Je défie de plus tout Littérateur, d’oser avancer qu’il m’ait fourni, par écrit, je ne dis pas des observations, mais même une idée dont j’aye fait usage. […] Je ne me décide point d'après les idées d'autrui : je ne juge, comme vous, que d'après les regles imprescriptibles de la raison & du goût. […] Si, dans les Sciences, le Grand Homme, est celui-là seul qui a un caractere décidé, des principes fixes, un systême suivi de raison ou d'idées ; qui osera soutenir que M. de Voltaire mérite ce titre ? […] Pour tout dire, en un mot, il loue & blâme, dans ses Ecrits, le même Homme, la même action, la même vertu, le même vice, le même sentiment, la même idée. […] Celle-ci suffira pour vous donner une juste idée des autres.
L’esprit de M. de Talleyrand, de Mirabeau, de l’Assemblée constituante, l’esprit qui a pour objet la conquête des idées, au lieu de la conquête des territoires, était resté dans le cabinet des Tuileries. […] C’était naturel : les effets, en diplomatie comme en mécanisme, subsistent longtemps après la cause ; les traditions sont les idées de ceux qui n’en ont pas dans les négociations et dans les cabinets. […] Il ne s’agissait pas pour elle de conquérir du territoire, mais des idées. On se groupait par similitude d’idées, et non par similitude d’ambitions. […] XXVII La diplomatie de l’empire, tant qu’elle fut éclairée par le génie pacifique de 1789 personnifié dans M. de Talleyrand, n’abandonna jamais l’idée mère du duc de Choiseul, l’alliance autrichienne comme pivot solide de l’équilibre continental.
Alors, le cœur révolté contre l’Être, mais les yeux pleins du prestige de ses formes ; indigné des monstruosités de l’histoire, mais désarmé par l’intérêt de son mécanisme et ébloui par la richesse de ses décors ; soulevé contre le spectre des religions, mais apaisé par l’idée qu’un jour peut-être elles auront vécu ; conspuant l’humanité et l’adorant à la fois, il alla prendre pour héros l’antique rebelle, le premier après Lucifer qui ait crié : Non serviam ! […] Il y a dans le cri de Kaïn une âpreté plus superbe, s’il se peut, que celle du poète de la Nature, et une espérance non plus forte, mais moins vague et plus voisine de son objet, que celle du Titan voleur de feu La protestation du corps contre la douleur, du cœur contre l’injustice et de la raison contre l’inintelligible, devient, semble-t-il, plus ardente à mesure que l’industrie humaine combat la souffrance, que l’idée de justice passe dans les institutions et que la science entame les frontières de l’inconnu ; comme si l’homme, moins éloigné de son idéal, en subissait plus invinciblement l’attraction et se précipitait vers lui d’un mouvement plus furieux. […] La bizarrerie de leurs formes, la disproportion de leurs membres et l’absurdité de leur structure ne donnent point l’idée d’une personne et découragent l’anthropomorphisme où nous sommes enclins. […] Mais l’homme du moyen âge, si fort qu’il mange et qu’il boive, qu’il bataille et qu’il pille, subordonne pourtant cette existence, où sa lourde chair s’enfonce, à l’idée plus ou moins présente, mais rarement effacée, du ciel et de l’enfer. […] Il déroule cette histoire en une série de petites épopées lyriques, avec des surprises, des coups de théâtre, des explosions d’amour ou d’indignation, des vers immenses faits pour être clamés sur quelque promontoire, par un grand vent, dans les crépuscules Où Victor Hugo cherche des drames et montre le progrès de l’idée de justice, M.
