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416. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Tantôt c’est dans le jardin des Tuileries (en décembre 1605) qu’il reçoit l’archevêque de Vienne, Pierre de Villars, qui vient lui apporter les doléances du Clergé, et il lui répond avec nerf et à propos sur un sujet dont il est plein : tantôt c’est au moment où il est à jouer avec ses enfants dans la grande salle du château de Saint-Germain (3 novembre 1599) qu’il voit entrer les députés du parlement de Bordeaux, et il va à eux en leur disant : « Ne trouvez point étrange de me voir ici folâtrer avec ces petits enfants ; je sais faire les enfants et défaire les hommes. […] Dans l’un de ces premiers voyages à l’armée auprès du roi, pendant le siège de Rouen, en 1591, Henri, oubliant la gravité, se plaît à harceler le respectable président, cet homme de robe longue, et à se jouer de ses peurs en le voulant emmener aux tranchées : Je le refusai, dit Groulard, comme n’étant de la profession des armes ; (alléguant) qu’aussi bien je ne pourrais dire si elles étaient bien ou mal faites, et que s’il arrivait que je fusse blessé, je ne servirais que de risée et moquerie à ceux de dedans. […] Fallait-il pas qu’elle jouât d’étranges personnages pour tromper les uns et les autres, et cependant garder comme elle a fait ses enfants, qui ont successivement régné par la sage conduite d’une femme si avisée ?

417. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Je me souviens d’avoir lu un discours prononcé ex cathedra à Cambridge (1844), dans lequel l’orateur, s’emparant contre lui de son étendue et de son impartialité même, l’appelait égoïste, faux, méchant, traître, un homme « qui se jouait avec sang-froid de la paix et de la vertu d’autrui, et qui jouissait du haut de sa sérénité de voir les ruines qu’il avait portées dans les cœurs assez simples pour se confier au sien. » Les Pharisiens de tout temps, les hommes de secte et de parti sont bien les mêmes, qu’ils soient de Cambridge, ou de l’ancienne Sorbonne, ou d’un salon à la mode voisin de la sacristie. […] Gœthe, à ses débuts, est un homme du xviiie  siècle ; il a vu jouer dans son enfance le Père de Famille de Diderot et les Philosophes de Palissot ; il a lu nos auteurs, il les goûte, et lorsqu’il a opéré son œuvre essentielle qui était d’arracher l’Allemagne à une imitation stérile et de lui apprendre à se bâtir une maison à elle, une maison du Nord, sur ses propres fondements, il aime à revenir de temps en temps à cette littérature d’un siècle qui, après tout, est le sien. […] Entre son fils, sa belle-fille, ses deux petits-enfants qui jouent avec lui, il cause sur les sujets les plus élevés.

418. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Puis on se mit à faire jouer tous les ressorts pour réussir dans cette concurrence de princesses. […] Sur la reine Marie-Leckzinska, y revenant à deux reprises et marquant tous les devoirs qu’il faudra que la dauphine remplisse envers elle avec exactitude, il satisfait d’ailleurs et tranquillise l’orgueil saxon en ajoutant que ce n’est que pour la forme et la bienséance : « Car cette princesse, je l’ai déjà dit, ne peut rien et n’a pas assez de génie pour pouvoir quelque chose. » Tous ces succès le mettent, on le conçoit, en belle humeur et en gaieté ; il joue avec le ministre de son frère, le comte de Bruhl, dont il n’avait pas toujours eu à se louer ; il le raille en passant, et faisant allusion aux conditions politiques très peu onéreuses que Louis XV mettait au mariage : « Il ne tient donc plus qu’à vous, écrivait-il, de conclure l’affaire qui est grande, belle et magnifique, et aura des suites encore plus grandes ; mais, pour l’amour de Dieu, concluez et n’apportez ni délais ni difficultés. […] Toutes ces lettres de Maurice passent par les mains du comte de Bruhl, avec qui il continue de jouer comme avec un gentil épagneul et un lutin espiègle : il faut croire que le physique du ministre y prêtait.

419. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

On y recevait la meilleure compagnie de Paris ; on y jouait la comédie. Préville y avait son rôle, tout en faisant répéter les autres, et, pour premier précepte à ses camarades de société, il voulait, quand on avait à jouer le soir, qu’on s’habillât dès le matin, pour donner des plis à ses habits (c’était son mot) et ne point paraître neuf et emprunté. Il en résultait que les aimables hôtes de Verberie couraient en costume dès le matin, au grand étonnement des paysans qui regardaient par-dessus la baie, et ils avaient l’air de jouer la bergerie tout le jour.

420. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Si j’en parle ici, c’est parce que je dois relever la méprise des écrivains qui ont confondu des sociétés si différentes, à l’occasion de la Phèdre de Racine, jouée pour la première fois le 1er janvier 1677. Deux jours après la première représentation de cette pièce, Pradon fit jouer celle qu’il avait composée sur le même sujet. […] Et cependant seize années après elle en avait encore des souvenirs déplaisants, en voyant jouer Esther (1689), à Saint-Cyr, par les jeunes élèves de cette maison.

421. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Nous jouons quelquefois aux cartes dans les longues soirées d’hiver, mais c’est comme on joue aux échecs, non pour l’argent, mais pour l’honneur ou pour le plaisir de se battre l’un l’autre. Ce ne sera pas tout à fait une nouveauté pour vous, car vous pouvez vous rappeler que nous jouions ensemble de cette manière durant l’hiver à Passy.

422. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Élevé dans la ville d’Ouglitch, qui lui avait été donnée en apanage, près de sa mère et de ses oncles, ayant sa petite cour, ses pages ou menins pour le divertir, et probablement des espions pour l’observer, il fut, un jour, trouvé percé d’un couteau à la gorge dans l’enclos où il jouait, sans qu’on ait pu savoir d’où était venu l’accident et si l’enfant s’était tué par mégarde ou avait été frappé par un assassin. […] De nos jours, on a fort abusé des idées et des considérations générales, des influences diverses qu’on a fait jouer à volonté à travers les siècles ; M.  […] Mérimée dans l’étude si creusée de son brigand et de sa bohémienne, c’est que l’auteur, en homme d’esprit qui sait son monde, a jugé convenable d’encadrer son roman dans une sorte de plaisanterie et d’ironie : il voyageait comme antiquaire, il ne voulait que résoudre un problème d’archéologie et de géographie sur la bataille de Munda livrée par César aux fils de Pompée, lorsqu’il fait la connaissance du bandit qui lui racontera ensuite son histoire : et le roman finit par un petit chapitre où l’antiquaire reparaît encore et où le philologue se joue au sujet de la langue des bohémiens.

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