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552. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

L’imagination peut rêver sans terme l’allégresse triomphale et l’enthousiasme lyrique de ce dénouement, où le libérateur posait une couronne sur la tête du porte-flamme de l’humanité, en même temps qu’il le déliait de ses chaînes. […] C’est par là, comme par la magnificence de l’imagination, qu’il est un sublime lyrique. […] Mais, à cette heure, comment quitter encore ce sublime Eschyle, d’une âme si haute, d’une imagination si forte, d’un langage si magnifique, grand jusqu’à l’excès, dit un ancien, et offrant le passage du cantique céleste et de la prophétie à l’entretien des hommes ? […] Nul doute que, dans cette sève brûlante d’Eschyle, dans cette lave tragique coulant à pleins bords, la puissance lyrique ne dominât toujours, et sous les deux formes les plus naturelles, l’imagination et la morale, la description et la maxime. […] Mais l’ode était partout ; elle éclatait, à chaque nom célèbre couronné dans les jeux guerriers de la Grèce ; elle allait du continent aux îles, de Corinthe à Rhodes, de Syracuse à Lesbos : et, quand elle était tenue haute par le génie du poëte, en tout lieu retentissante, elle excitait sans cesse cette ardeur des âmes, cet amour de la vertu et de la gloire, cet enthousiasme de l’imagination, que deux fois dans l’année seulement, aux fêtes de Bacchus et de Minerve, le théâtre d’Athènes secouait sur la Grèce.

553. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Toutes les images qui ont passé devant ce miroir de son imagination vive et tendre s’y sont fixées comme, dans un courant limpide, les rameaux, les fleurs, les colombes du bord. […] Quant à l’imagination, elle y déborde ; le Romain en était sobre, parce qu’il en était pauvre. […] Jamais le lointain des lieux et des temps ne fut plus merveilleusement rapproché de l’œil et de l’imagination ; on porte l’Italie d’Horace dans sa main. […] Elle rappellerait plutôt un chant de Childe-Harold de lord Byron, glanant sur la surface de tout ce qui se présente à son imagination, mais ne glanant que des roses et du rire là où Byron glane des cyprès et des larmes. […] Rousseau dans ses Confessions dégoûtantes datées de Lyon, ne savent se préserver du cynisme, cette fétidité de l’âme qui infecte jusqu’à l’imagination.

554. (1885) L’Art romantique

Ceux qui n’ont pas d’imagination copient le dictionnaire. […] Cependant je suis convaincu que c’est là la méthode la plus sûre pour les imaginations riches. […] « L’imagination de Delacroix ! […] Son imagination, ardente comme les chapelles ardentes, brille de toutes les flammes et de toutes les pourpres. […] La vraie, la terrible, l’universelle Vénus se dresse déjà dans toutes les imaginations.

555. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Elle est une de ces fleurs qui surnagent sur les eaux, imagination flottante et tranquille, espoir toujours ouvert. […] Il a une imagination gasconne qui dépasse souvent mais qui m’amuse toujours. […] On est étonné du rachitisme des enfants que produit ce bon ménage d’imaginations sages. […] Son imagination est vive. […] Cette imagination a ses défauts, mais des défauts séduisants, parce que créateurs d’imprévu.

556. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1826 »

S’il n’y avait beaucoup trop de pompe dans ces expressions, l’auteur dirait, pour compléter son idée, qu’il a mis plus de son âme dans les Odes, plus de son imagination dans les Ballades. […] Si vous y ensevelissez vos facultés natives, votre imagination, votre pensée, elles n’en sortiront pas.

557. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

Tandis que dans l’Occident tout penchait vers sa décadence, tandis que les malheurs de l’empire, les invasions des Barbares, le mélange des peuples, le despotisme ou l’incapacité des princes, la terreur des sujets, l’esprit d’esclavage, le contraste même de l’ancienne grandeur, qui ajoute toujours à la petitesse présente, corrompaient le goût, et rétrécissaient à la fois les esprits et les âmes, on vit paraître un homme né avec une imagination brillante et forte, et à qui, peut-être, pour avoir les plus grands talents, il ne manqua que d’être né dans un autre siècle : c’était Claudien. […] Une imagination qui a quelquefois l’éclat de celle d’Homère, des expressions de génie, de la force quand il peint, de la précision toutes les fois qu’il est sans images ; assez d’étendue dans ses tableaux, et surtout la plus grande richesse dans ses couleurs ; voilà ses beautés.

558. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Vous rapprocherez avec une pareille justesse les pensées générales du temps où vivait Lucain, des fruits de son imagination épique. […] Ce trait d’imagination est sublime. […] Dès le second chant, les horreurs de la Saint-Barthélemy se déploient à l’imagination frappée du meurtre de Coligny, et du carnage d’un peuple proscrit par le fanatisme religieux. […] On ne saurait trop répéter ces inflexibles principes aux commençants, inquiets des objections du mauvais goût, et dérangés par le caprice de leur imagination. […] Il n’inventa ni les uns ni les autres, il les peignit tels qu’on les croyait ; seulement, sa forte imagination les réalisa mieux, et les agrandit encore.

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