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303. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Et dans l’épisode de la mort de Bégon, ces limiers fidèles qui s’acharnent éperdument au cadavre de leur maître, léchant ses plaies, brayant, hurlant et menant grand deuil ; ce qui fait dire aux assistants attendris : « Il faut que ce soit un bien gentil homme, puisque ses chiens l’aimaient tant !  […] Ce qui est certain, c’est qu’il possédait un talent original ; c’est qu’au milieu des polissonneries et des tours pendables où il se gaudissait et où il était maître, il avait l’étincelle sacrée. […] Louise Labé ne triomphait de ces duretés de ses maîtres et modèles que par deux ou trois éclairs d’une admirable flamme. […] Mais le danger, depuis quelques années, est celui-ci : les maîtres ont fait des disciples, ne nous en plaignons pas, mais les disciples sont nés trop au hasard. […] Ce style poétique si éclatant, si savant naguère, si ferme aux bons endroits sous la main des jeunes maîtres, s’est trouvé compromis de nouveau et remis en question, au moment même où il venait d’être reformé et recréé.

304. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Cette cohabitation dans une même personne de deux entités qui ne vont guère ensemble se faisait chez lui sans collision trop sensible, car le saint l’emportait absolument et régnait en maître. […] Je suçais tout ce que j’entendais dire à mon maître. […] Mon cadre d’enseignement fut dès lors arrêté ; tout ce que j’ai fait depuis en philologie est sorti de cette modeste conférence que l’indulgence de mes maîtres m’avait confiée. […] Ce n’est pas ma faute si mes maître m’avaient enseigné la logique, et, par leurs argumentations impitoyables, avaient fait de mon esprit un tranchant d’acier. […] Jésus a bien réellement toujours été mon maître.

305. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Nos grands maîtres ont parcouru en triomphe et jusqu’au bout toutes les routes qu’ils se sont ouvertes. […] L’espace nous manque pour une pareille dissertation, et d’ailleurs ces questions et beaucoup d’autres aussi importantes sont traitées de main de maître par M.  […] Il est temps de jeter un coup d’œil sur notre théâtre et d’examiner rapidement ce que nos grands maîtres en ont fait ; ce qu’on en fait aujourd’hui : ce qu’on peut en faire encore. […] Encore une fois, les maîtres de notre scène n’ont rien fait de complet par eux-mêmes dans les sujets modernes. […] Il rappelle, en reflets effacés, dans ses hémistiches tout faits, dans ses images parasites, dans sa banale phraséologie, ce qu’on a justement admiré dans les chefs-d’œuvre de nos grands maîtres, et il y a des gens lettrés qui lui savent gré de cela.

306. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

Le gouvernement de plusieurs n’est pas bon, a dit Homère lui-même ; qu’il n’y ait qu’un maître et qu’un roi ! […] Son intervention surtout au sein de la littérature du jour redevint manifeste et hautement avouée ; des hommes instruits, des écrivains élégants, et un bon nombre des plus distingués dans ce journal même98, reprirent en main la cause des maîtres au point où La Harpe l’avait laissée, et, la poussant plus avant, remirent en circulation auprès du public et du monde les noms et les exemples des Anciens dont ils s’étaient longtemps nourris. […] Les Shakspeare et les Dante, ces demi-dieux plus récents, n’y suppléeraient pas ; ils ont leur rouille ; ils ne sont maîtres à cet égard qu’incomplétement. […] Dans la même langue d’ailleurs on ne peut se choisir ses maîtres sans en approcher trop et s’y absorber ; c’est comme dans ces mariages de famille d’où il ne sort rien de vigoureux.

307. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

Sur les douze ou treize poètes et romanciers qui représentaient proprement la littérature à l’Académie française, l’imprudente satire respectait Corneille, parce que c’était Corneille, Racan, disciple de Malherbe, Gombauld, un maître artisan du sonnet ; elle faisait grâce à Godeau, évêque, à Bois-Robert, mourant, à Gomberville, qui faisait pénitence à Port-Royal de ses romans. Mais le reste avait nom Charpentier, Saint-Amant, Desmarets, Scudéry, Cotin, Chapelain ; et sauf Charpentier, jeune encore et de moindre renom, c’étaient les maîtres de la littérature d’alors. […] À ces académiciens, Boileau adjoignait Quinault, le maître de la tragédie doucereuse, puis la précieuse et raisonneuse Mlle de Scudéry, si experte à diluer en dix volumes d’un roman le mélange des aventures impossibles et des sentiments outre nature. […] L’évolution fut achevée, quand, aux environs de 1660, dans le jugement ou dans l’instinct de quelques grands écrivains et de leur public, la conciliation fut faite entre l’admiration des anciens, maîtres de l’art et guides du goût, et l’indépendance de la raison, plus confiante chaque jour en ses forces, et plus rebelle à toute autorité.

308. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Il me rappelle Gringalet, à qui son maître visitant le fameux portefeuille, tout plein de billets de banque, demandait : — Tu n’en a pas pris, au moins ? […] Maître de lui toujours, il ne se laisse jamais entraîner par sa propre effervescence. […] C’est elle qui donne aux poèmes de ce maître cette grande unité si rare dans les productions de l’esprit. […] Au contraire, les poèmes Védiques et Brahmaniques qui eurent lieu peu après, entremêlés de superbes paysages des îles et de tableaux d’animaux : Les Éléphants, le Condor, et cette terrible eau-forte, les Chiens, révélèrent un poète épris du néant par dégoût de la vie moderne ; ce qui n’empêcha pas le maître de donner bientôt toute sa mesure dans ce colossal livre des Poèmes barbares, études d’une couleur inouïe sur le Bas-Empire et le moyen âge.

309. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Cette admiration, indépendante du fond même, devenait aisément unanime chez tous ceux qui l’entendaient ; mais les preuves réitérées et diverses qu’il a données de sa puissance oratoire dans ces deux dernières années le classent définitivement parmi les maîtres de la parole. […] L’école ne fut ouverte que deux jours ; le commissaire de police vint la fermer, et les trois maîtres d’école (comme ils s’intitulaient) se virent traduits en police correctionnelle. […] Je demande pardon d’insister sur ces nuances, mais les anciens, nos maîtres en tout, et particulièrement en éloquence, y apportaient une minutieuse attention, et un grand orateur moderne a dit : « On a toujours la voix de son esprit. » Un esprit clair, net, ferme, généreux, un peu dédaigneux, marque tout cela dans sa voix. […] La plume, en effet, est le premier, on l’a dit4, le plus sûr des maîtres pour façonner à la parole.

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