Le mal du pays ou plutôt le mal du foyer natal me dévorait. […] Dis-moi si le sycomore Prend ses feuilles de printemps ; Si ma mère y vient encore Garder ses jolis enfants ; Si sa voix, qui les appelle, A des accents aussi doux ; Si la plus petite épelle Le livre sur ses genoux ; Si sa harpe dans la salle Fait toujours, à l’unisson, Tinter, comme une cigale, Les vitres de la maison ; Si la source où tu te penches, Pour boire avant le matin Dans le bassin des pervenches, Jette un sanglot argentin ; Si ma mère, qui l’écoute, En retenant mal ses pleurs, De ses yeux mêle une goutte À l’eau qui pleut sur ses fleurs ; Et si ma sœur la plus chère, En regardant le ruisseau, Voit l’image de son frère Passer en rêve avec l’eau. […] Il n’y avait pas de guide plus mal choisi pour faire voir la belle nature, car lui-même ne voyait que son livre. […] Je ne sais quel vague ennui, phénomène ordinaire du printemps sur les hommes sédentaires, se trahissait en nous par l’inattention, les nonchalances d’attitude, les bâillements mal contenus sur les bancs de bois de la salle. […] “Démodocus”, dit le poète de Chio en se peignant sous les traits du chantre des Phéaciens, “était le favori de la muse ; mais elle avait mêlé pour lui le bien et le mal, et l’avait rendu aveugle en lui donnant la douceur des chants.” » XXIII Une exclamation d’enthousiasme éclata dans tout le jeune auditoire ; le père Béquet, qui s’était attendri, reprit sa voix virile en poursuivant la page.
Ici le prince de Ligne fait son mea culpa sincère ; il contribua sans le savoir, dit-il, au mal qui se fit. […] C’est en y songeant le moins qu’il nous la peint le mieux, et qu’il nous fait voir d’un même trait sa bonté et sa grâce : Elle s’occupait si peu de sa toilette, dit-il en un endroit, qu’elle se laissa, pendant plusieurs années, coiffer on ne peut pas plus mal, par un nommé Larceneur qui l’était venu chercher à Vienne, pour ne pas lui faire de la peine. […] Tout est mobilité, mais bien plus longtemps en mal qu’en bien.
Le roman de Cléomadès, par le poète Adenet, un des célèbres trouvères du siècle précédent, fut un de ces livres favoris, et par lequel lui vint le mal qu’il désirait tant. […] Quoi qu’il en soit, il ne devait pas mourir de son mal, et, si sérieux qu’il nous l’ait peint dans ses vers, il était de nature à s’en vite consoler. […] Il est bien vrai qu’il réserve toutes ses sympathies et ses couleurs pour les hautes prouesses et les nobles entreprises d’armes, et ceux qui les font ; il est bien vrai que dans la répression de la Jacquerie, par exemple, et après le tableau des horreurs auxquelles elle s’est livrée, il se réjouit des représailles et de la vengeance qu’en tirent partout les seigneurs, et qu’il nous montre à plaisir les chevaliers qui, en fin de compte, ont raison par le glaive de tous « ces vilains, noirs et petits, et très mal armés ».
Elle sait très bien se moquer de La Motte qui, privé du sens du beau, ne voit dans les discussions sur l’Iliade qu’un conflit d’opinions contraires où l’admiration et le mépris ont pu être également exagérés, et qui est d’avis pour conclure de faire, comme on dit, une cote mal taillée. […] Il accordait à l’Académie française la gloire un peu exagérée d’avoir la première institué la discussion littéraire dans ces termes philosophiques, et d’avoir conclu de l’admiration mal fondée que l’on avait eue pour les vieux philosophes, qu’il fallait examiner de plus près celle que l’on avait encore pour les anciens poètes : « L’ouverture de cette dispute, disait-il un peu magnifiquement, a achevé de rendre à l’esprit humain toute sa dignité, en l’affranchissant aussi sur les belles-lettres du joug ridicule de la prévention. » C’était par là que Terrasson croyait qu’il nous appartenait de devenir littérairement supérieurs aux Latins, lesquels, supérieurs de fait aux Grecs, n’avaient jamais osé en secouer le joug. […] « On eût dit, remarque Voltaire, que l’ouvrage de M. de La Motte était d’une femme d’esprit, et celui de Mme Dacier d’un homme savant… La Motte traduisit fort mal l’Iliade, mais il l’attaqua fort bien. » La Motte avait orné sa défense de toutes sortes de jolis mots et de maximes de bonne compagnie : Une douce dispute est l’âme de la conversation. — La diversité de sentiment est l’âme de la vie, et l’assaisonnement même de l’amitié. — Quand tout s’est dit de part et d’autre, la raison fait insensiblement son effet ; le goût se perfectionne, et il s’affermit alors, parce qu’il est fondé en principe. — Il faut que les disputes des gens de lettres ressemblent à ces conversations animées, où, après des avis différents et soutenus de part et d’autre avec toute la vivacité qui en fait le charme, on se sépare en s’embrassant, et souvent plus amis que si l’on avait été froidement d’accord.
Venir après deux siècles s’interposer entre une maîtresse aussi subtile et aussi coquette d’esprit, aussi versatile de cœur que la sœur des Condé et des Conti, et un amant aussi fin, aussi délié, aussi roué si l’on veut, que M. de La Rochefoucauld ; prétendre sérieusement faire entre les deux la part exacte des raisons ou des torts ; déclarer que tout le mal est uniquement d’un côté, et que de l’autre sont toutes les excuses ; poser en ces termes la question et s’imaginer de bonne foi qu’on l’a résolue, c’est montrer par cela même qu’on porte en ces matières la ferveur d’un néophyte, qu’on est un casuiste de Sorbonne ou de cour d’amour peut-être, mais un moraliste très peu. […] — Non, Sire, et j’aurais bien mal calculé, car je suis précisément au même point où j’étais en 1790. […] Les Bourdaloue, les Massillon, se rencontrent avec La Rochefoucauld dans la description du mal et dans la science consommée des motifs.
Il flotte habituellement entre les chansons et les poëmes, ou plutôt il ne flotte pas, et ceux-ci ont le dessus ; il est près d’abandonner les unes et d’y renoncer tout à fait (1812) pour ne plus s’occuper que des autres : c’eût été très mal écarter. […] Je n’avais jamais eu un auditoire aussi redoutable ; aussi ai-je chanté assez mal… » Il a eu peur, c’est bon signe : de ce côté, l’amour-propre lui est venu désormais, et si bien qu’après ce premier succès, de peur de le compromettre, il refuse le dimanche suivant de rester à dîner chez M. […] Un jour, en 1815, au milieu de l’effervescence des passions politiques, entrant chez des amis, comme on lui demandait ce qu’il avait vu en venant, il lui arriva de répondre : « Ça va mal, ils chantent la Marseillaise !
J’espère que notre générosité ne nous tournera point à mal, et qu’elle en aura de la reconnaissance. […] Racine n’avait pas, comme Mme de Sévigné, de l’imagination à revendre et à tout propos, même à propos de nourrice ; sa folle du logis ne lui échappait pas bon gré, mal gré, à tort et à travers ; il savait où placer la sienne, qui n’était pas du tout une folle, et il la distribuait dans ses ouvrages. […] Comme noble (et cet anoblissement remontait à son bisaïeul), Racine avait des armes ; c’étaient des armes parlantes : un rat et un cygne, ce qui, en prononçant ce dernier mot entre les dents, faisait tant bien que mal Racine.