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1075. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Et la diverse éducation ne se fait-elle pas toujours sentir dans les discours, quelque égale que soit la passion qui les inspire ? […] Il faut voir de quelle maniere il peint les choses : il fait parler des personnages ; nous avons à observer s’il se met bien à leur place, et si les discours qu’il leur prête sont du ton et dans l’ordre qu’exigent les passions qu’il exprime, ou qu’il veut inspirer. […] Agamemnon, au second livre, propose la fuite à ses soldats, dans le dessein de les éprouver, et avec une adresse concertée pour leur inspirer un sentiment tout contraire. […] Quoique cette comparaison ne soit pas choquante, comme beaucoup d’autres répanduës dans les discours de l’iliade, j’ai cru devoir la relever, pour faire sentir qu’Homere ne contraste pas assez le style de son propre recit, et celui des discours de ses acteurs : ce qui me paroît cependant indispensable, puisque les poëtes se disant inspirés par les muses, doivent avoir un langage particulier ; au lieu que les personnages étant des hommes ordinaires, doivent parler naturellement, selon leur caractére et leur situation. […] Les sentimens dont il auroit pû se fier à la nature, il les fait inspirer expressément par les dieux.

1076. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

La première chose qui frappe à la lecture du tome des poètes, c’est la sympathie de l’auteur pour les « inspirés », et partant un dédain superbe des travailleurs, fait tout simple, d’ailleurs, et particulier aux critiques d’un certain âge, témoins enthousiastes des prouesses de l’inspiration, et tout ébahis en présence des œuvres de la nouvelle école, qui a, comme on sait, ce ridicule de penser que les beaux vers ne se font pas tous seuls et que les rimes pauvres n’entraînent pas fatalement la richesse des images ni même celle des idées. […] Mais le cœur y joue un grand rôle, dans ce recueil, le cœur, un viscère qui tient lieu de tout, âme, cerveau, et… correction à messieurs les inspirés ; mais les crucifix lamartiniens y alternent avec les flacons de ce divin Musset, et voilà M. de Beauvoir, — un nouvelliste agréable, du reste, passé grand poète ! […] Pommier, qui n’est, lui, ni inspiré, ni ému, ni vivant. […] Et il revient sur « l’irrésistible attrait de gaieté et d’enchantement » dû aux « tonalités claires, ici et là épandues », inspirées par tout l’Orient, par tous « les peuples du Levant, anciens ou modernes, artistes par instinct et non par éducation », remarque-t-il excellemment. […] Au contraire, je ne dirai pas des remords, il n’en ressentit pas, ne se repentant pas, mais du regret et du dépit, puis quelques consolations, compensations plutôt, l’inspirèrent dans son troisième recueil : Romances sans paroles, ainsi dénommées pour mieux exprimer le vrai vague et le manque de sens précis projetés.

1077. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Thiers ; l’historien pathétique manque, il est vrai ; cependant les scènes de la guerre lui inspirent quelquefois un héroïsme de style et une émotion de pinceau qui rendent merveilleusement les impressions non individuelles, mais collectives, du champ de bataille. […] Le vieux duc de Brunswick est trop illustre par son titre d’élève du grand Frédéric pour qu’on puisse donner un autre généralissime à l’armée prussienne ; il est trop suranné néanmoins, et trop discrédité par son invasion malheureuse de la France et par sa retraite de Champagne en 1792, pour inspirer la confiance à l’armée prussienne ; cette armée de 180 000 hommes mollit sous sa main. […] « À peine une telle pensée s’était-elle laissé entrevoir que Napoléon, prenant la parole avec l’autorité qui lui appartenait et avec la confiance, non pas feinte, mais sincère, que lui inspirait l’étendue de ses ressources, exposa ainsi la situation.

1078. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Quand j’ai songé à étudier pièce à pièce cet homme encyclopédique, qui a laissé à lui tout seul d’Athènes un monument homogène plus complet et plus divin mille fois que cette encyclopédie de plusieurs mains inspirée en France par Voltaire, Diderot et leurs amis, travaillant sans plan à détruire plus qu’à édifier, je suis allé d’abord chercher dans sa retraite Barthélemy Saint-Hilaire. […] « En général, cette loi de communauté produira nécessairement des effets tout opposés à ceux que des lois bien faites doivent amener, et précisément par le motif qui inspire à Socrate ses théories sur les femmes et les enfants. […] « Le système de Platon a, je l’avoue, une apparence tout à fait séduisante de philanthropie ; au premier aspect, il charme par la merveilleuse réciprocité de bienveillance qu’il semble devoir inspirer à tous les citoyens, surtout quand on entend faire le procès aux vices des constitutions actuelles, et les attribuer tous à ce que la propriété n’est pas commune : par exemple, les procès que font naître les contrats, les condamnations pour faux témoignages, les vils empressements auprès des gens riches ; toutes choses qui tiennent, non point à la possession individuelle des biens, mais à la perversité des hommes.

1079. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

« — Je ne t’aime point, guerrier farouche ; ton cœur a la dureté du roc, et ton œil noir m’inspire la terreur. […] Levez tous vos larges boucliers ; que vos lances soient des météores de mort Suivez moi dans la route de la gloire, et égalez mes actions dans le combat. » « Mille vents déchaînés sur Morven, ou les nuages volant amoncelés à travers les cieux, ou les flots du noir Océan fondant sur les rivages du désert, leur bruit, leurs ravages, la terreur qu’ils inspirent : telle est l’image de l’horrible mêlée des deux armées sur la plaine retentissante de Lena. […] C’est cette belle dont la voix inspire l’amour ; c’est l’aimable fille de Toscar : plus d’une fois tu prêtas l’oreille à mes chants, plus d’une fois je vis couler les larmes de tes beaux yeux.

1080. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Je ne fais donc nulle difficulté de dire que je dois aux biographes de Swift ou à son propre témoignage les événements de sa vie, mais je sais que je ne dois qu’à moi-même l’étude de son caractère, l’appréciation de ses œuvres et les sentiments qu’elles m’ont inspirés. […]   Des commencements difficiles, une fin cruelle, des espérances renaissantes et toujours trompées, une ambition sans scrupule et en même temps sans prudence, le funeste privilège d’inspirer des passions profondes et de ne les point ressentir, de connaître et de peindre, avec une force incomparable, les misères de la nature humaine, et de pouvoir être cité soi-même comme un vivant exemple de la vérité de ces peintures, telle fut en ce monde la destinée de Swift qui s’y résigna d’autant moins qu’il la comprit davantage, et qui prit l’amère habitude de relire, chaque fois que l’année ramenait le jour de sa naissance, le chapitre de l’écriture où Job déplore la sienne et maudit cette nuit fatale où l’on annonça dans la maison de son père qu’un enfant mâle était né. […] Les accusés devaient être sauvés par l’inquiète jalousie qu’inspiraient à la Chambre des lords les envahissements de la Chambre des Communes et par le mouvement de l’opinion publique, plus disposée à seconder Guillaume contre la politique ambitieuse de la France qu’à poursuivre ses amis.

1081. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

On y sent l’effroi qu’inspiraient à l’Hellène, circonscrit dans son horizon lumineux, les mers ignorées et les régions inconnues. […] Hermès inspire encore aux hérauts envoyés entre les nations, les transactions conciliantes qui terminent les guerres et qui renouent les alliances. […] Alors le fils d’Alcmène, inspiré d’en haut, et invoquant Apollon, l’infaillible archer, abattait de sa flèche l’oiseau carnassier ; il brisait les chaînes du Titan, et il couronnait d’un rameau de saule son front foudroyé.

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