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378. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface et poème liminaire des « Contemplations » (1856-1859) — Préface (1859) »

La joie, cette fleur rapide de la jeunesse, s’effeuille page à page dans le tome premier, qui est l’espérance, et disparaît dans le tome second, qui est le deuil.

379. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VIII. Des Anges. »

Rien n’empêche d’accorder à ces esprits bienfaisants des marques distinctives de leurs pouvoirs et de leurs offices : l’Ange de l’amitié, par exemple, pourrait porter une écharpe merveilleuse, où l’on verrait fondus, par un travail divin, les consolations de l’âme, les dévouements sublimes, les paroles secrètes du cœur, les joies innocentes, les chastes embrassements, la religion, le charme des tombeaux, et l’immortelle espérance.

380. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Je répétais à peine les premiers mots qu’un enfant bégaye, et qui causent tant de joie à une mère ; je pouvais à peine me soutenir, quand le plaisir que me donnèrent les teintes diverses du feuillage et la nuance profonde du ciel azuré me pénétraient d’une joie enfantine. […] « Aussi une joie pure et vive, une sorte de volupté paisible, embellirent-elles les années de ma jeunesse, remplies de ces observations qui préludaient à de plus pénibles travaux, et qui me ravissaient. […] « Ce fut pour moi une vive et ardente joie. […] Les philosophes décideront la question de savoir si ce progrès de la civilisation doit être un objet de joie ou de mélancolie pour le penseur.

381. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Car les musiciens, arrivés à tenir les éléments d’une technique, s’affolèrent en la joie de leurs technicités ; ils cessèrent être artistes et se firent virtuoses : les vains contre-points se développèrent ; le précieux agencement des motifs prévalut sur leur suite émotionnelle : et ce trésor longuement amassé de rythmes, de mélodies, de timbres expressifs périssait dans la négligence universelle, lorsque naquît le vénérable Jean-Sébastien Bach. […] Hélas, hélas, que les voilà — mais exprimées, exprimées en un art et véritablement devenues elles — que les voilà mes fuyeuses émotions, et que les voilà les joies et les douleurs que j’entrevis au toucher d’une départie, et que vous chantez, oh musiques magiques du mage musicien ! […] en musicien ; c’était une âme musicale qui percevait ; ainsi, cris de joie, de douleur, de victoires, de chutes, de faims exangues, ils répugnaient en lui tous vocables de dictionnaire, toutes lignes, et, cris de sentimentalités, ils s’épanchaient par son âme en des effervescences de symphonie. […] Et voilà un subit apaisement, l’entrée d’une naïveté, et l’éveil des douces offres enfleuries d’être, annonciatrices de celle qui devait venir ; Kundry ; des paroles ultérieurement survenues ; « vie et joie te saluent !  […] Amfortas : Tandis que je rêvais à la splendeur de la Promise, dans une ombre de nuit je me suis comme éperdu ; alors j’ai vu un corps, un corps soupçonné de mes songes ; des chairs, des seins, des peaux mollement tressaillantes, un ventre alliciteur des lèvres, et des parfums où se baigner eût été l’exultation ; son visage était grave et riait d’appels aux joies ; elle était folle et manifeste ; ses mamelles se dévoilaient… Et pour avoir touché le sexe d’une advenue aux jours d’erreur, j’aurai les souvenances et les cogitations et des navrances, pendant que se traînera la vérité de mon amour.

382. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Sous l’influence qui multipliait ces échos de la lyre hébraïque, le savant pontife de Constantinople, Grégoire de Nazianze, entreprit de célébrer dans des hymnes du même rhythme lent et grave, d’abord les dogmes du christianisme, puis les craintes, les espérances, les joies et comme les passions de l’âme chrétienne. […] Ainsi, avec joie, j’échappe à l’envie ; et, sorti d’une grande tempête, j’ai jeté le câble dans le port, où désormais, élevant mon cœur par d’innocentes pensées, j’offrirai à Dieu mon silence, comme autrefois ma parole. C’est Grégoire qui le dit, celui qu’avait nourri la terre de Cappadoce et qui s’est fortifié de toute science pour le Christ. » Dans ce regret, dans cet adieu, dans cette joie prétendue, dans cet espoir d’oubli, vous sentez, n’est-ce pas, les dernières passions d’une âme chrétienne mais humaine ? […] car c’est en Dieu qu’est la joie suprême. […] « Vers ta cour suprême, vers ton sein, j’élève mon vol allégé à mesure qu’il fuit plus loin de la matière, dans la joie d’arriver à tes célestes parvis.

383. (1927) Des romantiques à nous

Les joies de la contemplation intellectuelle, la beauté de l’ordre comme ordre, voilà ce dont on ne veut plus entendre parler. […] Les nourrissons de mon régent y trouveront leur joie, sans que les délicats manquent, pour cela, d’y trouver leur compte. […] C’est à parcourir l’œuvre instrumentale dans tous les genres que nous trouverions nos joies. […] Nous étions à l’âge où la joie d’exercer la pensée l’emporte sur le souci du vrai et du faux en matière spéculative, à l’âge où l’on sait plus de gré aux idées d’exciter fortement l’imagination que d’exprimer ce qui est. […] Les imaginations où elle s’exhale n’ont pour objet que l’individu lui-même, ses possibilités de joie ou de souffrance, ses exaltations ou ses langueurs.

384. (1864) Études sur Shakespeare

Des hommes accoutumés à se réunir pour leurs affaires se rassembleront aussi pour leurs plaisirs ; et quand la vie sérieuse du propriétaire se passe au milieu de ses champs, il ne reste point étranger aux joies du peuple qui les cultive ou les environne. […] Mais quel jour égalait le premier jour de mai, brillant des joies de la jeunesse et des espérances de l’année ? […] Laissez faire la joie pour que l’égalité s’établisse entre les plaisirs ; la joie a ses symboles qui ne varient point ; elle ne les changera pas plus selon les situations que selon les saisons. […] Et avant Shakespeare, le spectacle était non seulement la joie de la multitude, mais l’amusement des hommes les plus distingués ! […] Accommodez au goût de plaisanterie de notre temps la scène du portier de Macbeth, et il n’est personne qui ne frémisse en songeant à la découverte qui va suivre ces accès d’une joie bouffonne, au spectacle de carnage encore caché sous ces restes de l’ivresse d’une fête.

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