Tristement célèbre à nos yeux par ses trois premières intendances, surtout par celle du Béarn, à titre de persécuteur et de convertisseur des protestants, il s’honora dans celle de Caen, où il ne demeura pas moins de dix-sept années, par sa bonne administration, ses règlements utiles, son goût pour les antiquités curieuses, pour les lettres, et par sa bienveillance envers ceux qui les cultivaient. […] Non pas qu’il ait rédigé ses Mémoires ou son Journal dans le moment même où il agissait et administrait : il paraît n’y avoir songé que tard et après sa retraite des intendances ; mais il a rédigé ses notes sur pièces, à mesure que, dans la révision qu’il faisait de ses papiers, chaque lettre, chaque copie ou minute lui tombait sous la main et fixait ses souvenirs. […] Une lettre de Colbert (18 octobre 1680) dictait à Foucault sa ligne de conduite ; mais celui-ci n’avait pas besoin d’y être poussé : « Sa Majesté, était-il dit dans cette lettre que Colbert écrivait sans doute à contre-cœur, m’a ordonné de déclarer aux fermiers qu’elle voulait qu’ils les révoquassent (les commis qui étaient de la Religion) ; elle leur a donné seulement deux ou trois mois de temps pour exécuter cet ordre, et Sa Majesté m’ordonne de vous en donner avis et de vous dire, en même temps que vous pourriez vous servir de cette révocation et du temps qu’elle ordonne, pour les exciter tous à se convertir, Sa Majesté étant convaincue que leur révocation de leur emploi peut beaucoup y contribuer. » C’était la morale administrative avouée en ce temps là ; Foucault l’affiche et la professe avec la plus grande ingénuité dans ce Journal, écrit pourtant dans les premières années du xviiie siècle et sous la Régence. […] « J’ai lu au roi la lettre que vous avez pris la peine de m’écrire pour demander des troupes pour essayer d’obliger les religionnaires de votre département à se convertir ; Sa Majesté m’a commandé de vous faire savoir qu’elle ne juge pas présentement de son service de vous en envoyer. » Il y eut bien des va-et-vient dans cette affaire de la Révocation, il y eut des flux et des reflux.
Un seul reçut l’agrément pontifical (encore, était-ce avant la lettre). […] Sous le manteau des lettres s’établit entre eux l’une de ces amitiés solides qui ne se dénouent qu’avec la mort. […] S’il est vrai que l’expérience seule peut conduire à sa ruine l’aventurier téméraire de l’arcane, il n’en est pas moins vrai que la science transmise resterait lettre morte sans l’expérience. […] Le manque de charité chrétienne est le signe tellement distinctif des panégyristes de l’Église à cette époque que le Petit Bottin des Lettres et des Arts, paru chez Giraud en 1886, en traçait le schéma suivant au mot Catholiques : Charles Buet […] René Martineau : Un vivant et deux morts (Biblioth. des Lettres françaises), Paris, 1914.
L’historien politique juge les hommes et les événements, l’historien des lettres ou des arts juge les œuvres, l’historien de la philosophie juge les systèmes. […] Ainsi se sont développées, d’abord sous forme de chapitres, par exemple dans les écrits de Voltaire, puis comme œuvres distinctes et séparées, l’histoire des institutions, l’histoire des mœurs, des controverses religieuses, des lettres, des arts, des sciences, enfin des systèmes de philosophie. […] C’est à la philosophie de le décider ; mais, cette question mise à part, les systèmes subsistent à titre de faits où se manifestent bien plus que dans l’histoire extérieure, et même que dans l’histoire des lettres et des arts, les lois du développement intellectuel de l’humanité. […] Un illustre érudit du xviiie siècle, le chef de l’école de Leyde, Tibère Hemsterhuys, se plaignait que de son temps « l’histoire de la philosophie, cette matière si riche des recherches savantes, n’eût pas encore attiré les études de la critique, qu’elle fût livrée à des compilateurs sans génie et sans lettres, qui ne connaissaient les philosophes anciens que par de vicieuses traductions, et qui tiraient d’une lecture superficielle un résumé aride et sans intelligence37. » Il y a un siècle à peine que ces paroles ont été prononcées. […] Willm38, et tant d’autres œuvres importantes que je ne puis citer, sans parler des traductions, des commentaires, des monographies surtout, dont la gloire revient à la Faculté des lettres de Paris, à laquelle on a reproché quelquefois de rester attardée dans les voies d’une érudition surannée, tandis qu’il n’est pas une des branches nouvelles de la critique qu’elle n’ait encouragée et récompensée dans les travaux du doctorat.
