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28. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

comme sa bonté et sa justice sont mis à l’abri de toute objection ! […] Je demande comment Dieu, dans sa bonté et dans sa justice, a pu permettre que les hommes pèchent. […] Bien plus, elle multiplie les objections, et devient elle-même un problème beaucoup plus obscur que le problème primitif ; c’est un abîme où toute idée de justice et de responsabilité va s’engloutir. […] J’admets une justice surhumaine, c’est-à-dire une justice plus juste que la mienne, et qui pèse dans des balances infiniment délicates ce que je ne puis peser que dans des balances grossières, une justice qui se confond avec la miséricorde, et qui ne fait pas payer aux hommes le péché d’être né ; mais quant à cette justice qui punit les innocents pour les coupables et qui déclare coupable celui qui n’a pas encore agi, c’est la vendetta barbare, ce n’est pas la justice des hommes éclairés. Elle n’est pas au-dessus de mon idée de justice, elle est au-dessous.

29. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Le christianisme qui, en promulguant le dogme d’égalité, de justice et d’amour, aurait dû changer la politique romaine a eu peu d’influence jusqu’à ces derniers temps sur les institutions sociales des peuples. […] Mais de la conscience privée le christianisme devait finir par s’élever dans la conscience publique par l’universalisation de ses principes de justice réciproque. […] « 2º La justice qui donne », dit Confucius en l’expliquant, « à chaque citoyen de la société ou de l’empire ce qui lui revient légitimement sans favoriser ni déshériter personne de sa part de droits. […] Le droit moral, c’est-à-dire la justice, lui conférait également l’autorité préalable et naturelle. […] … Magnifique solidarité entre les hommes nés et à naître et entre Dieu, justice et providence de toute cette famille humaine !

30. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Réformes dans la justice et l’administration. […] Puis ce sera la veuve Montbailli (1770), le comte de Morangiès (1773), deux victimes de la justice inégalement intéressantes. […] Par la bruyante publicité qu’il donnait à toutes les erreurs de la justice, Voltaire contribua plus que personne à la réforme de la procédure ; il fit éclater à tous les yeux les vices du système, il les rendit intolérables. A ses vieux griefs contre les Parlements jansénistes s’ajoutait une haine humanitaire contre les traditions surannées de ces corps, contre leur légèreté, leur présomption, contre leur égoïste indifférence, et la préférence qu’ils donnaient à leurs intérêts collectifs sur l’intérêt de la justice ou des particuliers : aussi applaudit-il des deux mains au coup d’État de Maupeou, à l’institution des nouveaux Conseils qui promettaient une justice plus rapide, plus sûre, plus humaine. […] Il y voulait plus de justice, parce que son esprit était choqué d’un manque de justice comme d’un manque de logique.

31. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VII. Le théâtre français contemporain des Gelosi » pp. 119-127

. — Nous sommes gens de justice, disent-ils. — Comment ! de justice ! […] Ceux qui sont de justice doivent faire ceci, doivent faire cela, et vous faites ceci et cela (décrivant naïvement en son patois toute la corruption de la justice du temps présent).

32. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVI, les Érynnies. »

» — Et Prométhée leur répond : — « Les trois Parques et les Érynnies à la mémoire fidèle. » — Héraclite, cité par Plutarque, disait que « si le Soleil s’avisait de franchir les bornes qui lui sont proscrites, les Érynnies, agents de la Justice, sauraient bien lui faire rebrousser chemin. » — Dans l’Iliade, Xanthos, un des chevaux divins d’Achille, prend une voix humaine pour prédire sa mort au héros rentrant dans la guerre de Troie : mais les Érynnies, indignées de cette violation des lois naturelles, accourent aussitôt, et font taire impérieusement l’animal qui ose usurper la parole réservée aux hommes. […] Certes, rien de plus tutélaire, au fond, que cette justice implacable. […] Ce n’est point sans raison que Dante fait dire à la Porte de son Enfer : — « La Justice anima mon grand architecte ; je fus faite par la divine Puissance, la suprême Sagesse et le premier Amour. » Giustizia mosse il mio alto Fattore : Fecemi la divina Potestate, La somma Sapienza e il primo Amore. […] Or la conscience humaine, éclairée et améliorée, protestait contre les expiations barbares du passé ; l’idéal qu’elle se faisait de la vraie justice n’était plus d’accord avec les sauvages représailles personnifiées par les Érynnies.

33. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre viii »

Les protestants, de leur côté, disent que la vraie tradition de la Réforme est en France, que le salut de la France, c’est le salut du protestantisme, et le Comité protestant de propagande française, dans sa « Réponse à l’appel allemand aux chrétiens évangéliques de l’étranger », déclare : « Nous sommes résolus à marcher cœur à cœur avec nos frères d’Angleterre, et coude à coude avec nos amis d’Amérique, de la Suisse romande, de Hollande, des Pays scandinaves, ayant la certitude de représenter avec eux la tradition la plus pure de la Réforme du xvie  siècle, cette qui entend unir toujours plus étroitement à la pitié évangélique la pratique de la justice, le respect de l’indépendance d’autrui et le souci de la grande fraternité humaine ». […] Il affirme la même vérité générale : il n’y a pas de justice. Et contre la justice ses sarcasmes abondent. […] Et quand le nôtre cherche des formes d’harmonie avec Fourier, on de justice avec Proudhon, les Marxistes se rient de ce « verbiage utopique ».‌

34. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Les Grands Jours supposaient un état de choses où la féodalité avait encore ses usurpations et ses licences, où elle se riait de la justice locale et la bravait, et où il fallait que le roi, protecteur de tous, étendît le bras pour rétablir le niveau de l’équité. Le roi alors nommait un tribunal extraordinaire exerçant une justice souveraine ; les lettres patentes qui conféraient aux juges-commissaires cette pleine autorité étaient soumises à la formalité de l’enregistrement, et rien ne manquait à l’appareil de ce parlement improvisé et sans appel. […] M. de Caumartin nous représente, dans ces Grands Jourss de Clermont, l’homme éclairé, un magistrat de cour, probe, poli, non pédant, sans passion ni prévention, humain et toujours prêt à graduer la justice, à l’adoucir sans l’énerver. […] Je ne sais pas encore quelle sera la charge que produira contre lui sa partie ; mais enfin voilà un assez grand témoignage que la justice se fait ici sans discernement. » (Correspondance administrative sous le règne de Louis XIV, 1851, tome ii, page 165.) […] Le Novion de Fléchier prépare et présage à merveille celui de Saint-Simon. — La justice oblige toutefois à remarquer que Saint-Simon avait ses motifs pour ne pas bien traiter de Novion.

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