/ 2302
270. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

On le voit plein des secrets de Dieu, mais on voit qu’il n’en est pas étonné comme les autres mortels à qui Dieu se communique : il en parle naturellement, comme étant né dans ce secret et dans cette gloire ; et ce qu’il a sans mesure, il le répand avec mesure, afin que notre faiblesse le puisse porter. » Ces pages sont de toute beauté. […] Je ne crains pas de dire qu’il dépasse en ceci la mesure d’attention d’un lecteur qui serait même mieux doué et préparé que Monseigneur le Dauphin.

271. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Des querelles frivoles, telles que des disputes sur la musique, sur la littérature, peuvent donner quelques idées légères de la nature de l’esprit de parti ; mais il n’existe tout entier, mais il n’est l’action dévorante qui consume les générations et les empires, que dans ces grands débats où l’imagination peut puiser sans mesure tous les motifs d’enthousiasme ou de haine. […] Jamais il ne peut en coûter à l’esprit de parti, d’abandonner des avantages individuels dont on sait la mesure, pour un but tel que cette passion le fait concevoir, pour un but qui n’a jamais rien de réel, de jugé, ni de connu, et que l’imagination revêt de toutes les illusions dont la pensée est susceptible : la démocratie ou la royauté sont le paradis de leurs vrais enthousiastes ; ce qu’elles ont été, ce qu’elles peuvent devenir n’a aucun rapport avec les sensations que leurs partisans éprouvent à leur nom, à lui seul il remue toutes les affections ardentes et crédules dont l’homme est susceptible. […] Il faut de l’esprit de parti pour lutter efficacement contre un autre esprit de parti contraire, et tout ce que la raison trouve absurde est précisément ce qui doit réussir contre un ennemi qui prendra aussi des mesures absurdes : ce qui est au dernier terme de l’exagération, transporte sur le terrain où il faut combattre, et donne des armes égales à celles de ses adversaires ; mais ce n’est point par calcul que l’esprit de parti prend ainsi des moyens extrêmes, et leur succès n’est point une preuve des lumières de ceux qui les emploient ; il faut que les chefs, comme les soldats, marchent en aveugles pour arriver ; et celui qui raisonnerait l’extravagance, n’aurait jamais à cet égard l’avantage d’un véritable fou.

272. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

Il avait aussi un sens exquis de l’art : il avait ce don rare, la mesure dans l’énergie. […] Il faut comparer ses Fables avec les secs apologues d’Ésope, avec la froide philosophie de Lessing : mais il faut aussi, dans les occasions où il a rivalisé avec notre Rabelais, étudier comment, à force de goût, de mesure, de sobriété, il a multiplié en quelque sorte sa puissance. […] Alors toutes les bizarreries, toutes les impossibilités deviennent vraisemblables ; les symboles se présentent déjà tout chargés de sens, et taillés à la mesure des réalités naturelles.

273. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

De quelle révélation se prévalent-elles pour mériter qu’à leur mesure « on réduise » un tempérament original ? […] Les candidats, interrogés, développent : « Qualités de clarté, de poésie et de mesure tout ensemble. » Alors Rabelais, Diderot et Hugo, Balzac et Baudelaire et Verlaine n’en sont pas, du palmarès ? […] Dans la mesure où un artisan innove sur ses prédécesseurs, en inspiration ou en technique, il est génial.

274. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

Si la sensation croît par l’effet de l’unité, la conscience ne peut pas ne point s’accroître dans la même mesure. […] L’unification, en se réalisant, tendra à s’idéaliser sous la forme du moi ; en s’idéalisant sous cette forme, elle tendra à se réaliser davantage ; tel un artiste, à mesure qu’il réalise une idée, voit l’idée même se déterminer davantage et, l’idée devenant plus claire, la réalise dc mieux en mieux : l’œuvre et l’exemplaire réagissent l’un sur l’autre. […] L’être qui se prolongera par la représentation dans le passé et dans l’avenir sera donc mieux armé dans la lutte pour l’existence : par cela même qu’il concevra sa conservation, il la réalisera dans la même mesure : il aura sa ligne tracée, sa direction, son but ; il saura d’où il vient, où il est, où il va.

275. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

Il serait à désirer qu’on eût aussi des catéchismes de morale et de politique, c’est-à-dire des livrets où les premières notions des lois du pays, des devoirs des citoyens, fussent consignées pour l’instruction et l’usage du peuple ; et une espèce de catéchisme usuel, qui donnât une idée courte et claire des choses les plus communes de la vie civile, comme des poids et mesures, des différents états et professions, des usages que le dernier d’entre le peuple a intérêt de connaître, etc. […] A mesure qu’on monte, on lit les meilleurs auteurs, on compose, on apprend les éléments de la versification latine, on fait de la prose et des vers dans cette langue, tant bien que mal ; on étudie le grec. […] A mesure que les peuples se civiliseront, le nombre des langues essentielles augmentera ; car ce qu’il y a de moins douteux, c’est que les arts, les sciences et les lettres voyagent, et qu’il est impossible de les fixer.

276. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Nous en avons assez dit pour prouver que la race reste, jusqu’à nouvel ordre, une force occulte à laquelle il ne faut faire appel qu’en désespoir de cause ; mesures et statistiques ne doivent pas nous faire illusion : l’explication anthropologique n’est et ne sera pas longtemps, sinon toujours, qu’un pis-aller. […] On n’est pas seulement semblable dans la mesure où l’on s’imite : il est vrai aussi qu’on s’imite dans la mesure où l’on est semblable.

/ 2302