Avec de l’esprit, de l’imagination, une finesse de tact & la connoissance du monde, qui percent dans ses Romans les plus médiocres, M. de Crébillon auroit pu enrichir la République des Lettres par des travaux estimables. […] Aussi ses Lettres de la Marquise de ***, les Egaremens du cœur & de l’esprit, sont-ils mieux écrits & plus agréables que ses autres Romans.
Son Traité des Etudes, plein de réflexions justes, délicates & solides, est le Livre le plus propre que nous connoissions à inspirer l'amour de la vertu & le goût des Lettres. […] Quand on a consacré ses travaux à l'instruction de la Jeunesse, formé des Disciples à l'amour de l'étude, de la Religion & de la Patrie, on a des droits assurés à la reconnoissance des Gens de Lettres & des bons Citoyens.
Elle réunit et ceux d’entre vous, Messieurs, qui, animés d’une certaine flamme, dont se préservent malaisément les esprits qu’a une fois touchés le génie des lettres, ne se contentent pas de vouloir le bien, et qui aspirent au mieux ; qui sans doute auraient tenu à réaliser d’un coup leur idéal de propriété intellectuelle, qui continuent d’y croire et de le contempler dans le lointain, mais qui en même temps ne sont pas assez excessifs pour dire : Tout ou rien, pour renoncer à ce qui est offert, à ce qui est possible, pour ne pas s’en tenir satisfaits d’ici à un assez long temps. […] Mais ce ne serait pas assez dire, Messieurs, à l’appui de la loi qui vous est soumise, et le rapporteur de votre Commission, homme de lettres lui-même, vous demande de vouloir bien lui permettre d’insister sur un ou deux points de vue. […] « Sans doute, disait M. le président trop long, l’œuvre de la pensée est la plus personnelle de toutes ; mais, tandis que le mari était occupé à ses compositions, la femme se dévouait aux soins du ménage, à l’éducation des enfants : chacun d’eux a donc mis à la masse commune sa part. » Et qu’il soit permis à l’homme de lettres célibataire d’ajouter quelques mots sur la condition de l’homme de lettres marié. Longtemps on a cru qu’il y avait sinon incompatibilité, du moins médiocre convenance entre la condition de l’homme de lettres ou de l’homme d’étude et l’engagement étroit du mariage. […] Le rôle de mari de femme de lettres, de femme artiste, est sans doute délicat à porter : La gloire d’une épouse est un pesant fardeau.
Dirait-on que la carrière des lettres détourne l’homme, et de ses devoirs domestiques, et des services politiques qu’il pourrait rendre à son pays ? […] Les poètes, les moralistes caractérisent d’avance la nature des belles actions ; l’étude des lettres met une nation en état de récompenser ses grands hommes, en l’instruisant à les juger selon leur valeur relative. […] Ce qui permet aux guerriers de jeter quelque dédain sur les hommes de lettres, c’est que leurs talents ne sont pas toujours réunis à la force et à la vérité du caractère. […] L’éloquence, l’amour des lettres et des beaux-arts, la philosophie, peuvent seuls faire d’un territoire une patrie, en donnant à la nation qui l’habite les mêmes goûts, les mêmes habitudes et les mêmes sentiments. […] S’il aime la liberté, si ce nom de république, si puissant sur les âmes fières, se réunit dans sa pensée à l’image de toutes les vertus, quelques Vies de Plutarque, une Lettre de Brutus à Cicéron, des paroles de Caton d’Utique dans la langue d’Addison, des réflexions que la haine de la tyrannie inspirait à Tacite, les sentiments recueillis ou supposés par les historiens et par les poètes, relèvent l’âme, que flétrissaient les événements contemporains.