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2211. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Les grandes, les originales œuvres, dans quelque langue qu’elles existent, n’ont jamais été écrites en style académique. […] Mercredi 28 juillet Un jeune Japonais, auquel on demandait la traduction d’une poésie, s’arrêta, l’autre jour, au beau milieu de son travail, en s’écriant : « Non, c’est impossible de vous faire comprendre cela, avec les mots de votre langue, vous êtes si grossiers !

2212. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Il avait pris ses filles pour secrétaires, et leur faisait lire des langues qu’elles n’entendaient pas, tâche rebutante dont elles se plaignaient amèrement. […] Milton lui répondit du même style : il l’appela « histrion, charlatan, professeur d’un sou455, cuistre payé, homme de rien, coquin, être sans cœur, scélérat, imbécile, sacrilége, esclave digne des verges et de la fourche. » Le dictionnaire des gros mots latins y passa. « Toi qui sais tant de langues, qui parcours tant de volumes, qui en écris tant, tu n’es pourtant qu’un âne. » Trouvant l’épithète jolie, il la répéta et la sanctifia : « Ô le plus bavard des ânes, tu arrives monté par une femme, assiégé par les têtes guéries des évêques que tu avais blessés, petite image de la grande bête de l’Apocalypse !  […] Quelle que fût la langue où il écrivît, anglaise, italienne ou latine, quel que fût le genre qu’il touchât, sonnets, hymnes, stances, tragédies ou épopées, il y revenait toujours.

2213. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Au contraire, une langue est un produit de l’usage. […] Il faudrait alors, en toute rigueur, une expression directe du mouvement et de la tendance ; mais si l’on veut encore — et il le faut bien — les traduire dans la langue du statique et de l’immobile, on aura des formules qui frôleront la contradiction. […] Si radicale que soit alors la différence entre le civilisé et le primitif, elle tient uniquement à ce que l’enfant a emmagasiné depuis le premier éveil de sa conscience : toutes les acquisitions de l’humanité pendant des siècles de civilisation sont là, à côté de lui, déposées dans la science qu’on lui enseigne, dans la tradition, dans les institutions, dans les usages, dans la syntaxe et le vocabulaire de la langue qu’il apprend à parler et jusque dans la gesticulation des hommes qui l’entourent.

2214. (1927) Des romantiques à nous

Nul n’aurait compris que la musique de la garde républicaine se dérangeât pour cela, ni que M. le Président de la République ou M. le Président du Conseil y prissent part personnellement. « Centenaire du romantisme » viole quelque peu la bonne langue et le rapport exact des idées. […] Quant au « spiritualisme », c’est un terme si vague, et qui désigne des doctrines si différentes et si inégales, qu’il devrait être exclu d’une bonne langue. […] L’esprit français est un par l’unité de la langue et de la forme, par la commune culture classique. […] Il n’y en a pas de plus sûre preuve que la chute réservée aux plus grands, quand fantaisie leur prend de chanter en langue étrangère.

2215. (1902) Propos littéraires. Première série

Mais quand on fait un roman de poète, il faut supprimer le milieu, comme nous disons dans notre mauvaise langue ; car le milieu, c’est-à-dire les personnages secondaires qui font le fond du tableau, c’est la réalité ; et ils ne peuvent appartenir qu’à la réalité. […] Il en monte un vieux missionnaire français, ne parlant plus qu’avec difficulté sa langue maternelle. […] Les uns sont exclusivement destinés à relier les cellules en masses compactes et cohérentes et sont par eux-mêmes amorphes et indifférents ; ce sont l’origine, le territoire, l’opinion, la religion, la sociabilité, les traditions, la langue. […] Et (quoique le traducteur écrive : « Cet art, malgré qu’il reposât… » ce qui est fâcheux) comme ce livre, en français, est d’une excellente langue ! […] Il n’y a pas que les habitants en France qui parlent le français ; les choses elles-mêmes, les feuilles des arbres, l’eau de la rivière, savent la langue du pays.

2216. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Et quand l’écuyer a tout dit, et la soumission inattendue des quatre rois, et leurs façons étranges, et la peine qu’il eut, lui Henri Crystède, qui savait leur langue et avait été attaché à leurs personnes, à leur enseigner les belles manières et les bienséances indispensables ; quand il les a montrés apprivoisés peu à peu et amenés à se laisser faire chevaliers de la main du roi Richard en l’église cathédrale de Dublin, puis dînant ce jour-là avec le roi ; et après qu’il a ajouté que c’était chose très intéressante et qui eût été pour Froissart tout à fait neuve à regarder : « Henri, répond Froissart, à qui l’eau est venue à la bouche d’un tel récit, je le crois bien et voudrois qu’il m’eût coûté du mien et que j’eusse été là. » C’est absolument comme quand Saint-Simon, à une certaine scène de cour (le mariage de Mlle d’Orléans avec le duc de Berry), en un moment où toutes les intrigues et les cabales étaient en jeu, nous dit : « Je n’ai point su ce qui se passa chez elle (la duchesse de Bourbon, une des ennemies) dans ces étranges moments, où j’aurais acheté cher une cache derrière la tapisserie. » Pour Froissart, qui est d’une curiosité moins compliquée et moins dévorante, ce n’est jamais derrière la tapisserie qu’il désirerait se cacher, mais bien être dans quelque coin d’où il pût voir à l’aise le devant du spectacle et de la cérémonie.

2217. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Bayle qui, le premier, a rendu dans notre langue les livres d’érudition agréables et la critique lisible.

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