/ 1682
133. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Certes les joies de raison existent, mais qu’elles sont raides, limitées et quel déchet elles laissent au penseur en face des joies du cœur, dont les vibrations sont infinies, mêlées d’extinction lente. […] Peine et surtout joie perdue. […] Réaliser une œuvre pacifique que l’on croit bonne et dont le rêve absorba votre vie, quelle joie plus vive ? […] Comme il gâche tout, ce Valbert, avec une sorte de joie de saccage et de sacrilège ! […] Comme l’humanité doit leur être reconnaissante à ces adorables verseuses de désir et de joie !

134. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Changer en fête et en joie cette procession éternelle vers la mort, c’est plus que se tromper ; c’est se moquer de l’humanité. […] « Un chevreuil innocent et heureux bondissait de joie dans les serpolets trempés de rosée sur la lisière d’un bois. […] Pourquoi m’as-tu ravi ma part de ciel, de lumière, d’air, de jeunesse, de joie, de vie ? […] Je me jurai à moi-même de ne jamais retrancher par caprice une heure de soleil à ces hôtes des bois ou à ces oiseaux du ciel qui savourent comme nous la courte joie de la lumière, et la conscience plus ou moins vague de l’existence sous le même rayon. […] Plus je repasse dans mon esprit ce saint et merveilleux dialogue de Krisna et d’Arjoùn, plus mon cœur est dilaté par une joie surnaturelle.

135. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Parlez pleins de joie, jeunes soldats de l’Art ! […] Pourquoi n’avoir pas rendu plus souvent à l’auteur la plénitude de joie qui suit une grande victoire, et qui inspire le désir, et qui donne la force d’en remporter une nouvelle, au moins égale, sinon supérieure ? […] Frohberger était de ces artistes malheureux… » Adoucissons cependant les tons : Halévy était une nature trop riche, trop multiple, trop ouverte et communicative, il était trop bien organisé par tous les sens, il était trop accessible aux douceurs de la sociabilité et aux joies de la famille, il était trop le contraire en tout d’un homme blasé, et avait, comme on dit, trop de cordes à son arc, pour être longtemps ou profondément malheureux. […] Villemain, lui en touchait un jour quelque chose : un vif sentiment de joie brilla sur son visage, mais ne fit que passer et disparut presque à l’instant : il craignait déjà de porter préjudice ou ombrage à un frère méritant et bien aimé.

136. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Tout s’ouvrait à la joie, à la galanterie, aux idées de gloire et d’amour, et aussi à l’esprit qui y avait part : car, à peine Madame fut-elle mariée et se fut-elle détachée de la reine sa mère qui la gardait à ses côtés, « ce fut une nouvelle découverte de lui trouver l’esprit aussi aimable que le reste ». […] Quand la Cour était ailleurs, il aimait à revenir faire de petits voyages et des séjours dans la capitale ; il y mettait même une sorte de malice à l’égard du roi, à qui il se flattait que ces voyages déplaisaient : Mais c’est qu’en effet, nous dit Cosnac, ils lui donnaient à lui la joie d’avoir une cour particulière ; car il était ravi lorsqu’il voyait dans le Palais-Royal une grande affluence de beau monde, qui venait pour l’amour de lui, à ce qu’il disait, quoique ce ne fût que pour Madame. […] Au voyage de Fontainebleau qui se fit à peu de temps de là, Madame porta la joie et les plaisirs. […] Au retour du voyage, quatre jours avant sa mort, le 26 juin, elle lui écrivait encore : Je ne suis pas surprise de la joie que vous me témoignez avoir de mon voyage d’Angleterre ; il m’a été très agréable, et, quelque persuadée que je fusse de l’amitié du roi mon frère, je l’ai trouvée encore plus grande que je ne l’espérais ; aussi ai-je trouvé dans toutes les choses qui dépendaient de lui tout l’agrément que je pouvais désirer.

137. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Elle n’a dans les yeux que la joie du monde qui s’ouvre. […] Celui-ci saura pénétrer tous les secrets de l’écrivain, et goûtera une joie vive dans la découverte de chacun d’eux. […] Nul ne saura jamais les lois de cette influence des choses, le secret de la dépression morale, de la tristesse ou de la joie, de l’énergie, de la grandeur et de la plénitude d’amour que nous recevons d’elle. […] Ce ne sont pas là des joies de la dix-huitième année.

138. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre II. Des Époux. — Ulysse et Pénélope. »

Comme des matelots contemplent la terre désirée, lorsque Neptune a brisé leur rapide vaisseau, jouet des vents et des vagues immenses, un petit nombre, flottant sur l’antique mer, gagne la terre à la nage, et, tout couvert d’une écume salée, aborde, plein de joie, sur les grèves, en échappant à la mort : ainsi Pénélope attache ses regards charmés sur Ulysse. […] Les transports qui suivent la reconnaissance des deux époux ; cette comparaison si touchante d’une veuve qui retrouve son époux, à un matelot qui découvre la terre au moment du naufrage ; le couple conduit au flambeau dans son appartement ; les plaisirs de l’amour, suivis des joies de la douleur ou de la confidence des peines passées ; la double volupté du bonheur présent, et du malheur en souvenir ; le sommeil qui vient par degrés fermer les yeux et la bouche d’Ulysse, tandis qu’il raconte ses aventures à Pénélope attentive, ce sont autant de traits du grand maître ; on ne les saurait trop admirer.

139. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Toute la gloire et tout l’amour sont superflus : Toujours elle voudra quelque chose de plus, Et, comme un grand feu mort qui brusquement rougeoie, Son désir renaîtra des cendres de sa joie ! […] Et songeant au destin des hommes, aux joies éphémères de l’amour et de l’orgueil, il entame le chant Lucrécien avec un cœur blessé, mais toujours confiant dans la Bonté et la Beauté de Vivre. […] Je suis la volupté qu’ils n’atteindront jamais, Tous les espoirs, toutes les joies et tous les rêves, Tout l’amour que pour eux filent les heures brèves… Mais nul ne doit cueillir la fleur de ma beauté, Car ma lèvre cruelle a le goût de la mort. […] Paul Briquel dont les Soirs d’Automne avaient quelque mélancolie artificielle, dont les Joies Humaines tressaillent d’une force mal dirigée mais réelle et qui promettent un poète vigoureux. […] Paissent les vrais chercheurs nous donner l’année prochaine cette joie singulière de célébrer l’avènement du neuf !”

/ 1682