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960. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

La marquise des Mémoires a de l’éclat, de l’imagination, une voix timbrée, une manière de prendre du tabac dans sa boîte d’or en secouant ses jabots de dentelle, qui a tout ensemble de la grâce, de l’impertinence et de la grandeur. […] Quand elle se prit de goût et d’intelligence pour M. de Meilhan, il avait, lui, quarante-six ans, l’âge où l’homme resté le plus beau parle moins à l’imagination qu’à la pensée, et elle en avait soixante-huit, mais soixante-huit si sereins et si fermes, que la dépravation de tête, le néant de tout et l’ennui, l’horrible ennui d’une créature qui vit sans Dieu, dans le cachot de la cécité, ne firent pas d’elle une Madame Du Deffand, amoureuse d’un autre Horace Walpole !

961. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

La difficulté n’était pas de faire mieux, c’était de faire bien ; c’était de peindre ressemblant ce qu’il y a de plus difficile à peindre, c’est-à-dire un homme dont toutes les imaginations sont remplies, et d’appuyer un ferme regard sur la personnalité la plus capable de décontenancer qui la juge. […] Ce n’est plus là le grand portail officiel que l’imagination idéalise, cette apothéose du plafond que la postérité regarde d’en bas et admire ; ce n’est plus le Bossuet de Versailles dont la main, brillant de l’émeraude donnée dans la mort par Madame Henriette, s’étend haut de la chaire sur le front pensif ou pénitent de Louis XIV ; ni ce prélat majestueux, ce grand artiste en dignité extérieure, qui ordonnait qu’on changeât dans ses jardins de Meaux un escalier en pente adoucie, pour que les flots moirés de sa robe violette traînassent derrière lui avec une décence plus grandiose.

962. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Après Rabelais, après Callot, après Voltaire, après le xviiie  siècle, nul n’aurait osé, puisqu’il faut dire le mot, croire au diable, et Chateaubriand, on s’en souvient, eut besoin de toutes les magies de sa païenne rhétorique pour faire accepter le démon à l’imagination retiédie d’une époque cadavéreuse d’athéïsme, qui croyait que c’était bien assez de revenir vers Dieu ! […] Voilà, en quelques mots bien courts et bien insuffisants, l’analyse d’un mémoire que tout le monde voudra lire, car il prend l’imagination au même degré que le désir et la faculté de connaître.

963. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

Georges-Maurice de Guérin, qui dans le monde aimait à porter le nom du Cayla (l’antique château de ses pères), fut un poète, ou, pour parler plus correctement, un écrivain d’imagination, qui mourut très jeune, en 1839, dans une obscurité contre laquelle, du reste, il ne s’est jamais révolté. […] Laissons-le d’abord entrer dans l’imagination contemporaine.

964. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

C’est un homme d’esprit, au contraire, qui compte par lui-même, qui est classé dans les lettres, — qui n’a jamais entièrement disparu dans la nuée d’or du génie de son frère, et qu’on y voit toujours comme une ombre touchante et fidèle… Il a eu longtemps l’imagination agile et légère, le caprice aimable et la fantaisie sans emportement. […] Alfred de Musset, cet amoureux immortel de femmes mortes maintenant, heureux par toutes, malheureux par une seule, a fini par mourir de celle-là… mais il a vécu par les autres, et vous n’empêcherez jamais l’imagination humaine, éprise de ses poètes, de s’intéresser à toutes celles qui ont doublé, par le bonheur qu’elles lui ont donné, les facultés du poète qu’elle a peut-être aimé le plus, et d’en désirer obstinément l’histoire.

965. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Les Méditations de Lamartine avaient mis leurs mains chastes et mélancoliques autour de tous les cœurs, mais, malgré un accent adorable, Les Méditations, même dans leurs parties les plus fières : l’Épître à Byron, L’Enthousiasme, Le Désespoir, n’avaient point eu ce ravissement sur l’imagination qu’eurent les premiers vers d’Auguste Barbier. […] André n’était que l’éphèbe de cette poésie ; Auguste Barbier devait en être l’homme, dans sa toute-puissante virilité… Quand il lança, de ce bras musclé qui rappelle les bras de Michel-Ange, ces premiers vers-flèches à la tête de la Révolution de 1830, ce que l’imagination avait rêvé sur ces grands noms : Archiloque et Tyrtée, dont on n’avait point les vers, fut réalisé pour elle !

966. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

Théodore de Banville a, de nature, l’imagination joyeuse. […] La sienne vient de l’imagination pure.

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