/ 2020
283. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 435-436

On est seulement fâché que l’infidélité de Zilia, contre l’attente du Lecteur, vienne amortir la sensibilité qu’elle inspire.

284. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Les gens du métier, les habiles ou les vertueux, qui l’ont étudiée et pratiquée à fond, ont gardé ou retrouvé, en l’appréciant, l’admiration qu’elle inspirait autrefois : le commun des lecteurs, je le crois, a besoin de refaire un peu son éducation à cet égard. […] Vous nous l’accorderez, Seigneur, et ce ne peut être en vain que vous nous inspirez pour lui tant de désirs et tant de zèle. […] Il en a un assez pareil dans le sermon qui ouvre son premier Avent, pour le jour de la Toussaint, lorsque voulant inspirer le désir et donner un avant-goût du bonheur réservé aux justes et auquel ils atteignent dès cette vie, il s’écrie : Avoir Dieu pour partage et pour récompense, voilà le sort avantageux de ceux qui cherchent Dieu de bonne foi et avec une intention pure.

285. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Et pourtant, si l’on parvient à triompher du dégoût qu’inspirent le caractère hideux des intrigues et des personnages et cette continuité de laideurs et d’horreurs, on verra combien elle y apporte de moquerie, d’enjouement, de tour heureux. […] Dans sa première année de règne, Frédéric va visiter sa sœur à l’Ermitage près de Bareith, elle vient à son tour le visiter à Berlin ; l’amitié, et une amitié vive, exaltée, n’a cessé de respirer dans tout ce qu’ils s’écrivent ; Frédéric s’en inspire même pour faire d’assez jolis vers. […] Et toute cette familiarité du « vieux frère » (comme il s’appelle) se relève d’une constante admiration pour cette sœur qu’il estime évidemment supérieure à lui par les talents et la beauté de l’intelligence, par le génie, il articule le mot : « S’il y a un être créé digne d’avoir une âme immortelle, c’est vous, sans contredit ; s’il y a un argument capable de me faire pencher vers cette opinion, c’est votre génie64. » Il est prodigue envers elle d’attentions, de petits présents ; il entre dans ses peines, il tremble pour sa vie ; il nous la fait voir avec « un je ne sais quoi de gracieux, un air de dignité tempérée par l’affabilité », que les mémoires de la margrave ne nous indiqueraient pas ; il nous intéresse, en un mot, par l’affection respectueuse qu’elle lui inspire, à cette frêle créature d’élite, à « ce corps si faible et cette santé délicate à laquelle est jointe une si belle âme ».

286. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Il était loin de regretter ces temps de trouble et d’agitation féodale où les ambitions avaient toute carrière et où les facultés énergiques luttaient à nu : « Le repos, les plaisirs, dit-il en parlant de ces époques de ligue ou de fronde, avaient fait place au tumulte, à la méfiance, à la terreur, à tout ce que la fureur des conjurations, des cabales, peut inspirer de plus atroce. » Il se félicitait donc de vivre sous un régime qui avait mis fin à ce qui-vive perpétuel, et depuis que tout était réglé par l’autorité d’un maître : Cet état de choses (il écrivait cela aux derniers beaux jours de Louis XVI, en 1784) n’est pas favorable aux grandes pensées, mais il procure un calme sans lequel il n’y a point de bonheur. […] Cinquante ans révolus, des cheveux blanchis lui faisaient obtenir cette confiance que l’âge mûr inspire aux femmes, quoiqu’il n’eût pas cessé de viser aux aventures galantes. […] M’étant intimement lié avec le comte de Frise, je lui inspirai assez de confiance pour me laisser toujours voir ce qui se passait dans son âme ; j’en étais souvent révolté, je lui faisais quelquefois des représentations ; mais, entraîné par la faiblesse que j’avais pour lui et par la séduction, je ne pouvais m’en détacher.

287. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

La reine, dans ce cercle resserré qu’elle parcourt d’un coup d’œil juste, se rend compte désormais de tous les périls : du premier jour elle s’est mise à la raison par nécessité ; c’en est fait de toutes ses vivacités passées : « Le seul moyen, pense-t-elle, de nous tirer d’ici est la patience, le temps, et une grande confiance qu’il faut leur inspirer. » Elle se fait d’ailleurs bien peu d’illusions ; après les premiers mois écoulés, elle ne voit qu’accroissement de dangers autour d’elle et sombres présages pour l’avenir ; de faibles et rares retours de l’opinion, des fluctuations d’une heure en sens favorable ne l’abusent point ; le courant général est trop fort ; les violents et les ardents entraînent les faibles. […] Le premier et le plus dangereux de tous est Mirabeau dont je vous ai déjà parlé ; mais son immoralité inspire une telle horreur, et on a fait un tel portrait de lui aux journées des 5 et 6 octobre dont il a été le l’auteur et le meneur, qu’on ne saurait se déterminer à avoir de près ni de loin aucun rapprochement avec cet homme67… » C’était faux. […] Ce qui la caractérise à jamais durant ce long supplice qui date du 6 octobre, c’était le motif qui l’inspirait, la source élevée de ses sentiments, la conscience de ce qu’elle était et de ce que la nature l’avait faite, le dévouement à ses devoirs de royale épouse et de mère, un courage de chaque heure, une constance qui ne se démentit en public à aucun moment, non plus que son air de dignité et de grâce.

288. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

J’étais accoutumé à considérer comme un ensemble chacun des poëmes d’Homère, et je les voyais là séparés et dispersés, et, tandis que mon esprit se prêtait à cette idée, un sentiment traditionnel ramenait tout sur-le-champ à un point unique ; une certaine complaisance que nous inspirent toutes les productions vraiment poétiques me faisait passer avec bienveillance sur les lacunes, les différences et les défauts qui m’étaient révélés. » Mais n’était-ce qu’une illusion et une complaisance de sentiment, comme Gœthe paraît le croire ? […] Des parties de l’Odyssée ont dû sans doute être récitées séparément, mais si l’on donne à un rhapsode plusieurs journées de suite, ou si l’on suppose (ce qui avait lieu dans les assemblées et les fêtes publiques) une suite de rhapsodes qui se succédaient et se relayaient pour la récitation, rien n’empêche de concevoir que, même sans écriture aucune, l’Odyssée ait pu se transmettre en entier, dans toute son intégrité, sauf peut-être tel épisode à tiroir et tel passage ou telle scène qui aura pu s’y glisser après coup : mais l’agrégation première, la cristallisation, pour ainsi dire, du poëme doit dater de la période légendaire, de l’époque créatrice et inspirée, de l’âge même des rhapsodes. […] Grote que tout s’expliquerait si l’on admettait qu’un Homère ou Homéride, s’emparant des rhapsodies antérieures d’une Iliade en fragments, et d’une Achilléide embryonnaire ou élémentaire, a refondu, remanié, agrandi les deux sujets, les a mis en rapport entre eux et a opéré un travail ardent, poétique, inspiré, d’où est sortie l’œuvre telle à peu près que nous l’avons, sauf toujours trois ou quatre chants qui sont par trop gênants ou sensiblement inutiles, et dont on fait bon marché : tout le reste appartient à une pensée suffisamment une et dominante.

289. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

En admettant même, comme il le fait, qu’on en ait usé à Rome envers Galilée avec une indulgence relative, le biographe a-t-il assez insisté sur le sentiment que de telles persécutions, fussent-elles réduites à n’être que d’odieuses tracasseries, méritent d’inspirer ? […] Le vrai sentiment religieux qu’on est en droit de réclamer ici au nom du goût consiste surtout dans le sérieux même de la contemplation et dans le recueillement qu’elle inspire. […] Séduit par les illusions des sens et de l’amour-propre, l’homme s’est regardé longtemps comme le centre du mouvement des astres, et son vain orgueil a été puni par les frayeurs qu’ils lui ont inspirées.

/ 2020