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336. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

La part marquée, aussi grande que possible, aux imperfections de l’Art poétique, il y reste une grande et forte doctrine, faite de deux pièces finement ajustées : elle combine le rationalisme moderne avec l’esthétique gréco-romaine ; elle mêle les deux courants du cartésianisme et de l’humanisme. […] Voilà comment Boileau achève l’œuvre commencée il y a plus d’un siècle par Ronsard, et fait triompher définitivement la doctrine qui voulait régler la poésie moderne sur l’idéal ancien, sur les modèles anciens. […] La Renaissance et le xviie  siècle, par conséquent Boileau, mêlent la théorie ancienne et l’idée moderne. […] Il n’a pas vu que la source vive, inépuisable, où s’alimente la comédie, toute la comédie, même la plus haute, c’était la farce populaire, et non la plaisanterie moderne : de là sa rigueur contre Molière, qu’il trouve trop peuple, entendez trop chaud, trop franc, trop grossièrement vivant. […] La querelle des anciens et des modernes, dont nous parlerons en son temps, montra que l’accord n’était pas parfait entre l’auteur de l’Art poétique et le monde qui l’admirait.

337. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

On hésitait entre la langue des anciens et l’idiome des modernes, et bien des gens croyaient que le moyen le plus sûr de marcher sur les traces d’Horace et de Virgile était encore de tâcher de les répéter dans leur langue. […] Un autre jour, comme Perrault lisait à l’Académie française son poème du Siècle de Louis le Grand, où l’Antiquité est sacrifiée au présent, et qui commença cette longue guerre des anciens et des modernes, Boileau, outré, ne se pouvait contenir pendant la lecture, et Huet le calmait de son mieux en lui disant, non sans un grain d’ironie : « Monsieur Despréaux, il me semble que cela nous regarde encore plus que vous. » Huet, en parlant ainsi, avait raison et tort. […] Il ne lui manque, pour faire le lien des deux époques, de la Renaissance et des temps modernes, pour donner la main, d’une part à Politien, et de l’autre à Voltaire, que d’avoir en son humeur tempérée cette ouverture, cette disposition accueillante aux idées nouvelles qu’eut, pour sa part, le sage et discret Fontenelle. Huet, bien que si partisan des anciens, est assez de la littérature de Fontenelle en ce qui concerne le goût moderne ; il est un peu de sa philosophie, mais avec un petit ressort de moins. […] [NdA] On cite quelquefois une phrase de Huet comme ayant un air de prophétie ; elle est dans son Histoire du commerce et de la navigation des anciens, qu’il écrivait sous le ministère de Colbert ; il parle des Russes, qu’on appelait encore Moscovites : « Que s’il s’élevait parmi eux quelque jour, dit-il, un prince avisé qui, reconnaissant les défauts de cette basse et barbare politique de son État, prît soin d’y remédier en façonnant l’esprit féroce et les mœurs âpres et insociables des Moscovites, et qu’il se servît, aussi utilement qu’il le pourrait faire, de la multitude infinie de sujets qui sont dans la vaste étendue de cette Domination qui approche des frontières de la Chine, et dont il pourrait former des armées nombreuses ; et des richesses qu’il pourrait amasser par le commerce, cette nation deviendrait formidable à tous ses voisins. » Je ne donne pas la phrase comme bien faite, mais elle est curieuse et prouve que Huet, avec un tour très latin en français, est capable, plus qu’on ne croirait, d’un sens très moderne.

338. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

J’en dirai autant de la musique moderne. […] Telles sont les raisons générales des lois qui régissent toute littérature tant ancienne que moderne. […] Le Camoens introduisit les anciens ressorts épiques dans un sujet moderne, exemple singulier qu’un poète allemand vient d’imiter. […] Ainsi donc, si le cycle épique de la haute antiquité nous fût parvenu entier, et qu’il eût été continué par les poètes des âges postérieurs ; si les modernes eussent conçu l’épopée dans toute son étendue, et eussent fait un cycle épique, éclairé par la révélation, nous aurions la vraie histoire du genre humain. […] La rime, dans nos langues modernes de l’Europe, seconda merveilleusement le labeur de la versification.

339. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Voilà ce qu’on a trop oublié quand il s’est agi d’écrire l’histoire, et principalement de la Révolution française, l’immense événement moderne dont tous les esprits contemporains sont encore remplis et troublés. […] ce soi-disant Destin pour les nations modernes aurait pu périr, comme une chose humaine, sous une main forte qui l’eût saisi et étreint comme Hercule étreignit les serpents de son berceau. […] Cassagnac conclut de son livre que Louis XVI ayant offert, pour réformer et améliorer l’ancienne monarchie, toutes les institutions modernes de la France, la Révolution, qui les a suspendues et ajournées, n’a été autre chose qu’une sanglante inutilité. […] L’auteur en tire un effet d’ensemble véritablement décisif ; c’est l’histoire des Causes, comme dit le titre du livre, — car les hommes, on ne saurait trop le répéter, sont les plus grandes causes de l’Histoire, contrairement à l’idée moderne et aux prétentions du Panthéisme qui ne veut voir dans l’action des hommes que des effets. […] Pour qui ne voit que l’art seul, l’art divin d’écrire, il y a dans son livre de ces passages qui ressemblent, pour la profondeur et la netteté pure de l’empreinte, aux plus magnifiques intailles de la glyptique moderne.

340. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XII » pp. 47-52

Hugo dit encore en parlant de Lucrèce sans la nommer : « La chose que l’on joue à l’Odéon. » — Thiers, qui est classique et ultra-classique en poésie comme presque tous les historiens de l’École moderne, lesquels ne veulent pas deux choses nouvelles à la fois, a dit à M. […] Le drame moderne, ce géant superbe et insolent, ce Goliath, est tombé net à plat sous le coup de fronde d’un enfant.

341. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVI. Des Livres nécessaires pour connoître sa Religion. » pp. 346-352

Un Poëte moderne l’a attaqué sans succès. […] Parmi les apologistes modernes de la Religion on distingue M.

342. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

Modernes envieux de vos contemporains, jusqu’à quand vous acharnerez-vous à les rabaisser par vos éternelles comparaisons avec les Anciens ? N’est-ce pas une façon de juger bien étrange que de ne regarder les Anciens que par leurs beaux côtés, comme vous faites, et que de fermer les yeux sur leurs défauts, et de n’avoir au contraire les yeux ouverts que sur les défauts des Modernes, et que de les tenir opiniâtrement fermés sur leurs beautés [?]

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