Si l’état qui « reste le même » est plus varié qu’on ne le croit, inversement le passage d’un état a un autre ressemble plus qu’on ne se l’imagine à un même état qui se prolonge ; la transition est continue. […] Elle imagine ainsi un moi amorphe, indifférent, immuable, sur lequel défileraient ou s’enfileraient les états psychologiques qu’elle a érigés en entités indépendantes. […] Et quand elle invente, elle procède ou s’imagine procéder par un arrangement nouveau d’éléments connus. […] A la rigueur, rien n’empêcherait d’imaginer un individu unique en lequel, par suite de transformations réparties sur des milliers de siècles se serait effectuée l’évolution de la vie. […] Imaginons qu’au lieu de se mouvoir dans l’air, ma main ait à traverser de la limaille de fer qui se comprime et résiste à mesure que j’avance.
Ce vers a un sens — la récolte sera bonne — mais si indigent qu’on ne peut imaginer que tant de poésie en découle. […] Lièvre, à Lefèvre, la critique minutieuse, hostile ou fervente, de ces fragments, j’essaierai d’imaginer les « grands jeux » intérieurs que de tels débris nous révèlent et tout ensemble nous dérobent. […] Non, je ne crois pas qu’on puisse imaginer d’opposition plus tragique, ni en apparence plus irréductible entre un vrai poète et la poésie. […] Elles désignent l’adaptation parfaite d’une suite de mots — non pas à une suite d’idées, comme dans la prose — mais à une expérience plus profonde que n’est l’acte de connaître, de raisonner, d’imaginer, de sentir : expérience que le poète est pressé de traduire, et qu’il ne peut s’approprier pleinement, maîtriser et achever qu’en la traduisant. […] « le chant doit produire de l’enchantement. » il faut pour qu’un spectacle soit beau, qu’on croie imaginer ce qu’on y entend, ce qu’on y voit, et que tout nous y semble un beau songe. les arts ont pour mérite unique, et tous doivent avoir pour but, de faire imaginer des âmes par le moyen des corps.
Pour se représenter Athènes, Corinthe, Argos ou Sparte, il imagine les découpures de sa vallée ou la silhouette de sa ville. […] Ils n’imaginent pas qu’une association plus large puisse être bien ordonnée. […] C’est dans cette inondation de clarté qu’il faut imaginer les côtes de la Grèce, comme des aiguières et des vasques de marbre jetées ça et là au milieu de l’azur. […] Par cette grande clameur discordante, nous pouvons imaginer un chœur de bataille régulier, une marche musicale antique. […] Ni les prêtres ni les laïques n’avaient fait d’enquête ou d’hypothèse sur ce point qui les touchait de si près. — Au contraire, les Grecs avaient déjà imaginé trois explications du phénomène, Hérodote les discute et en propose une quatrième.
Ils ont imaginé en conséquence de rendre les gens de lettres responsables en corps de toutes les sottises que font quelques-uns d’entre eux. […] Les Peuples policés appellent goût ce qu’ils imaginent être la perfection de leurs Arts ; & les individus, ce qui forme la limite réelle de leur talent. […] Imaginez la prose de Rousseau sur la scène françoise, & voyez comme tous les vers pâlissent. […] Voilà ce qu’ont fait les Poètes qui n’ont point sçu tracer ou imaginer des pièces nationales. […] Ces sots Auteurs s’imaginent être moralistes & politiques.
S’imaginer qu’ils deviendraient plus heureux parce qu’ils changeraient de cocarde, blanche, rouge, ou tricolore, pure absurdité ; erreur sur la nature de leur être et sur leur destin. […] Baudelaire a été frappé comme par une révélation ; il s’est aperçu, épouvanté et ravi, qu’il avait imaginé des sujets que Poe avait imaginés vingt-cinq ans auparavant, qu’il avait écrit des phrases que Poe avait écrites vingt-cinq ans auparavant : et donc il était, dans un certain sens, le double d’Edgar Poe. […] Ce n’est pas assez pour moi de peindre la nature de ses vraies couleurs ; je donne de la réalité à la fiction même, et je crée tout ce que j’imagine. […] On commence par creuser le sol pour y trouver des fossiles, et on finit par imaginer qu’on assiste au spectacle des révolutions du globe : on voit les laves en fusion, on entend les craquements de la terre qui se disloque. On se penche sur ce prodige, les polypes ; et on finit par imaginer que la création entière n’est qu’un vaste polype, agrandi jusqu’aux étoiles, agrandi jusqu’aux lointains soleils.
Mieux vaut savoir peu de choses, mais les savoir effectivement, que de s’imaginer savoir beaucoup de choses et se repaître de chimères.
Ce sont les incidents singuliers et pathétiques qu’entraîne une pareille scène, qu’il faut savoir imaginer, c’est l’art de montrer la fureur et d’exciter la compassion, qu’il faut avoir.