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1486. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

. ; en un mot, il y combat au long et avec détail l’épicuréisme, auquel il sait bien que Chapelle incline et est d’humeur, soit en théorie, soit en pratique, à s’abandonner : Je me promets, lui dit-il, que vous donnerez bien ceci à ma prière, qui est de repasser un moment sur ces pensées si ingénieuses et si agréablement tournées qu’on a su tirer de vos mémoires (apparemment quelques écrits et cahiers de philosophie et de littérature de Chapelle), sur tant d’autres fragments de même force que je sais qui y ont resté, et généralement sur tous ces enthousiasmes et emportements poétiques de votre Homère, Virgile et Horace, qui semblent tenir quelque chose de divin. […] Son beau moment, qui date de son Voyage en 1656, ne s’étend guère au-delà de la jeunesse de Boileau, de Racine, et n’entre pas avant dans le règne de Louis XIV. […] Je t’avoue que dans ce moment je me suis dit tout bas : Illi robur et aes triplex.

1487. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

L’abbé de Caumartin eut l’idée assez naturelle que l’évêque de Noyon, du moment qu’il entrait à l’Académie, ne devait pas être reçu comme un autre, et oubliant la gravité du rôle auquel il n’était pas encore accoutumé, il osa songer à le railler en face, et presque au nom de la compagnie, du droit que les délicats croient si aisément avoir sur la vanité et sur la sottise qui vient s’étaler. […] Il dut rire comme tout le monde dans le premier moment, mais il resta mécontent en définitive. […] Simple organe de ses confrères en cette circonstance, et réduit à exprimer leurs sentiments, lors même qu’ils ne sont pas les siens, il est, au moins pour ce moment, voué ou, si l’on veut, condamné à l’éloge, comme le récipiendaire l’est à la timidité et à la modestie.

1488. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Cette lettre, publiée par Voltaire, est devenue historique, et elle fait le plus grand honneur auprès de la postérité à l’esprit et à l’humanité de M. d’Argenson : « Vous m’avez écrit, monseigneur, lui répondait Voltaire, une lettre telle que Mme de Sévigné l’eût faite, si elle s’était trouvée au milieu d’une bataille. » Et cet éloge est mérité ; on a la description gaie, vive, émue, du combat, du danger, du succès plus qu’incertain à un moment, de la soudaine et complète victoire ; le principal honneur y est rapporté au roi : puis, après tout ce qu’un courtisan en veine de cœur et d’esprit eût pu dire, on lit les paroles d’un citoyen philosophe ou tout simplement d’un homme : Après cela, pour vous dire le mal comme le bien, j’ai remarqué une habitude trop tôt acquise de voir tranquillement sur le champ de bataille des morts nus, des ennemis agonisants, des plaies fumantes… J’observai bien nos jeunes héros ; je les trouvai trop indifférents sur cet article… Le triomphe est la plus belle chose du monde : les Vive le roi ! […] Sur quoi le refrain continuel du garde des sceaux était « de se tenir prêt à tout » et, en attendant, « de se fourrer hardiment dans le monde plus qu’il n’y était. » Une de ces idées favorites de M. de Chauvelinj, à la date de 1732, et qui fut même accueillie un moment du cardinal, était de faire de d’Argenson un premier président du Parlement. […] Il n’a pas d’élévation, au moins continue ; il se passe à tout moment des trivialités d’expression qui font de son langage l’opposé du langage noble et digne ; il était certes, à cet égard, très peu propre, on l’a dit, à être un ministre des Affaires étrangères et à représenter dans la forme sans déroger.

1489. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Le poète aura l’air, par moments, de n’y plus songer ; elle lui échappera même quelquefois en mouvement touchant, en effusion de tendresse, comme dans une idylle, comme dans une élégie ; Les Deux Pigeons, critiqués par La Motte, sont le chef-d’œuvre de ce genre libre et de cette espèce d’épopée en petit : La Fontaine en est l’Homère. […] Taine excelle à situer les auteurs qu’il étudie, dans leur époque et dans leur moment social, à les y encadrer, à les y enfermer, à les en déduire : ce n’est pas seulement chez lui une inclination et une pente, c’est un résultat de méthode et une conséquence qui a force de loi. […] Les formules générales n’attestent qu’une vue et un vœu de certains esprits ; il est mieux d’en être sobre et de ne les faire intervenir qu’à la dernière extrémité, car, trop fréquentes et présentées à tout moment, elles offusquent et elles écrasent.

1490. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

— Non, non, vous n’aurez pas un seul, un seul moment. — Faut-il raisonner sur cette étrange aventure ? […] Il en triomphe par force, par adresse, car il n’est pas si violent qu’on le dit ; il fait si bien, il joue si serré qu’il y a tel moment, à la Paix d’Aix-la-Chapelle (1668), où Turenne est obligé de le louer devant le roi, et où Colbert le remercie. […] Par moments aussi, Louvois est un major-général excellent et en fait l’office.

1491. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Issu d’une ancienne famille noble, assez peu aisée, qui vivait dans le Midi au château du Cayla, du côté d’Alby ; élevé dans une maison religieuse à Toulouse, puis au collège Stanislas, abrité quelque temps à La Chesnarye en Bretagne, dans le petit monde de M. de Lamennais au moment critique et alors que ce grand et violent esprit couvait déjà « sa séparation » d’avec l’Église, revenu bientôt à Paris et se livrant à la littérature, il mourut avant d’avoir rien publié de remarqué ni d’important. […] Il était une de ces organisations tendres et vagues, ouvertes et profondes, que l’aspect de la nature physique et champêtre passionne et attire jusqu’à les enivrer, jusqu’à les absorber en soi et, par moments, les anéantir. […] Elle a beau se dire par moments :« C’est ma lyre à moi que ma plume », et s’y confier comme à une amie, les pensées abondent ; elle ne sait qu’en faire dans sa solitude : « Si j’avais un plan, dit-elle, un cadre fait, je le remplirais tous les jours un peu, et cela me ferait du bien.

1492. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Victor Fournel publie en ce moment le premier volume66 ; — les Œuvres de Molière, de la maison Furne, magnifiquement exécutées, et où se trouve en tête la cinquième édition de l’Histoire de sa vie et de ses ouvrages, par M.  […] C’était un de ces moments si précieux pour la haute éducation de l’esprit, où les masques se détachent, où les physionomies ont toute leur expression, où les caractères ont tout leur jeu, où les conditions sociales s’opposent violemment les unes aux autres, où les travers, les vices, les ridicules se montrent avec une pétulance fanfaronne… » Non content d’une large et riche Introduction, qui se poursuit et se renouvelle même en tête du second volume par une Étude sur la troupe de Molière, M.  […] Moland est, en effet, le contraire de ces critiques dédaigneux qui incorporent et s’approprient sur le sujet qu’ils traitent tout ce qu’ils rencontrent et évitent de nommer leurs devanciers ; qui affectent d’être de tout temps investis d’une science infuse et plénière, ne reconnaissant la devoir à personne ; qui ont l’air de savoir de toute éternité ce qu’ils viennent d’apprendre au moment même, et, dont le premier soin est de lever après eux l’échelle par laquelle ils sont montés : ces critiques-là se piquent d’être nés tout portés et installés à la hauteur qu’ils occupent.

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