Il reçut dans la maison de son grand-père une bonne éducation et une instruction très inégale. […] Une terrasse de la maison de son grand-père d’où l’on avait une vue magnifique sur la montagne de Sassenage, et qui était le lieu de réunion les soirs d’été, fut, dit-il, le théâtre de ses principaux plaisirs durant dix ans (de 1789 à 1799).
Ce qui est certain, c’est que les princes manquant, ce furent les grands les plus rapprochés qui prirent leur place, qui eurent l’initiative et le commandement des révoltes à main armée ; et la maison de Rohan se trouve au premier rang dans ce rôle actif. […] Tandis que Richelieu, déjà fort de la confiance de Louis XIII, préparait son grand dessein européen, l’abaissement de l’Espagne et de la maison d’Autriche, pour lequel il comptait se servir d’une nouvelle alliance étroite avec l’Angleterre, il se voit donc arrêté tout court par cette levée de boucliers à l’intérieur, qui coupe en deux le royaume : Cette révolte, dit-il énergiquement, venait si à contretemps au roi en cette saison où il avait tant d’affaires au dehors, que la plupart de ceux de son conseil étaient si éperdus, que tantôt ils voulaient qu’on fît une paix honteuse avec l’Espagne, tantôt qu’on accordât aux huguenots plus qu’ils ne demandaient.
Après avoir dompté et décapité les grands, maté les protestants comme parti dans l’État, déconcerté et abattu les factions dans la famille royale, tenant tête par toute l’Europe à la maison d’Autriche, faisant échec à sa prédominance par plusieurs armées à la fois sur terre et sur mer, il eut l’esprit de comprendre qu’il y avait quelque chose à faire pour la langue française, pour la polir, l’orner, l’autoriser, la rendre la plus parfaite des langues modernes, lui transporter cet empire, cet ascendant universel qu’avait eu autrefois la langue latine et que, depuis, d’autres langues avaient paru usurper passagèrement plutôt qu’elles ne l’avaient possédé. La langue espagnole usurpait alors ce semblant d’autorité ; il combattait encore la maison d’Autriche sur ce terrain.
On y vient, on y revient avec plaisir ; on y cause de tout, on y cause en commun de certains sujets qui intéressent tout le monde, et on le fait avec de légères discordances et dissonances dans lesquelles une maîtresse habile de maison, comme un chef d’orchestre sans archet et sans geste, maintient ou rétablit vite l’harmonie. […] ce n’est pas là un salon ; les quelques jeunes femmes qui y passent, avant de se rendre au bal sous l’aile de maris exemplaires, et qui viennent y recevoir comme une absolution provisoire qui, plus tard, opérera, ne me font pas illusion : c’est un cercle religieux, une succursale de l’église, — donnez-lui le nom que vous voudrez, — un vestibule du Paradis, « une maison de charité à l’usage des gens du monde. » Salon français de tous les temps, d’où me reviennent en souvenir tant d’Ombres riantes, tant de blondes têtes et de fronts graves ou de fronts inspirés, passant tour à tour et mariant ensemble tout ce qui est permis à l’humaine sagesse pour charmer les heures, enjouement, audace, raison et folie, — je ne te reconnais plus !
Il s’ouvre avec la matinée ; l’on est dans la maison de Chimène ; elle apprend la victoire que Rodrigue vient de remporter durant la nuit sur les Maures, débarqués et rembarqués presque aussitôt : « Leur abord fut bien prompt, leur fuite encor plus prompte, Trois heures de combat laissent à nos guerriers Une victoire entière et deux rois prisonniers. » Trois heures de combat… Toujours la montre en main ! […] Au début du cinquième acte, le combat n’a pas encore eu lieu : on est revenu dans la maison de Chimène.
Saint-Simon enfin, le grand peintre, — et aussi grand par là qu’il est hasardé en ses anecdotes, — a achevé de le fixer au vif dans la mémoire, quand il a dit à l’occasion de sa mort (22 février 1712) : « J’ai si souvent parlé du maréchal Catinat, de sa vertu, de sa sagesse, de sa modestie, de son désintéressement, de la supériorité si rare de ses sentiments, de ses grandes parties de capitaine, qu’il ne me reste plus à dire que sa mort dans un âge très-avancé [74 ans], sans avoir été marié, ni avoir acquis aucunes richesses, dans sa petite maison de Saint-Gratien, près Saint-Denis, où il s’était retiré, d’où il ne sortait plus depuis quelques années, et où il ne voulait presque plus recevoir personne. […] Ses habits, ses équipages, ses meubles, sa maison, tout était de la dernière simplicité ; son air l’était aussi, et tout son maintien.
Toutes ces premières impressions, celles du toit domestique, de la maison du pasteur auquel d’abord on l’avait confié, la mort d’une mère, puis la première communion, et le sentiment pénible qu’éprouva le jeune garçon en passant de son Alsace riante et champêtre aux murs froids d’un collège, ces premières descriptions ne peuvent nous toucher que médiocrement : il y a du vrai, de la sincérité ; mais ces peintures de l’enfance, recommencées sans cesse, n’ont de prix que lorsqu’elles ouvrent la vie d’un auteur original, d’un poète célèbre. « Les souvenirs de ma première enfance sont bien vagues, nous dit M. Coulmann au début ; cependant je me rappelle encore et l’époque où je portais une robe de percale brune avec des étoiles jaunes, et un grand poirier qui était dans le jardin près de la maison : c’est la trace la plus éloignée qui soit restée empreinte dans ma mémoire. » Mais si ces souvenirs sont vagues, pourquoi vouloir nous y faire participer ?