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1413. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Joseph Bertrand voulant écrire pour le public, c’est-à-dire pour la moyenne des gens instruits, a éludé ce genre de difficulté autant que possible : il eût pu trancher davantage et mettre plus en relief et en vedette les résultats scientifiques, sauf au lecteur à ne prendre que ce qu’il en pourrait saisir ; il a mieux aimé accuser moins à nu les côtés sévères pour fondre plus couramment le ton de l’ensemble. […] Dans sa notice, si claire, si animée, si constamment instructive, de Newton, j’aurais aimé que les taches, les faiblesses et petitesses du grand inventeur, tout en étant indiquées au net, fussent moins étalées et mises moins soigneusement en balance avec sa grandeur. […] « Je m’en vais renoncer aux habitants des planètes, s’écrie à un moment la trop vive marquise à qui il vient de rappeler la non-certitude absolue des preuves ; car je ne sais plus en quel rang les mettre dans mon esprit, ces habitants ; ils ne sont pas tout à fait certains, ils sont plus que vraisemblables ; cela m’embarrasse trop. » — « Ah ! […] Trouessart n’est pas nommé, et il ne paraȋt même pas avoir été lu par l’auteur qui en a si bien profité : les pièces et documents qu’il avait eu le soin de réunir et qu’il avait mis le premier en circulation seraient, nous assure-t-on, arrivés à d’autres par voie indirecte et de seconde main : Sic vos non vobis… M.  […] Biot, et qu’on mette dans la balance les travaux et les jugements de M. 

1414. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Il en reste encore plus que je n’en voudrais ; mais l’âge et le changement d’état la mettront au point convenable. […] M. y ait mis la condition de me mander dans certains cas, j’ai néanmoins lieu de compter que ma retraite sera entière et irrévocable. […] Son maintien est parfait ; quand elle le veut, elle est en général fort affable et populaire, et met beaucoup de grâce et d’agrément dans tout ce qu’elle fait et ce qu’elle dit. […] Elle paraît s’occuper assez soigneusement de sa parure et est toujours très-bien mise et de bon goût. […] Jusqu’à présent, on n’y voit encore aucune apparence, et cela est d’autant moins probable que le jeune monarque, étant très-borné, est aussi très-méfiant et ne mettra pas facilement quelqu’un dans le cas de lui donner de pareils conseils.

1415. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Le comte de Clermont avait quatorze ans, lorsqu’il perdit un singe favori, pour lequel il commanda des lettres de faire part platement rimées, et il lui fit élever un mausolée où l’on mit aussi des épitaphes en vers. […] Ses galanteries ; mises en relief par sa qualité de prince du sang et par le contraste avec son état d’abbé, ne l’avaient que trop signalé de bonne heure. […] Il eut d’abord pour secrétaire de ses commandements et pour conseiller Moncrif, et, par lui, le prince se trouva mis en relation avec Voltaire. […] M. le maréchal de Saxe avait ordonné qu’il se mît en équerre sur le flanc de l’armée ennemie en attendant l’effet des attaques de Raucoux et de celles qui devaient se faire aux villages de leur droite. […] Barbier, dans son Journal, cite ce mot et le met après la prise de Namur ; il me semble que, s’il a été dit dans cette campagne de 1746, il n’a pu l’être qu’après la prise d’Anvers.

1416. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

On ne saurait aussi se mettre trop en garde contre les métaphores qui n’ont pour effet que de provoquer le lecteur à la recherche du terme propre qu’elles cachent. […] Virgile avait dit : « Des faux recourbées on forge de dures épées » ; et les mots propres, par leur force d’attraction, nous mettaient sous les yeux le paysan qui fauche et le soldat qui tue. […] Parfois, devant ses portes, Quelque Crassus, vainqueur d’esclaves et de rois, Plantait le grand chemin de vaincus mis en croix….. […] Le romantisme, en brisant la hiérarchie des mots qui faisait les uns éternellement nobles et les autres à tout jamais bas, a mis fin à ces périphrases ingénieuses et froides, qui faisaient dévier la poésie de sa véritable voie et l’amusaient à des jeux d’enfants : Je nommai le cochon par son nom : pourquoi pas ? […] Quand Racine fait dire à Joad : Celui qui met un frein à la fureur des flots, Sait aussi des méchants arrêter les complots, la périphrase contient la preuve de l’idée exprimée ensuite.

1417. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

J’ai à côté de moi un mince adolescent, de mise soignée, pâle, l’œil bleu et profond, la bouche enfantine, évidemment très pieux, très candide et très pur (peut-être voire Hubert Liauran avant la chute, mon cher Paul Bourget !). […] L’adolescent extatique à la figure de jeune archange se met à chanter, et je constate avec une surprise désagréable que ce Chérubin de cercle catholique, qui serait un si friand régal pour quelque perverse marraine de trente-cinq ans, a une voix de basse profonde. […] Ce sont des « hommes du monde », cela se voit à leur mise et à leur façon de se saluer, de sourire, de se serrer la main. […] § 2  La première partie du sermon est donc toute d’exposition dogmatique : je préfère la seconde où l’orateur a su mettre de l’émotion et parfois quelque finesse. […] Un prêtre dans la chaire expose le dogme ; quand il a fini, un petit vicaire, assis en face, au banc d’oeuvre, se lève : il représente l’Erreur. « Je rends hommage, dit le prestolet, à l’éloquence de l’éminent prédicateur ; mais, nous autres protestants, nous sommes entêtés. » Et il fait alors des objections ridicules, aggravées de facéties qui mettent en joie les dévotes.

1418. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Et ce reclus, cet homme de cabinet qui s’impose des « matières » à mettre en romans, c’est lui qui vient nous parler d’observation directe, scientifique, de vérité intégrale, implacable, et autres rengaines ! […] Ils ne peuvent dire une phrase sans y mettre un « nom de D… ». […] Son roman est d’un homme qui n’a pas mis les pieds dans un atelier depuis quinze ans. […] « Elle comprit qu’il l’aimait, et elle se mit à l’aimer, car il ressemblait au saint Georges du vitrail. […] Grandsire se mit en rapport avec le directeur de l’assistance publique, etc… Il y eut enquête, etc… » Dans un conte bleu !

1419. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Tu t’occupes de l’affaire Dreyfus ; aussitôt l’affaire Dreyfus devient « un drame géant » qui te « semble mis en scène par quelque dramaturge sublime, désireux d’en faire un chef-d’œuvre incomparable ». […] Même la religion de l’innocent, innocent toi-même, te paraît singulièrement supérieure, car celle de Jésus fut longue à prendre, mit « quatre siècles à se formuler ». […] Pour la vie matérielle, il suffirait de se rappeler « la loi de fraternité que, seule, pourra réaliser la mise en commun » des indifférentes richesses d’en bas. […] Car ce sont les « charmes » physiques de Barrès qu’il vitupère à plusieurs reprises : « son dos circonflexe, sa voix dure et sèche d’eunuque, sa jaunisse d’envieux… ses dents à pivot, son air emprunté de cuistre qui met pour la première fois les pieds dans un salon ». […] Il met en Riquet, le malicieux, toute l’humanité instinctive qu’il veut railler.

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