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1212. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

C’était un charme alors d’ouïr cette voix harmonieuse et dorée qui semblait celle de la sirène : c’est plaisir encore aujourd’hui de lire ou de parcourir ces premiers rapports, tracés d’une plume élevée et brillante : on se sent véritablement dans une sphère étendue et supérieure où la lumière se joue. […] Le chirurgien-dentiste, habile dans son art, le docteur Toirac, qui faisait d’agréables contes en vers, est resté fidèle à ses goûts et a comme voulu les ennoblir et les consacrer en fondant un prix de 4,800 francs par an pour l’auteur de la meilleure comédie en vers ou en prose qui aura été jouée au Théâtre-Français dans le courant de l’année. — M. 

1213. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

mon ami, ce n’est point du trop lire que me vient mon mal, mais bien de voir chaque jour le train des affaires et l’intrigue qui se joue : c’est là le livre où j’étudie et qui me rend malade. […] Il voulait, aux approches du jour de l’an de 1560, envoyer à ses amis d’ingénieuses étrennes, et, selon le goût du temps, selon le goût aussi des Anciens qui ont souvent joué sur les noms (nomen omen), il composa en distiques latins une suite d’Allusions 115, dans lesquelles, prenant successivement chaque nom propre des contemporains célèbres, il en tirait, bon gré mal gré, un sens plus ou moins analogue au talent et au caractère du personnage : par exemple, Michel de l’Hôpital semblait avoir reçu son nom tout exprès, puisqu’il était l’hospice des Muses, auxquelles sa maison était toujours ouverte.

1214. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Il jouait, comme Henri IV, à ces jeux familiers avec ses fils, dont l’un devait être pape, l’autre duc de Nemours. […] Vous devez comprendre vous-même que l’envie ne vous a pas vu avec indifférence parvenir si jeune à une si éminente dignité, et ceux qui n’ont pu réussir à vous exclure de cet honneur feront jouer toutes sortes d’intrigues pour le flétrir entre vos mains, en vous faisant perdre l’estime publique, et tâchant de vous entraîner dans le gouffre de turpitudes où ils sont eux-mêmes tombés ; et sur ce point la considération de votre jeunesse redouble leur confiance.

1215. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Jamais nous n’avons assisté à une représentation aussi lamentablement désolante… Que la censure, puisque cette institution existe, ait toléré la mise en scène d’un spectacle si bien fait pour énerver les âmes, pour leur donner l’admiration de ce crime qu’on a raison d’appeler le plus grand de tous, puisqu’il est le seul dont on ne puisse se repentir, — que la censure, disons-nous, se soit associée, en la laissant jouer, à cette sanctification du suicide, qu’elle ait donné son visa officiel à cette sorte d’hymne de la mort volontaire, et qu’elle ait permis qu’on la représentât comme une œuvre suprême d’honneur et même de religion, c’est là un acte sans excuse et contre lequel nous demandons une répression éclatante. […] Catulle Mendès, qui est avant tout un homme d’art, a-t-il pu vouloir descendre jusqu’à jouer le rôle d’un moraliste ?

1216. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Il est jaloux de Veau, qui lui lave les mains ; du sommeil, qui lui clôt la paupière ; du vent, qui se joue dans ses beaux cheveux ; et prend des privautés dont il ne peut se trouver content. […] ; vain exercice, dit naïvement Desportes, auquel il a joué toute son âme.

1217. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Il joue avec une vérité profonde, chante, déclame, accentue en perfection. […] Mais les retards qu’il a subis avant d’être joué en France, les coupures grotesques qu’on lui inflige, les sottes critiques dont il a été longtemps l’objet, démontrent une fois de plus que la cause wagnérienne est intimement liée aux intérêts des musiciens français, car cette cause est celle de la bonne musique, de la poésie expressive, du drame réel ; en un mot, de l’art sincère et vrai.

1218. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

L’historien était naïf, le romancier a l’air de se jouer un peu du lecteur. […] Mâtho, qui se croit invulnérable, ne veut pas quitter la ville sans avoir revu Salammbô ; en vain Spendius le conjure de renoncer à ce téméraire caprice qui va tout perdre, l’esprit ne déchaîne pas impunément les forces rugissantes de la matière : l’Africain s’élance, gravit les escaliers du palais, se glisse à pas de loup chez la jeune fille, l’aperçoit endormie, la joue dans une main, l’autre bras déplié, et sa chevelure si abondamment répandue autour d’elle qu’ elle paraissait couchée sur des plumes noires .

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