Bonaparte fut le plus funeste mais le plus grand poète des temps modernes. […] Lainé, le plus antique, selon moi, des hommes modernes.
C’était très nouveau, très moderne ou, si l’on veut, très antique. […] Il est de même très antique, et très moderne à la fois, dans ses comparaisons, où il se montre entièrement dégagé du souci du mot noble, qui préoccupait tant les poètes du xviiie siècle. […] Ce chœur emprunté à la tragédie grecque, qui venait exprimer des idées fort peu antiques dans un langage très moderne, troublait et déroutait le lecteur. […] … « Ne serait-il pas curieux de voir aux prises avec le drame moderne, qui se croit souvent terrible quand il n’est que ridicule, cette muse farouche, inexorable, telle qu’elle était aux beaux jours d’Athènes, quand les vases d’airain tremblaient à sa voix ?
C’est une époque critique, c’est le commencement d’une ère nouvelle ; il appartient sous plusieurs rapports au moyen âge, et cependant il forme le portique de l’âge moderne. […] On prétendait faire cadrer l’antique morale des stoïciens avec l’ordre de choses moderne, Lycurgue avec les institutions féodales, le moyen âge avec la république romaine. Certains esprits anticipaient sur les rêveries du socialisme et de la démagogie moderne. […] Là je veidz, selon mon ad vis, Herodote, Pline, Solin, Berose, Philostrate, Mela, Strabo, et tant d’aultres anticques… et ne sçay combien de modernes historyens, cachez derriere une piece de tapisserie, en tapinoys escripvant de belles besongnes, et tout par ouy dire9. » Il faut l’entendre se moquer de la lourde et pédante éducation de son temps, dans cet entretien de Pantagruel avec un étudiant, qui répond à toutes ses questions dans un baragouin mêlé de grec et de latin, jusqu’au moment où, serré à la gorge, il crie merci dans le patois grossier de sa province. […] Il s’étend sur la puissance paternelle, se plaint que les mœurs modernes l’aient affaiblie, et estime cet amoindrissement du pouvoir domestique une des grandes causes du malheur des temps.
Le second, qui est en même temps leur châtiment, c’est de ne pas se douter à quel point nous sommes originaux et nous restons nous-mêmes, nous qui passons aux yeux de la critique moderne pour n’avoir fait qu’appliquer en des œuvres où le fonds est généralement défectueux, les règles supérieures, sans doute, mais communes à tous les temps et à tous les pays, qui constituent la beauté absolue de la forme. […] C’est l’analyse qui nous a donné cette science profonde du cœur humain, cette science délicate de la vie et du jeu des passions dans l’état de société, que les anciens n’ont pas connue, que la plupart des modernes, en dehors de nous, n’ont presque entrevue que par éclairs. […] Il est une science toute moderne des droits du citoyen qui a manqué au xviie siècle, et où a excellé le xviiie . […] La tragédie nous fournit quelques lumières indirectes ; mais de la façon qu’elle a été conçue en France, peignant les passions sous leurs traits les plus généraux, choisissant ses héros dans l’antiquité la plus reculée, et, alors même qu’elle ne se prive point de les faire parler à la moderne, réduite cependant, par la nécessité de respecter son sujet, à ne point souffrir une invasion trop manifeste et trop entière du moderne dans l’antique, vivant d’ailleurs par nature dans un monde de personnages et de sentiments idéaux, astreinte, à ce titre, à des traditions rigoureuses et à des vertus de convention que les dernières années du xviiie siècle ont à peine osé atteindre, elle a bien pu recevoir l’empreinte du changement des idées de Corneille à Racine, de Racine à Voltaire et à J. […] Si jamais on écrit l’histoire de la langue française moderne et de ses transformations depuis le xvie siècle jusqu’à nous, le livre de Fléchier, qui, dans une histoire de la littérature proprement dite, tiendrait une place médiocre, deviendra l’un des monuments de notre prose qu’il faudra étudier avec le plus d’attention.
Vous vous étonnez au premier instant, esprit moderne, affairé, habitué aux dissertations nettes de notre poésie classique ; vous ressentez de la mauvaise humeur ; vous pensez que l’auteur s’amuse, et que, par amour-propre et mauvais goût, il s’égare et vous égare dans les fourrés de son jardin. […] S’il hésite à tuer son oncle, ce n’est point par horreur du sang et par scrupules modernes. […] Puis le juge, — au beau ventre rond, garni de gras chapons, — le regard sévère, la barbe magistralement coupée, — rempli de sages maximes et de précédents modernes ; — et de cette façon il joue son rôle.
Certes nous devons, dans cette rapidité de plume qui est la condition moderne, nous tromper quelquefois et laisser échapper des fautes ; mais qu’est-ce que M.
Les demi-dieux, les héros violents et abusifs tiennent de près aux âges païens, à demi esclaves et barbares ; quand ils triomphent dans nos sociétés modernes, quelles que soient d’ailleurs leur opportunité et leur nécessité passagère, ils introduisent un élément grossier, arriéré, qui pèse après eux et qui a son influence funeste.