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290. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XV »

Quand il l’a fait, il n’y a rien gagné du tout, la seconde version est aussi mauvaise que la première. […] Ils seront de mauvais écrivains, voilà tout. » Oui, voilà tout.

291. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Quand M. de La Rochefoucauld ne fut plus amoureux ni frondeur, il se surfit sans doute un peu la malice humaine, contre laquelle l’excitaient encore sa goutte et ses mauvais yeux Ceux qui l’ont pris d’abord de très-haut avec les choses, et qui ont été d’âpres stoïciens et des rêveurs sombres avant vingt-cinq ans, se rabattent, au contraire, en continuant de vivre, et deviennent plus indulgents, plus indifférents du moins. […] On ne se dit pas seulement : « Cela est bon, cela est mauvais ; je suis amusé ou ennuyé ; » on refait, on converse en soi-même ; on revoit en action les caractères, non pas au point de vue de la scène, mais selon le détail de la réalité ; Tartufe suggère Onuphre. […] Le style est bon, court, net, clair, sans mauvaises locutions ; une fois pourtant il s’agit d’une personne qu’on n’aurait jamais connue sous un semblable rapport, une de ces manières de dire que ne toléraient Voltaire ni Courier ; M. […] Elle a dit quelque part de la raison chez Boileau : « C’était en lui un organe délicat, prompt, irritable, blessé d’un mauvais sens comme une oreille sensible l’est d’un mauvais son, et se soulevant comme une partie offensée sitôt que quelque chose venait à la choquer. » Il y a un peu de cette vivacité, de cette vigilance de raison, en Mlle de Meulan, durant la période si active où nous l’allons suivre. […] Celle qui, à vingt-cinq ans, avait débuté par se faire personne d’un certain âge ou même douairière du Marais, entre non moins exactement, à mesure qu’elle vieillit, dans les divers personnages de ce petit monde de dix à quatorze ans, en y apportant une morale saine, la morale évangélique, éternelle, qui s’y proportionne sans s’y rapetisser. « Son idée favorite, son idée chérie, est-il dit dans la préface d’une Famille, c’était que la même éducation morale peut et doit s’appliquer à toutes les conditions ; que, sous l’empire des circonstances extérieures les plus diverses, dans la mauvaise et dans la bonne fortune, au sein d’une destinée petite ou grande, monotone ou agitée, l’homme peut atteindre, l’enfant peut être amené à un développement intérieur à peu près semblable, à la même rectitude, la même délicatesse, la même élévation dans les sentiments et dans les pensées ; que l’âme humaine enfin porte en elle de quoi suffire à toutes les chances, à toutes les combinaisons de la condition humaine, et qu’il ne s’agit que de lui révéler le secret de ses forces et de lui en enseigner l’emploi. » Comment Mme Guizot, de raison un peu ironique, d’habitudes d’esprit un peu dédaigneuses qu’elle était, se trouva-t-elle conduite si vite et si directement à cette idée plénière de véritable démocratie humaine ?

292. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Ascrée, ce plus antique des séjours consacrés et harmonieux, Ascrée près de l’Hélicon, n’était qu’un pauvre bourg, nous dit Hésiode, d’un mauvais hiver et d’un été pire encore54. […] Aux peaux plus fines, l’air mauvais est plus irritant ; et si l’on n’y prend garde, il s’ensuit des maladies singulières. […] Qu’on se figure en effet dans ses rapports avec le monde une sensibilité très-fine, très-exquise, qui pénètre vite les motifs cachés, les racines mauvaises des actions, qui saisit la pensée sous l’accent, la fausseté à travers le sourire, qui subodore en quelque sorte les défauts des autres mieux qu’eux-mêmes, et s’en incommode promptement57. […] La meilleure compagnie me semble mauvaise si j’y rencontre un important, un envieux, un médisant, un méchant, un perfide… » (Préambule de l’Arcadie.) […] Michel-Ange traitait volontiers Raphaël d’efféminé ; Corneille parlait de Racine comme d’un blondin ; Buffon répondait à Hérault de Séchelles qui le questionnait sur le style de Jean-Jacques : — « Beaucoup meilleur que celui de Thomas ; mais Rousseau a tous les défauts de la mauvaise éducation ; il a l’interjection, l’exclamation en avant, l’apostrophe continuelle. » On vient d’entendre Bernardin de Saint-Pierre, visiblement impatienté, prononcer sur l’auteur de René : « Imagination trop forte ! 

293. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Son sonnet licencieux sur un amour immoral, avoué en ce temps-là dans une mauvaise société de Florence, sonnet commémoratif de cette pitoyable aventure, en est la preuve en ce qui le concerne. […] Il n’y a qu’une bonne chance contre un millier de mauvaises. […] D’abord la comtesse d’Albany avait dû être très séduisante à seize ans, puisque la cour de France, et le conseil des amis du prétendant, qui voulaient perpétuer la race des Stuarts et arracher Charles-Édouard à ses mauvaises habitudes de vie, en avaient fait choix, pour cette séduction, parmi toutes les belles héritières d’Angleterre, d’Écosse, de Belgique et d’Allemagne ; et tout indique qu’elle l’était alors. […] Il écrit le Misogallo, le plus odieux et le plus plat pamphlet en mauvais vers qu’on ait jamais rimé contre la France révolutionnaire. […] Ce tombeau ne garde à la postérité que deux ombres : l’ombre d’une femme faible et charmante, à laquelle on pardonne pour ses malheurs et pour son sexe ; Et l’ombre d’un mauvais poète tragique, enflé d’orgueil et vide de vraie grandeur d’âme comme de vrai talent, et qui n’eut du génie tragique que la manie, Et du poète que la déclamation !

294. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

L’instinct social obscur et les instincts égoïstes aussi résistent souvent à ces produits morbides de la vie, sous qui la vie se continue, en d’assez mauvaises conditions d’ailleurs. […] Cependant, si cette société, quoique meilleure qu’une bande de brigands, est pire que d’autres contre qui elle lutte, il peut être mauvais qu’une cause de faiblesse vienne à disparaître pour elle. […] Si la morale doit rendre la vie bonne, elle peut devoir aussi la supprimer dans le cas où il appert qu’elle ne peut être que trop mauvaise. […] Et chaque groupe, chaque fonction, chaque morale spéciale est également troublée sans cesse par de petites déviations où se traduit l’influence excessive de tel ou tel élément et la mauvaise coordination de l’ensemble. […] Ils ont ainsi travaillé aux parties les plus contestables de la casuistique et contribué à son mauvais renom.

295. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Excuse menteuse des mauvais écrivains ! […] Le mauvais écrivain ne voit les choses que par à peu près et d’une manière vague : il n’est pas étonnant que la langue se refuse à ses demi-pensées. […] Sainte-Beuve trouve cette raison mauvaise. […] La Nature nous échappe par sa grandeur ; ignorant ses motifs, nous voulons juger par les nôtres : rien n’est bon en soi ni mauvais, tout est rationnel, tout est parce qu’il doit être : La Nature nous dit : « Je suis la raison même. […] Il s’accomplit tout seul, artiste, œuvre et modèle ; Ni petit, ni mauvais, il n’est ni grand ni bon ; Car sa taille n’a pas de mesure hors d’elle, Et sa nécessité ne comporte aucun don. » Zénon, Spinosa, Hegel, reconnaîtraient dans ces vers la fière et triste image de leur pensée.

296. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Toujours est-il qu’ils ont fait parler ce mauvais langage à leur héroïne pour la rendre plus naturelle, plus réelle, comme on dit maintenant, et, qui sait ? […] Elle commence par être la garçonnière de mauvais ton que le stupide et grossier américanisme de notre temps a mise à la mode dans certains milieux d’esprits fourbus ; mais, peu à peu, elle se débarrasse de cette gourme odieuse et elle devient une délicieuse fille, mourant sous les voiles d’une virginité qui n’a rien aimé dans sa vie que son père. […] il faut tristement conclure, malgré la sympathie qu’on a pour M. de Goncourt, que Les Frères Zemganno sont un mauvais livre, échappé au talent de l’auteur. […] Évidemment, ceci est plus grave que l’apparition d’un mauvais livre isolé. […] Edmond de Goncourt, digne par la distinction aristocratique de son talent de marcher sur un talon rouge, dépaysé en mauvaise compagnie avec eux comme un mousquetaire au cabaret, ne s’est pas, dans ce nouveau roman, tout à fait guéri de la maladie qu’il a contractée dernièrement dans de basses accointances littéraires.

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