Soldats d’Italie, manqueriez-vous de courage ou de constance ? […] L’état de l’Ordre à ce moment suprême, ses divisions intestines, les dispositions des chevaliers, la plupart philosophes et mondains, qui n’étaient plus que de vieux garçons en exil sur un rocher, le manque absolu des grands mobiles qui portent les hommes à se sacrifier, tout est vu en passant avec le coup d’œil d’un moraliste, cette fois au service d’un conquérant. […] À peine débarqué, Napoléon se porte sur Alexandrie et donne l’assaut avec seulement une poignée de son monde, et sans attendre son canon : « C’est un principe de guerre, dit-il, que lorsqu’on peut se servir de la foudre, il la faut préférer au canon. » Il oppose ce principe à d’autres généraux qui, en pareil cas, ont perdu plusieurs jours, et ont manqué l’occasion pour vouloir trop bien s’y préparer.
» Tel est son programme manqué, ce sera celui de bien d’autres ; c’est son dernier mot en politique. […] M. de Chateaubriand a la prétention de s’y être montré tout entier : « Sincère et véridique, dit-il, je manque d’ouverture de cœur ; mon âme tend incessamment à se fermer ; je ne dis point une chose entière, et je n’ai laissé passer ma vie complète que dans ces Mémoires. » Eh ! […] Il sort de ce cœur des flammes qui manquent d’aliment, qui dévoreraient la création sans être rassasiées, qui te dévoreraient toi-même… C’est bien cela, et il nous la définit en maître cette flamme sans chaleur, cette irradiation sans foyer, qui ne veut qu’éblouir et embraser, mais qui aussi dévaste et stérilise.
Vauvenargues avait donné sa démission de capitaine au régiment du Roi, et l’espoir de trouver un dédommagement dans la carrière diplomatique achevait de lui manquer par la ruine totale de sa santé, quand il vint demeurer à Paris pour s’y vouer uniquement aux lettres. […] Vauvenargues avait l’imagination tournée à l’histoire, à l’action, je l’ai dit ; homme de race noble et fière, il manquait, malgré sa modestie, de cette qualité plus naïve et plus humble qui fait que des âmes naturelles ont gagné à se rapprocher du peuple et y ont puisé des inspirations habituelles et plus vives. […] Le voyez-vous dans son petit hôtel de la rue du Paon, malade, mourant, ne se plaignant jamais devant ses amis, mais laissant quelquefois échapper sur le papier le secret de cette apparence tranquille : « Qu’importe à un homme ambitieux qui a manqué sa fortune sans retour, de mourir plus pauvre ?
Le trait malin, proverbial, les alliances heureuses de noms et d’idées, la concision élégante, tout ce qui constitue le genre moral tempéré et en fait l’ornement, s’y trouve placé avec art, et il n’y manque vraiment qu’un souffle poétique moins sec et plus coloré, quand l’auteur tente de s’élever et de nous peindre, par exemple, le temple de l’Opinion promené dans les airs sur les nuages : c’est ici que l’on sent le défaut d’ailes et d’imagination véritable, l’absente de mollesse, de fraîcheur et de charme, comme dans toute la poésie de ce temps-là. […] ajouta-t-il, c’est un exempt des gardes du corps, et il ne manque que sa baguette. » Peu de temps après, cet homme conte une petite histoire : « Nous étions quatre, dit-il, madame et monsieur tels, madame de… et moi. » Sur cela, mon instituteur continua : « Me voilà entièrement au fait. […] Toute la composition de son ouvrage se ressent de ce premier manque de point de vue.
Il répugnait à tout ce qui aurait modifié profondément le rapport des classes, la base des fortunes, l’assiette de l’impôt : les preuves, en avançant, ne manqueront pas. […] Il s’y élevait à des vues générales qui embrassaient toute la politique et la civilisation de ce pays ; mais surtout il y exposait la campagne de Mina en Catalogne, et les aventures de la Légion libérale étrangère, avec feu, avec une netteté originale et une véritable éloquence ; on sentait qu’il ne manquait à ce style un peu grave et un peu sombre, pour s’éclairer et pour s’animer, que d’exprimer ce que l’auteur avait vu et senti. […] Il a cherché un reste de force et d’attention pour ne se pas manquer, et sa main a été sûre… Certes, si jamais une lecture peut dégoûter du suicide une âme mâle et ferme, c’est la lecture de cet article de Carrel.
Dans cette solitude vigilante et noblement orgueilleuse, ayant sous la main tous les secours et les aides matériels, que lui manquait-il donc pour recueillir sa pensée ? […] Si Luynes avait vécu, la fortune de Richelieu s’ajournait pourtant et pouvait manquer : aussi, quand Luynes disparaît, quand il est emporté d’une maladie soudaine (14 décembre 1621) au milieu de cette campagne qu’il avait entreprise sans pouvoir la mener à fin, Richelieu a pour peindre sa mort, son caractère et sa personne, des traits de couleur et de passion que Saint-Simon, un siècle après, aurait trouvés. […] Les flatteries l’emportèrent jusque-là qu’il crut que toutes les louanges qu’on lui donnait étaient véritables, et que la grandeur qu’il possédait était moindre que son mérite… Il était plein de belles paroles et de promesses qu’il ne tenait pas fidèlement ; mais, lorsqu’il donnait des paroles plus absolues, c’est alors qu’on était plus assuré de n’avoir pas ce qu’il promettait ; et, lorsqu’il promettait le plus son affection, c’était lorsqu’on avait plus de sujet d’en être en doute : tant il manquait de foi sans en avoir honte, mesurant tout l’honneur à son utilité !
Un moment je crus lui donner la cohésion qui lui manquait en essayant de faire converger toutes ses idées vers un but social. […] « Enfin pour donner à sa personne la curiosité, le piquant, l’intérêt que le scandale ne peut manquer de lui ajouter dans une société pourrie comme la nôtre, il nie carrément l’amour. […] Huret dans L’Écho de Paris, il lui a donné l’apparence de vitalité qui lui manquait et le voilà à son tour chef incontesté d’une nouvelle école.