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1403. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Le jeune Gresset fit ses études au collége des Jésuites à Amiens ; d’élève devenu novice et admis dans la compagnie, il passa au collége Louis-le-Grand, et de là fut envoyé pour professer en divers lieux, à Nevers peut-être, certainement à Moulins, dans le voisinage de ce couvent de Visitandines qu’il a si joliment célébré. […] Dans une lettre à peu près du même temps, que Gresset écrivait à sa mère après son retour de la pénitence à La Flèche, et avant sa sortie définitive de chez les jésuites, il lui disait d’un ton de plaisanterie qui rentre bien dans notre remarque : « Ma très-chère mère, « Voilà qui n’est, en vérité, point édifiant : dater une lettre d’une heure après minuit31, temps auquel une vertueuse mère de famille doit, comme la femme forte, goûter dans le sein du repos la douceur des songes évangéliques ; temps auquel une jeune prosélyte doit tranquillement sommeiller et rêver pieusement. […] Gresset, dans son séjour d’Amiens, s’était extrêmement préoccupé, comme font volontiers les écrivains retirés en province, du néologisme qui s’introduisait en quelques branches du langage : « Il avait été frappé justement, mais beaucoup trop, dit Garat dans sa Vie de Suard, du ridicule d’une vingtaine de mots qui avaient pris leurs origines et leurs étymologies dans les boutiques des marchandes de modes, même dans les boutiques des selliers. » Il en forma comme le tissu de son discours ; toutes ces locutions exagérées dont il s’était gaiement raillé vingt-cinq ans auparavant dans le rôle du jeune Valère : Je suis comblé, ravi, je suis au désespoir, Paris est ravissant, délicieux, il les remit là en cause, il fit d’une façon maussade comme la petite pièce en prose à la suite du Méchant ; et tandis que Suard plaidait avec tact pour la raison, alors dans sa fleur, et pour la philosophie, Gresset souligna pesamment des syllabes, anticipant l’office que nous avons vu depuis tant de fois remplir à feu M.

1404. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

A côté des choses aimables et que nous donnions pour telles, avons-nous pris pour de la sécheresse ce qui n’était que de la passion, pour du persiflage ce qui n’était que de la jeune gaieté, pour des habitudes plus que périlleuses ce qui n’était que d’heureux instincts ? […] Ai-je d’ailleurs fait un crime au jeune Benjamin de ce malheur de sa vie première ? […] Avec ses amis hommes, il sera, dès qu’il le pourra, un honnête homme malheureux et presque attachant : tel il se dessinerait, je suis sûr, dans sa correspondance avec M.de Barante jeune alors, et dont le sérieux aimable l’invitait ; tel nous l’avons entrevu dans sa relation avec Fauriel, et nous n’avons pas omis, à son honneur, de le remarquer.

1405. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Mais ils reçoivent des nouvelles de leurs pays, de leurs familles ; et l’on conçoit comment peut là-dessus s’exercer l’imagination d’un jeune Français sous la Régence, avec quelle curiosité libertine il mettra en scène la vie oisive et voluptueuse du sérail, des femmes très blanches surveillées par des eunuques très noirs, des passions ardentes, des jalousies féroces, des désirs enragés. […] Les excellents Oratoriens qui l’ont instruit à Juilly lui ont découvert la riche source d’énergie morale qui jaillit pendant toute la durée des antiquités grecque et romaine ; les grands ouvrages de l’esprit, les coups d’héroïsme dans l’action politique ont ravi l’imagination du jeune Gascon, dont le bon sens aiguisé goûte ce qu’il y a toujours de pratique et de mesuré dans les traits les plus étonnants de l’antiquité. […] De la nature, le jeune magistrat tenait une certaine sensualité que les mœurs contemporaines développèrent en polissonnerie intellectuelle.

1406. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

On trouverait aujourd’hui une bonne demi-douzaine de romanciers, jeunes ou mûrs, les uns éminents, les autres au moins distingués, qui n’écrivent guère que sur la campagne et sur ses habitants. […] Mais, au reste, tout ce que mon dessein m’oblige à signaler ici, c’est un je ne sais quoi dans le ton, une nuance, un rien, ce qui fait que c’est bien une « magistrature » que d’Artannes exerce sur sa jeune amie, et que la gravité du charmant directeur sent quelquefois la barrette du juge. […] Les cent premières pages du Forestier sont vraiment savoureuses : l’enfance de Jean Renaud, pauvre abandonné qui n’a d’autre mère ni d’autre institutrice que la forêt ; sa communion avec les arbres et les plantes ; la poursuite du sanglier ; le désir qui le secoue, qui l’étrangle, d’avoir un fusil… C’est bien à l’enfance d’un jeune faune que nous assistons, et la pénétration de la petite créature par le milieu où elle se développe est aussi intime et profonde qu’il se peut.

1407. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Aussi bien cette émancipation était-elle faite depuis quelque temps en d’autres genres ; on s’était décidé à reconnaître que l’art d’agrément n’est pas synonyme de grand art ; on avait concédé que le roman littéraire n’est pas écrit « pour l’amusement des jeunes demoiselles en chemin de fer ». […] La majesté froide et grandiose de la première représente bien la noblesse un peu figée de l’époque ; la gaieté, quelquefois grossière ou guindée de la seconde, rappelle les rieurs survivants de l’âge précédent, et les jeunes maniérés du jour. […] Les jeunes revues insèrent périodiquement d’édifiantes attestations, où des docteurs empiriques certifient l’excellent usage du théâtre symboliste, du théâtre naturaliste, du théâtre des familles.

1408. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Après deux années d’université, il fit son tour du continent, selon l’usage des jeunes seigneurs de son pays. […] Jeune et dans son premier feu d’ambition, il avait de bonne heure mis tout son enjeu du côté de l’héritier présomptif du trône, qui devint George II ; il était de ceux qui, à l’avènement de ce prince (1727), devaient le plus compter sur sa faveur et sur une part de pouvoir. […] Son esprit se jouait en cent façons sur ce triste thème ; parlant de lui et de l’un de ses amis, lord Tyrawley, également vieux et infirme : « Tyrawley et moi, disait-il, voilà deux ans que nous sommes morts, mais nous n’avons pas voulu qu’on le sût. » Voltaire qui, avec la prétention d’être toujours mourant, était resté bien plus jeune, lui écrivait, le 24 octobre 1771, cette jolie lettre, signée Le vieux Malade de Ferney : … Jouissez d’une vieillesse honorable et heureuse, après avoir passé par les épreuves de la vie.

1409. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Il vint à Paris jeune, et il y fit, depuis l’âge de dix-huit ans, plusieurs voyages ; mais il ne s’y établit tout à fait que vers 1687, à l’âge de trente ans. […] Cette conclusion positive, qui vient couronner si singulièrement l’hommage rendu au plus grand génie scientifique moderne, n’étonnera point ceux qui ont noté dans les Lettres du chevalier d’Her… toutes les supputations et comparaisons financières que Fontenelle, jeune, apportait et prodiguait jusqu’en matière d’amour et de sentiment. […] Fontenelle, avec La Motte, était sur le point de prendre le sceptre sous la Régence, et de donner le ton à la littérature, quand Voltaire parut à point nommé pour neutraliser dans le public l’effet de cette influence au moins équivoque, et, tout jeune qu’il était, il avertit insensiblement par son exemple l’académicien raffiné et réfléchi, que le moment était venu d’être plus simple.

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