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191. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

« Je prends la liberté de vous adresser cette lettre chez Mme la comtesse d’Albany, faute d’avoir votre adresse directe : j’espère qu’elle voudra bien me le pardonner. […] Si cet exemplaire, qui vous était destiné, vous parvient enfin, je prendrai la liberté de vous le demander pour le faire passer à Naples à la place de celui-ci. […] Une seule ressemblance rapprochait les deux époques : la liberté individuelle n’avait pas encore de garanties. […] Dieu sait ce qui viendra ensuite, si ce sera le partage de la France, ou la guerre civile, ou le despotisme, ou l’anarchie, ou enfin la paix et la liberté, que les proclamations du jour feraient espérer. […] Certainement, si la liberté est une chose négative, il ne s’y fait aucun mal quelconque ; mais où est l’émulation, où est le mobile de la distinction dans les hommes ?

192. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Rousseau banni adressait à ses protecteurs des odes composées au jour le jour, sans unité d’inspiration, et que n’animait ni l’esprit du siècle nouveau ni celui du siècle passé, en 1729, à l’hôtel de Conti, naissait d’un des serviteurs du prince un poëte qui devait bientôt consacrer aux idées d’avenir, à la philosophie, à la liberté, à la nature, une lyre incomplète, mais neuve et sonore, et que le temps ne brisera pas. […] Au lieu de négliger simplement les salons littéraires et philosophiques, pour vaquer avec plus de liberté à son génie et à sa gloire, il les attaqua en toute occasion, sans mesure et en masse. […] Patriotisme, adoration de la nature, liberté républicaine, royauté du génie, telles sont les sources fécondes et retentissantes auxquelles Le Brun d’ordinaire s’abreuve. […] Quant à la liberté, elle eut toujours ses vœux, soit que dans les salons de l’hôtel de Conti, sous Louis XV, il s’écrie avec une douleur de citoyen : Les Anténors vendent l’empire, Thaïs l’achète d’un sourire ; L’or paie, absout les attentats. […] Purgeons le sol des patriotes, Par les rois encore infecté : La terre de la liberté Rejette les os des despotes.

193. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Sa passion pour la liberté politique. —  Comment il est l’orateur et l’historien du parti whig. —  Essais sur la Révolution et les Stuarts. […] Depuis les deux révolutions, le protestantisme, allié à la liberté, a paru la religion de la liberté, et le catholicisme, allié au despotisme, a paru la religion du despotisme ; les deux doctrines ont pris, toutes les deux, le nom de la cause qu’elles avaient soutenue. […] Tous ces biens sont perpétuellement présents à ses yeux ; et quiconque attaque la liberté qui les fonde devient à l’instant son ennemi. […] Telle est cette déesse qu’on nomme la Liberté. […] La Liberté qui est donnée à la conscience est donnée de la façon la plus capricieuse.

194. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Affranchissement des règles et des traditions, « liberté », c’est-à-dire spontanéité absolue. […] D’un côté, l’individu n’ayant plus, pour exercer sa liberté, les solitudes primitives, la collectivité doit s’en rendre maîtresse. […] Nihilisme que Rousseau exerce en rongeur morose, qui après lui, réclamera le laisser aller universel, des choses humaines sous le nom de liberté. C’est un beau cri que « liberté » entre les murs d’une prison ou sous le poing du conquérant. […] Et ne faut-il pas être haussé jusqu’à cette perfection, dans un « système » qui considère la « liberté absolue de l’être moral comme son premier bien ».

195. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Finances, liberté des cultes, éducation publique, diplomatie, telles étaient ses larges sphères d’action dans l’Assemblée. […] Sa seule présence à Paris était une réaction ; elle y symbolisait le retour à l’aristocratie révolutionnaire, à la liberté intellectuelle, à la paix possible entre la république et l’Europe. […] Il croit la liberté un meilleur gardien des frontières de la France que l’annexion. […] L’alliance libérale rêvée en 1789 par Mirabeau, M. de  Talleyrand et les grands patriotes anglais, pour l’expansion de la philosophie et de la liberté dans le monde, est noyée dans des ressentiments implacables ; Bonaparte les résume dans son nom. […] M. de Talleyrand, maître par ce seul mot des convictions au dedans et au dehors, n’eut qu’à ménager, par son habileté, la transition de la révolution à la légitimité, de l’invasion à la paix, du despotisme à la liberté représentative.

196. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Pesons-en chaque expression cela vaut mieux que de revendiquer quelque vaine liberté dont Malherbe et Boileau n’auraient pas eu de souci. En fait d’art, comme en fait de morale, il est bien plus pressant de venir en aide à la discipline, à laquelle notre instinct nous soustrait sans cesse, qu’à la liberté, qui n’est que trop portée à se faire sa part. […] Racan ne nous eût-il pas donné ce détail, nous l’aurions pu deviner d’après le caractère même des poésies de Malherbe, dont la principale beauté est un mélange d’autorité et de liberté philosophique. […] C’est l’accord, dans de magnifiques vers, de l’esprit de discipline et de l’esprit de liberté. […] Le propre de sa discipline n’est pas de réduire ou de contraindre cette liberté ; c’est bien plutôt de la sauver des servitudes de l’imitation, de la mode, de l’humeur particulière, et de rendre le poëte à lui-même.

197. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Ces vaines caresses qu’on fait à ma liberté me séduisent d’abord ; c’est par mil vanité que Montaigne veut me gagner à son doute, et je suis près de m’y laisser prendre. […] La liberté intérieure dont nous dote Montaigne est un leurre ; il faudrait qu’il y pût joindre sa condition, pour qu’elle nous contentât, ou plutôt pour qu’elle ne nous fût pas funeste. […] Mais ni la rigueur n’en est assez concluante pour la raison, ni la liberté assez complète pour l’imagination. […] Le sens de ce grec francisé est transparent : Agnoste, inconnu ; Aléthée, vérité ; Éleuthère, liberté. Vérité liberté, c’est une belle devise pour Paris.

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