fureur de quelque passion.
Ce qu’on a droit de faire observer, c’est qu’en supposant que le morceau soit terminé (et j’aime à croire qu’il l’est), rien ne vient à l’appui d’une interprétation défavorable le moins du monde à la révélation dernière, et que la fin du songe, au contraire, s’élève et atteint à un tel degré de sérénité morale et de beauté, qu’il ne tient qu’à nous d’y voir le couronnement et le perfectionnement sublime, la divine transfiguration de la philosophie simple et nue. […] Son air, son ton, son geste, causaient dans l’assemblée une extraordinaire fermentation ; le peuple en fut saisi jusqu’à l’enthousiasme, les ministres en furent irrités jusqu’à la fureur ; mais à peine étaient-ils écoutés. — L’homme populaire et ferme, en prêchant une morale divine, entraînait tout : tout annonçait une révolution ; il n’avait qu’à dire un mot, et ses ennemis n’étaient plus. — Mais celui qui venait détruire la sanguinaire intolérance n’avait garde de l’imiter, il n’employa que les voies qui convenaient aux choses qu’il avait à dire et aux fonctions dont il était chargé ; et le peuple, dont toutes les passions sont des fureurs en devint moins zélé et négligea de le défendre en voyant qu’il ne voulait point attaquer.
Les conseils économiques y sont tout à fait déjà dans le sens du Bonhomme Richard et à la Franklin, sur les fruits du travail, sur les petits profits accumulés, sur l’importance du bon voisinage à la campagne, sur le prêté rendu des services mutuels où l’intérêt trouve son compte en même temps que la morale : rien pour rien ; avarice ou générosité, selon l’occasion, en vertu d’un seul et même principe, l’intérêt bien entendu. […] C’est une stricte et âpre morale de ménage.
Oui, de sérieux, et même d’une certaine gravité morale. […] Ce bruit se communiqua, d’oreille en oreille, et jamais depuis ce jour on ne se permit la plus légère plaisanterie sur les habitudes religieuses des deux amis lyonnais. » La crise morale qui travaillait la société se réfléchit là en abrégé : la Guerre des Dieux de Parny, d’abord triomphante, est repoussée et bat en retraite ; le Génie du christianisme approche, il est dans l’air.
Fouché ; il y a de ces instants de l’histoire qui appellent une peine morale et infamante. […] Il représente bien la société moderne elle-même telle qu’il l’a refaite, dans sa mesure un peu vague et flottante, mais toutefois persistante, de disposition morale et religieuse : à défaut de la foi, il a le respect.
Du reste, nulle idée de bonté morale ne se mêle à ce tableau et ne vient l’épurer et l’embellir. […] A-t-il entièrement évité toute morale convenue, toute déclamation philosophique ?