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315. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Il étudiait en même temps la philosophie sous les maîtres grecs de cette science, qui les contient toutes. […] Cicéron suivit dans le camp de Sylla son modèle et son maître, l’orateur Hortensius. […] Soit que ces oiseaux familiers eussent de la joie de revoir leur maître, soit qu’en s’élevant très haut dans les airs ils eussent aperçu, avant les serviteurs, les armes inusitées des nombreux soldats d’Antoine répandus dans les campagnes, et se glissant comme des assassins vers les jardins de Cicéron, ils s’agitaient comme par un instinct caché. […] À ce signe de l’instinct des oiseaux, les serviteurs de Cicéron s’émurent, s’attendrirent, versant des larmes et se reprochant à eux-mêmes d’avoir, pour le salut de leur maître, moins de prudence et moins de zèle que les brutes : « Quoi ! […] Pressé d’effacer la mémoire de l’ingratitude dans le sang du bienfaiteur, il somma les serviteurs et les affranchis restés dans la maison de lui dénoncer la retraite de leur maître.

316. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

C’est là un germe qu’a recueilli Aristote, et qu’il a développé non moins heureusement que son maître, bien qu’à un tout autre point de vue. […] Je crois qu’Aristote n’a pas examiné d’assez près la pensée de son maître. […] Il ne me reste plus qu’à comparer Aristote à ses trois émules, Descartes, Newton et Laplace, comme je l’ai déjà comparé à son maître. […] Il n’a point à le craindre de cette crainte qui ne convient qu’à l’esclave, puisque, par sa soumission, il peut s’associer à un père plutôt qu’à un maître. […] Mais, en morale, il est bien loin de son maître ; et il est sorti de ces régions sereines où pendant vingt ans il avait pu être guidé par lui.

317. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Si le traducteur ne met pas ici le même mot sous la même note, les modulations n’ont plus de raison d’être, et nous assistons à une de ces « orgies » qui dégoûtaient le maître. […] Les phrases sont ou platement banales, ou bien elles entassent des oripeaux de mélodrames sur la simple et sévère parole du maître ; laides, elles le sont toujours. […] — Et pendant ce temps, il paraît à Paris des douzaines de livres sur Wagner : nulle part on ne trouve une semblable surexcitation, un tel besoin de communiquer au public ses idées et ses appréciations sur ce maître. […] Hoffart serais premier monument public érigé en l’honneur du maître. […] Le mouvement étant plus rapide, l’intention du maître est certainement que les paroles soient chantées de façon identique.

318. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Ce grand maître, et Gérard, qui apprécia de bonne heure Léopold Robert et qui le servit toujours, lui conseillèrent de ne pas abandonner la peinture, même en continuant de graver. […] Il y avait d’un côté les tableaux des anciens, les maîtres, comme on disait ; de l’autre, la nature romaine et la vie elle-même dans son caractère grandiose et sa simplicité. Léopold Robert s’occupa beaucoup moins de regarder les maîtres que la nature : « Je cherche à suivre la nature en tout. David nous disait toujours que c’est le seul maître que l’on puisse suivre sans craindre de s’égarer. » Mais il se souvint de cet autre précepte de David : « qu’il ne faut pas voir la nature bêtement, et qu’il faut savoir trouver le beau ». […] Il me pardonnera dans tous les cas, je l’espère, d’avoir laissé trace de ce léger et si passager froissement, en faveur de l’hommage qui lui est ici rendu par un noble artiste près de tomber au milieu de sa course, et qui, même au moment où il cueillait sa dernière palme, le saluait du fond de l’âme comme le premier maître de notre âge et comme un ami.

319. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Il pensa à l’établir grandement et le fît duc et pair (1602) : il avait eu l’idée d’abord de le marier à une princesse de Suède ; ce projet n’ayant pas eu de suite, Rohan épousa la fille de Sully et devint le gendre de l’homme qui gagnait chaque jour en importance dans l’État et en crédit auprès du maître. […] En ce temps-là, on était apprenti aux divisions ; en celui-ci, tout le monde y est maître. » Et ce n’est point par intérêt personnel qu’il parle, dit-il, car « j’avais assez et trop de connaissance de la jalousie qu’il (Henri IV) portait à ceux de ma condition et religion, et connais bien que nous ne fûmes jamais plus considérables qu’à présent. » Mais cet intérêt qu’il a comme religionnaire et comme l’un des grands du royaume, il le met sous ses pieds un moment et le subordonne (ce qu’il ne fera pas toujours) à sa qualité de Français : Je regrette, s’écrie-t-il, en la perte de notre invincible roi, celle de la France. […] J’eusse bien plus estimé une louange de lui en ce métier, duquel il était le premier maître de son temps, que toutes celles de tous les capitaines qui restent vivants… Je veux donc séparer ma vie en deux, nommer celle que j’ai passée heureuse, puisqu’elle a servi Henri le Grand ; et celle que j’ai à vivre, malheureuse, et l’employer à regretter, pleurer, plaindre et soupirer. […] La méthode du premier, de cet artificieux Bouillon, c’est de se rendre nécessaire de tous côtés, de nouer avec tous, puis de retenir tous les fils dans sa main, et de rester, en fin de compte, le maître et le moyenneur des situations. […] Je ne refuserai jamais de mon maître les biens et les honneurs, ni de vous les offices d’un bon allié.

320. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Il est encore certaines Observations morales d’un anonyme qu’il aurait pu faire tirer à part, s’il l’avait voulu, et ne pas joindre à l’édition : c’est appeler la confrontation avec le maître du genre et compliquer le rôle d’éditeur. […] Gourville, l’homme entendu, était devenu le gouverneur et le maître des affaires du grand Condé, et il y avait remis l’ordre. […] On ne cite aucun mot du grand roi sur La Bruyère et sa libre tentative ; mais, à certain moment, sans nul doute, quand les courtisans émus en parlèrent devant le maître à Versailles, le front majestueux de Jupiter indiqua, par un léger signe, qu’il avait permis et qu’il consentait.. […] Si cependant, dans ce célèbre morceau du pâtre enrichi qui achète pour l’embellir la maison de ses maîtres, La Bruyère a songé à Gourville embellissant la capitainerie de Saint-Maur, il a un peu surchargé la description en vue du dramatique. […] On sent que l’auteur possède son sujet, et qu’il en est maître sans en être plein.

321. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Elles faisaient tout pour se contraindre et se tenaient à quatre aux heures de trêve, en répétant les conseils du divin Maître ; le lendemain, la lutte se rengageant de plus belle, elles ne pouvaient s’empêcher d’éclater. […] Ces out-law de la veille arrivaient à leur délivrance triomphante avec une force de détente et d’impulsion dont ils n’étaient pas maîtres, et proportionnée à la résistance, à la longue oppression qui avait pesé sur eux. […] Homme obscur, ignoré dans la république des lettres ; jeté, par cette force invisible qui maîtrise nos destinées, dans les agitations d’une vie errante et toujours malheureuse ; appelé, par un concours de circonstances extraordinaires, à des emplois redoutables, où le moment de la réflexion était sans cesse absorbé par la nécessité d’agir ; remplissant encore aujourd’hui des fonctions administratives, bien plus par l’amour de la justice et l’instinct du devoir que par la connaissance approfondie des principes sur lesquels nos grands maîtres ont établi l’art si difficile de l’administration publique ; demeuré, par une captivité longue et douloureuse, presque entièrement étranger aux nouveaux progrès que des savants recommandables ont fait faire à la science, mon premier devoir, Citoyens, est de faire ici l’aveu public de mon insuffisance, et de vous déclarer que tout ce que je puis offrir à cette Société respectable est l’hommage sincère, mais sans doute impuissant, de ma bonne volonté… » Et se voyant amené, par l’ordre des idées qu’il développait dans ce discours, à parler de la Révolution française, explosion et couronnement du xviiie  siècle, de « cette Révolution à jamais étonnante qui, déplaçant tout, renversant tout, après des essais pénibles, souvent infructueux, quelquefois opposés, avait fini par tout remettre à sa véritable place », il s’écriait, cette fois avec le plein sentiment de son sujet et avec une véritable éloquence : « La Révolution ! […] Il nous faut des maîtres plus sensibles qu’instruits, plus raisonnables que savants, qui dans un lieu vaste et commode, hors des villes, hors de l’infection de l’air qu’on y respire et de la dépravation des mœurs qui s’introduit par tous les pores, soient les égaux, les amis, les compagnons de leurs élèves ; que toute la peine, que tout le travail de l’instruction soit pour le maître, et que les enfants ne se doutent même pas qu’ils sont à l’école ; que dans des conversations familières, en présence de la nature et sous cette voûte sacrée dont le brillant éclat excite l’étonnement et l’admiration, leur âme s’ouvre aux sentiments les plus purs ; qu’ils ne fassent pas un seul pas qui ne soit une leçon ; que le jour, la nuit, aux heures qui seront jugées les plus convenables, des courses plus ou moins longues dans les bois, sur les montagnes, sur les bords des rivières, des ruisseaux ou de la mer, leur fournissent l’occasion et les moyens de recevoir des instructions aussi variées que la nature elle-même, et qu’on s’attache moins à classer les idées dans leur tête qu’à les y faire arriver sans mélange d’erreur ou de confusion. » Vous voyez d’ici le tableau idéal et enchanteur de toutes ces écoles primaires et rurales de la République française, où chaque enfant serait traité comme Montaigne, Rabelais ou Jean-Jacques ont rêvé de former et de cultiver leur unique élève.

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