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510. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Il m’avertit que le salon est plein de monde, que monsieur est rentré, qu’il a demandé à dîner. — Allons donc, il faut finir. Voilà le tableau exact de tout ce que j’ai éprouvé hier et aujourd’hui en vous écrivant, et presque tout cela à la fois ; jugez si je suis lasse du monde et si vous devez vous donner tant de peine pour m’en procurer ; jugez aussi si je vous aime pour pouvoir m’occuper de vous, et comme votre pauvre grand-maman est impatientée, tiraillée, harcelée ! […] Avouez, ma chère enfant, qu’il n’y a que notre très cher et bon abbé qui se soit garanti de leur venin : c’est qu’il n’a sa supériorité que pour lui, son bel esprit que pour nous, et son bon esprit pour tout le monde. […] ) Vous me parlez de votre tristesse avec la plus grande gaieté, et de votre ennui de la façon du monde la plus amusante. […] Si l’on était encore sensible à ces subtilités d’un ancien monde, je dirais qu’on assiste véritablement au triomphe du procédé.

511. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

A une personne qui avait pensé à lui le jour de sa naissance, il écrivait de Passy (28 août 1833) ce remerciement plein de sensibilité et d’une pieuse reconnaissance envers le Ciel : « A l’instant où j’ai reçu votre aimable lettre, je réfléchissais à mon arrivée dans ce monde : il était trois heures, moment de ma naissance il y a cinquante-trois ans ; vous le voyez, votre lettre ne pouvait arriver mieux. […] Pour qui vit dans notre monde, il est bon d’être homme du monde, de ne s’attacher nulle part et à aucun ; sinon, l’on court risque de rester seul, quelle que soit la réputation acquise, petite lumière attachée au chapeau, mais qui ne suffit pas pour rallier les amis. […] Je ne me ferai pas homme du monde pour cela ; il y aurait duperie de ma part avec un cœur resté jeune. […] Je tiens à conserver ma foi dans l’humanité. » Puis, à d’autres jours, la sociabilité dont il avait une si forte dose l’emportait sur son rassasiement des hommes ; il sentait le besoin du monde, des vieux amis ou même des jeunes visages nouveaux, et il se rapprochait, il revenait au gîte, à ce maudit Paris qu’on aime tant. […] Je crois plutôt que, nous autres, qui venons au monde pour écrire, grands ou petits, philosophes ou chansonniers, nous naissons avec une écritoire dans la cervelle.

512. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Depuis plusieurs mois il avait quitté le service, Paris et le monde, pour vivre dans la terre de son père, à une lieue de là. […] depuis la naissance du monde et son éclosion sous ton aile, tu les suscites toujours inépuisés dans les cœurs, et tu les varies. […] Une femme du grand monde, à laquelle il avait rendu de longs soins, avait paru l’accueillir, lui promettre quelque retour ; elle avait même semblé lui accorder, lui permettre sans déplaisir quelqu’un de ces gages qui ne se laissent pas effleurer impunément. […] Il y avait assez de monde le long de la route ; de loin on vit venir, à cheval, le comte Hervé ; c’était l’heure ordinaire de sa visite, et une lettre au bureau l’attendait. […] Le monde l’a repris ; les passions politiques l’ont distrait, peut-être aussi d’autres passions de cœur, si ce n’en est pas profaner le nom que de l’appliquer à des attraits si passagers.

513. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Et si le marquis ne survenait, à temps, pour la protéger, nous verrions cette grande dame impunément outragée, chez elle, dans son monde, par un aigrefin ! […] Il a, sous terre, des tranchées, des galeries, des mines et des contre-mines qui font le tour du monde officiel. […] Les bons jeunes gens qui font leur chemin par les voies obliques savent mieux leur métier : ils sont du monde, et du meilleur. […] Le monde du ridicule a, lui aussi, ses espèces perdues. […] Il n’y a que des sycophantes et des hypocrites dans le monde mis en scène par M. 

514. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Rabelais, s’il revenait au monde, et Mathurin Régnier, dont M.  […] Tout un monde de gueux a passé dans son œuvre… Mais, qu’on me passe le mot ! […] On peut être trompé, surtout en fait d’âmes, dans ce monde épais et sans transparence, mais jusqu’à nouvel ordre il me fait l’effet d’en avoir une, ce M.  […] Depuis que le monde est monde, le Christianisme seul a compris les pauvres et les a bien vus. […] Les larmes immortelles de la Pitié, chez cette Révoltée généreuse des douleurs du monde, n’ont jamais séché sur son athéisme attendri… Il fallait au siècle un athéisme plus furieux et plus implacable.

515. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Par-dessous les faits et les lois que découvre l’expérience, se développe un monde. […] La connaissance du petit monde a donné la connaissance du grand monde. […] Si la force n’est pas un être, le monde n’est plus un système de forces. […] Il n’y a dans le monde que des faits et des rapports nécessaires ; quand on transforme ces relations et ces nécessités en petits êtres, on fabrique des entités à la façon des scolastiques ; on voit quelque chose de vague et d’abstrait qu’on déclare spirituel ; on finit par soutenir que le monde réel n’est qu’une apparence. […] C’est maintenant qu’on voit disparaître le monde imaginaire, fondé sur trois erreurs d’expérience et d’analyse, sur la transformation des qualités en substances, sur l’invention des efficacités et des aperceptions directes, sur le mépris des sciences positives, du sens commun et du bon sens.

516. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Cousin naviguer dans la métaphysique, refusa de spéculer sur la nature de l’univers, sur la création, sur l’essence de Dieu, n’admit point que la philosophie fût une science universelle, chargée de découvrir le système du monde. […] Les événements intérieurs ont donc leurs lois, comme les événements extérieurs, et, puisque le progrès de l’observation a découvert de nouvelles lois dans le monde physique, le progrès de l’observation doit découvrir de nouvelles lois dans le monde moral. […] Cela fait, on fondrait aisément les idées de Hégel et les siennes, et on verrait qu’aux deux extrémités de la science la description anatomique de nos sentiments et la construction métaphysique du monde s’accordent pour conclure que la beauté est un développement apparent ou réel, lequel, étant conçu par nous, passe en nous. […] Elle n’est que le résultat matériel de cet acte, lequel nous échappe, parce qu’il s’accomplit dans le sein de la cause qui le produit. » — « La véritable cause qui meut le cœur, l’estomac, les organes, est extérieure et supérieure à ces organes79. » Il y a donc un monde spirituel distinct du monde matériel, et dont nous apercevons un individu dans la cause qui est nous-mêmes ; tout l’effort de la psychologie est d’étudier cette cause, plus importante que ses effets. […] Vous n’avez laissé dans la science que des constructions chancelantes, incomplètes et provisoires, et dans le monde qu’un long souvenir de sympathie et d’admiration. » 67.

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