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22. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

L’imagination consiste donc en une suite d’idées ; mais grande est la diversité de ces suites. […] Mais la même chose se produit dans l’imagination où il y a aussi des idées liées entre elles par l’association. Et cependant la mémoire n’est pas la même chose que l’imagination. Il y a donc dans la mémoire tout ce qu’il y a dans l’imagination, avec quelque chose de plus. […] La différence entre l’imagination et la mémoire continuera probablement, dit M. 

23. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

De l’esprit général de la littérature chez les modernes Ce ne fut pas l’imagination, ce fut la pensée qui dut acquérir de nouveaux trésors pendant le moyen âge. […] Le seul avantage des écrivains des derniers siècles sur les anciens, dans les ouvrages d’imagination, c’est le talent d’exprimer une sensibilité plus délicate, et de varier les situations et les caractères par la connaissance du cœur humain. […] L’éloquence enfin, quoiqu’elle manquât sans doute, chez la plupart des modernes, de l’émulation des pays libres, a néanmoins acquis, par la philosophie et par l’imagination mélancolique, un caractère nouveau dont l’effet est tout-puissant. […] comment éloigner le douloureux contraste qui frappe si vivement l’imagination ! […] Un certain degré d’émotion peut animer le talent ; mais la peine longue et pesante étouffe le génie de l’expression ; et quand la souffrance est devenue l’état habituel de l’âme, l’imagination perd jusqu’au besoin de peindre ce qu’elle éprouve.

24. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VII. De la physique poétique » pp. 221-230

À la tête, ils rapportaient toutes les connaissances, et comme elles étaient chez eux toutes d’imagination, ils placèrent dans la tête la mémoire, dont les Latins employaient le nom pour désigner l’imagination. Dans le retour de la barbarie au moyen âge, on disait imagination pour génie, esprit. […] En effet, l’imagination n’est que le résultat des souvenirs ; le génie ne fait autre chose que travailler sur les matériaux que lui offre la mémoire. […] Aussi les poètes théologiens dirent que la mémoire (qu’ils confondaient avec l’imagination) était la mère des muses, c’est-à-dire des arts. […] Corollaire relatif aux descriptions héroïques Les premiers hommes ayant peu ou point de raison, et étant au contraire tout imagination, rapportaient les fonctions externes de l’âme aux cinq sens du corps, mais considérés dans toute la finesse, dans toute la force et la vivacité qu’ils avaient alors.

25. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

» évoque tout à coup tant de spectacles dans l’imagination remuée et par là rendue difficile. […] Pour les autres, c’est-à-dire pour ces gens d’imagination moyenne qui est l’imagination publique, il ne faut ni de trop grands titres, ni de trop grands sujets. En France, cette imagination-là est une femme, et ce que les femmes préfèrent à tout, c’est le joli et le petit, qu’elles appellent « le gentil », avec des passions dans la voix. […] Mais qui peut répondre de cette tête que l’imagination a si vite enivrée ? […] Il continuera d’être ce qu’il a toujours été, — un talent d’imagination qui se surexcite jusqu’à la folie, et non pas jusqu’à celle qui épouvante.

26. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 3, que le merite principal des poëmes et des tableaux consiste à imiter les objets qui auroient excité en nous des passions réelles. Les passions que ces imitations font naître en nous ne sont que superficielles » pp. 25-33

Le massacre des innocens a dû laisser des idées bien funestes dans l’imagination de ceux qui virent réellement les soldats effrenez égorger les enfans dans le sein des meres sanglantes. […] Nous serions plusieurs jours avant que de pouvoir nous distraire des idées noires et funestes qu’un pareil spectacle ne manqueroit pas d’empreindre dans notre imagination. […] On dit bien encore qu’on a vû des hommes se livrer de si bonne foi aux impressions des imitations de la poësie, que la raison ne pouvoit plus reprendre ses droits sur leur imagination égarée. […] Son imagination alterée lui fit faire des extravagances semblables à celles que Cervantes fait faire en une folie du même genre, mais d’une autre espece, à son dom Quichotte, après avoir supposé que la lecture des prouesses de la chevalerie errante eut tourné la tête à ce bon gentilhomme. […] On peut même penser que le berger visionnaire dont je viens de parler, n’auroit jamais pris ni pannetiere, ni houlette sans quelque bergere qu’il voïoit tous les jours ; il est vrai seulement que sa passion n’auroit pas produit des effets aussi bizarres, si, pour me servir de cette expression, elle n’eût été entée sur les chimeres dont la lecture de l’Astrée avoit rempli son imagination.

27. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Les hommes à puissante imagination, tels que le Tasse, sont au nombre de ces victimes de leur propre supériorité. […] Un préjugé puéril met les poètes en suspicion de démence ; ce préjugé est né assez naturellement, dans le monde, de l’opinion que l’imagination prédomine exclusivement dans les poètes, et que cette prédominance de l’imagination seule les prédispose à l’égarement d’esprit. […] Ne sont-ce pas là toutes les ombres qui flottèrent plus tard sur l’imagination malade de J. […] La paix, la solitude, l’amitié, ne suffirent pas à apaiser son imagination inquiète à Bello Sguardo. […] Rousseau, dont l’imagination égare le cœur.

28. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Le génie combine les possibles ; son premier caractère est la puissance de l’imagination. — Son second caractère est la puissance du sentiment, de la sympathie et de la sociabilité. […] La première caractéristique du génie est donc la puissance de l’imagination. […] L’imagination ne fonctionne et n’organise les images en un tout vivant que sous l’influence d’un sentiment dominateur, d’une inclination, d’un amour. […] La distinction des génies objectifs et des génies subjectifs revient à la distinction de l’imagination et de la sensibilité ; chez les uns l’imagination, domine, chez les autres la sensibilité, nous ne le nions pas ; mais nous maintenons que la caractéristique du vrai génie, c’est précisément la pénétration de l’imagination par la sensibilité, et par la sensibilité aimante, expansive, féconde ; les talents de pure imagination sont faux, la couleur ou la forme sans le sentiment est une chimère. […] Nous sommes un peuple à imagination vive et à sympathie facile, un peuple éminemment ouvert de pensée et sociable de sentiment.

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