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246. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

Avons-nous besoin de savoir exactement, par pieds, pouces et lignes, la mesure de ces esprits médiocres, relativement meilleurs que les autres dans leur temps parce qu’ils furent cultivés, et à qui leur temps paya leur culture en les faisant d’une académie ? […] Les patients, les pécheurs à la ligne de l’érudition maniaque, les curieux qui préfèrent les petites choses aux grandes, probablement parce qu’on les voit moins bien, s’acharnent quelquefois à tirer de l’oubli dans lequel ils gisent pour l’éternité tous ces morts littéraires ensevelis, et les histoires publiées par Livet sont particulièrement adressées à ces déterreurs.

247. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

En toutes choses, l’idéal est loin et recule, mais ici, il est si loin qu’il n’a plus besoin de reculer. » L’homme qui écrivait les lignes précédentes, en 1828, dans un des recueils périodiques les plus estimés de l’Angleterre, devait plus tard devenir lui-même un historien, et il serait piquant de savoir si, quand il écrivait ainsi, il pensait déjà à le devenir, et s’il ne méritait pas qu’on lui appliquât le mot de Pope sur Addison : « Addison — disait Pope — ressemble à ces sultans d’Asie, qui ne croient jamais régner en sûreté qu’après avoir fait périr tous leurs frères. » En décapitant tous les historiens d’un seul revers de plume, Macaulay songeait-il à se préparer un royaume ? […] Voilà pourtant ce qu’est devenu un homme qui pensait, observait et remuait des faits autrefois, et qui semblait organisé pour autre chose que pour pêcher à la ligne, dans l’Histoire, une idée qu’il avait commencé par y mettre — comme on met du poisson dans un étang — pour l’y retrouver.

248. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

On établit une ligne injuste et fatale entre le fils du maître et l’étranger. […] Lacombe, qui a le sens pratique fort exercé, ne relève pas l’institution tout entière pour l’imposer dans son ensemble inflexible à une situation nouvelle, il se contente de tracer quelques grandes lignes que les circonstances pourraient même encore modifier.

249. (1911) Études pp. 9-261

Sous cette couleur tranquille il faut voir enfin les lignes délicieuses qui se dévident. […] Le dessin d’Ingres est fait de quelques lignes parfaites. […] Le crayon suit avec volupté la close ligne de sa perfection. […] Elle est une ligne sans ombres. […] Rien qu’une ligne pure, rien que les faits terribles énoncés les uns après les autres.

250. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Théophile Gautier, face lourde, les traits tombés dans l’empâtement des lignes, une lassitude de la face, un sommeil de la physionomie, avec comme les intermittences de compréhension d’un sourd, et des hallucinations de l’ouïe qui lui font écouter par derrière, quand on lui parle en face. […] Et je suis très embêté, parce que, avec ça, j’adore la ligne et Ingres… Mon opinion sur Molière, vous voulez l’avoir, sur Molière et Le Misanthrope. […] Eh bien, nos corps à nous, nos corps d’anémiés, avec leur échine voûtée, le dandinement des bras, la mollesse ataxique des jambes, n’ont ni la grande ligne de l’antique, ni le caprice du xviiie  siècle, et se développent d’une manière assez mélancolique sous le drap noir étriqué. […] cette agonie monotone et sans événement, écrite sur le vif des souffrances, ce serait une bien belle étude que personne ne fera, parce qu’un rien de succès, l’éditeur trouvé, quelques cents francs gagnés, quelques articles à cinq ou six sous la ligne, votre nom connu par un millier de personnes que vous ne connaissez pas, deux ou trois connaissances, un peu de réclame, vous guérissent du passé et vous versent l’oubli… Elles vous semblent si loin, ces larmes dévorées, ces misères, aussi loin que votre jeunesse. […] Ludovic Halévy : « Monsieur, Prévost-Paradol écrivain, vous appartient ; mais je n’ai pu lire, sans étonnement et sans tristesse, ces lignes signées de vous sur la longueur de son torse et sur son nez de comique.

251. (1894) Textes critiques

. — Elle étonne par la perfection de ses tons rares — mais j’aime mieux les lignes nues des arbres, mers ou cimetières de Seguin, et que Filiger envoie de lui seul, figure ou paysage. ‌ […] Et la rampe étant une série de points lumineux, c’est-à-dire une ligne s’étendant indéfiniment, par rapport à l’étroitesse de la face de l’acteur, à droite et à gauche de l’intersection de son plan, on doit la considérer comme un seul point éclairant, situé à une distance indéfinie, comme si elle était derrièrele public.‌ […] Cela compense peu le ridicule du profil et l’inesthétique de la marche, la ligne estompée à tous les musclés par le tissu adipeux — odieux parce qu’il est utile, générateur du lait.‌ […] Fargue rend compte en quelques lignes de son travail dans : Essais d’art libre de janvier 1894 pp. 286 — 287 (NdE) 2. […] Charbonnier est un des peintres dont Jarry aura, quantitativement — (quinze lignes !)

252. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Sa ligne de conduite à la Chambre, du moment qu’il y fut entré sous Louis-Philippe en 1834, jusqu’en février 1848, fut d’un homme vraiment nouveau qui ne se rangeait sous le drapeau d’aucun des anciens partis et qui cherchait à en former un à son image, ce à quoi il n’a pas encore réussi. […] On a pu sourire et plaisanter des petits alinéas de M. de Girardin, mais ici, dans cet article qui était une action, chaque phrase, chaque ligne, chaque mot portait et faisait programme et ralliement pour les honnêtes gens et les bons citoyens. […] De là à des voies de fait contre la propriété et les personnes, il n’y avait qu’un pas, une ligne à franchir.

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