L’auteur s’y donne pour un homme de grande considération dans le monde, fêté dans les meilleures compagnies, tenant à la cour par sa naissance, & connu de l’univers entier par ses poësies. […] Il prit le meilleur parti, celui de se taire & de leur laisser un champ libre.
Il ne fait pas une élegie ni un tableau, sans devenir meilleur peintre ou meilleur poëte ; et il surpasse enfin ceux qui peuvent avoir été plus heureux que lui, en maîtres et en modeles.
Puisque sa veine était tarie, puisqu’il avait donné le meilleur du sang de sa pensée à son premier livre, ne pouvait-il pas, au moins, s’imiter ? […] Quoique la spécialité biographique, l’art de faire bomber ou creuser un visage, soit ce qui a le plus résisté dans le talent fin et curieux de Champagny, qui fut plutôt, autrefois, dans son meilleur temps, un graveur historique qu’un historien, et qu’on ait reconnu sa pointe, malgré son émoussement, dans les profils qu’il trace d’Othon, de Vespasien et de Vitellius, il est moins heureux cependant avec des têtes comme celles d’Apollonius, de Simon le Magicien et de Cérinthe, que Suétone et Tacite ne lui ont pas préparées, marquant avec l’ongle, leur ongle coupant et terrible, les endroits où le burin devait appuyer !
Il se dit et il est lui-même aristotélicien : « Je suis capable — dit-il — de prendre Rodogune, par exemple, et en lui appliquant les règles d’Aristote, d’en construire une pièce meilleure que celle de Corneille. » C’est là le dernier trait, mais c’est aussi l’erreur et l’infatuation… C’est l’homme du temps qui parle, ce n’est pas l’homme de l’avenir, qui allonge son regard par-dessus la tête des autres parce qu’il est plus grand qu’eux, — et Lessing l’était ! […] On n’est pas meilleur.
Alfred de Musset, cet épervier de la fantaisie, qui, lui, a quelquefois emporté Marivaux sur ses ailes jusque dans le plus bleu du ciel de Shakespeare, Alfred de Musset, nous n’en doutons pas, n’aurait point dans ses meilleurs jours hésité à signer ces deux nouvelles, où l’auteur s’est fait si complètement femme par la pensée, les sentiments et le langage, afin de nous mieux régaler des plus délicieuses mélancolies. […] Mais tout en les acquérant, qu’il garde, qu’il garde surtout cette légèreté qui n’est pas de notre temps, ce détaché, cet air de n’y pas tenir quand on est le plus spirituel, cette ironie qui envoie promener l’émotion, et cette émotion qui envoie promener l’ironie, qu’il garde cela, car c’est le meilleur de sa gerbe.
Il finit par ces mots sublimes et simples : « Mais il est temps de nous en aller, moi pour mourir et vous pour vivre : de ces deux choses, quelle est la meilleure ? […] Voyons, et si nous n’en trouvons pas de meilleurs, vous savez bien que je ne m’écarterai pas de ceux que j’ai toujours suivis ; non, quand tout un peuple me présenterait comme des spectres menaçants la pauvreté, les chaînes et la mort. » Alors il discute la question, et il examine s’il est permis de désobéir aux lois pour éviter la mort.
À examiner en général le règne de ce prince, ses succès, ses triomphes, son application au gouvernement, enfin le mérite qu’il eut, et qu’il partagea avec si peu de souverains, de devenir meilleur en montant sur le trône, il paraît avoir mérité une partie de ces hommages. […] Gratien, qui eut de la faiblesse et du zèle, qui posséda peut-être le courage militaire, mais à qui le courage d’esprit et les talents manquèrent, que les écrivains d’un parti ont comparé aux meilleurs princes, que ceux du parti contraire ont comparé à Néron ; Gratien, dont le plus grand mérite peut-être est d’avoir, élevé Théodose à l’empire, et qui, après un règne de huit ans, mourut à vingt-quatre, vaincu à Paris et assassiné à Lyon, eut aussi ses panégyristes.