Mais, si les considérations que j’ai émises tout à l’heure sont vraies, une telle comparaison entre Werther et les œuvres analogues qui l’ont suivi, même en se restreignant à celles qui ont le plus de rapport avec lui, ne serait rien moins qu’un tableau et une histoire de la littérature européenne depuis près d’un siècle : ce serait la formule générale de cette littérature, donnant à la fois son unité et sa variété, ce qu’il y a de permanent en elle et ce qu’il y a de variable, à savoir la forme que revêt, suivant l’âge de l’auteur, suivant son sexe, son pays, sa position sociale, ses douleurs personnelles, et au milieu des événements généraux et des divers systèmes d’idées qui l’entourent, cette pensée religieuse et irréligieuse à la fois que le Dix-Huitième Siècle a léguée au nôtre comme un funeste et glorieux héritage. […] Ne pouvant les suivre dans leurs utopies, il songeait, dans sa force, ou si l’on veut dans sa faiblesse, à tirer d’eux un utile parti ; avec ces hommes de foi, qu’il avait sous les yeux, il songeait à faire de l’art ; il ne s’abandonnait pas à leurs idées, il voulait seulement, comme un miroir fidèle, réfléchir leur image : il travaillait à son Mahomet 6. […] Rousseau, l’initiateur de ce mouvement, Rousseau, qui fit sortir l’art des maisons et des palais pour l’introduire sur une plus grande scène, et dont la poésie, sous ce rapport, est à la poésie de ses devanciers comme le lac de Genève est aux jardins de Versailles ; Rousseau, dis-je, avait en même temps, à un degré supérieur, l’idée générale, l’idée philosophique, l’idée sociale. […] La raison en est simple : la France seule s’était faite initiatrice ; l’Allemagne, au contraire, prétendait à l’immobilité, à la conservation, à la durée ; elle ne permettait à l’idéalisme naissant que d’agiter le cœur et la tête de ses enfants sans leur laisser croire à l’effet des idées, à l’activité possible, à la réalisation de l’idéal. […] Mais ceux qui la feront, cette poésie, ne reculeront pas sur leurs devanciers ; je veux dire qu’ils n’abandonneront pas cette élévation du sentiment et de l’idée, que l’on voudrait vainement flétrir du nom de folle exaltation.
Peut-être trouvera-t-elle dans le récit qu’elle lui demandera des principaux événements de sa vie, dans sa physionomie, dans son costume même, l’explication de la nature de son talent, de la forme de ses compositions, de la couleur de son style et du mouvement de ses idées. […] Comment supposer qu’un écrivain, au moment où il prend la plume, puisse se dépouiller des pensées qui l’agitent, des passions qui le dominent, pour revêtir des idées, des sentiments qui lui sont étrangers ? […] Les événements qui se passent sous les yeux d’un poète, la nature des lieux qu’il habite, l’air même qu’il respire, ont une influence directe, une action puissante sur ses idées, sur ses impressions, sur son style, sur son génie enfin. […] Comment ses conceptions, ses idées, son style même pourraient-ils ne pas s’en ressentira Les lois, les mœurs, les croyances surtout, ne sont pas moins à étudier que les lieux et les événements, dans l’appréciation du génie d’un poète. […] Ce n’est pas assurément que les idées viendront plus aisément et plus abondamment à la personne qui sait lire qu’à celle qui ne le saura point ; mais elle les exprimera avec plus de facilité, plus de justesse, plus d’élégance et plus d’énergie.
Nous donnerons quelque idée du wagnérisme à Munich en publiant une semaine wagnérienne de la Lœwenbraeu-Keller ; parmi les trois ou quatre grandes brasseries ou cafés qui donnent chaque soir, à Munich, des concerts, nous avons pris les programmes de la brasserie de Lœwenbraeu, jour par jour, pendant la semaine que nous avons passée à Munich ; les programmes des autres maisons ressemblent à ceux là. […] Bien que l’éminent chef d’orchestre n’ait d’autre souci que de faire œuvre d’art et que toute idée de spéculation lui soit étrangère, on conçoit aisément qu’il ait voulu mettre de son côté toutes les chances de succès. […] C’est là que Berlioz réalisa la conception si neuve de la célèbre « Idée fixe ». […] L’« Idée fixe » surgit encore ici à deux reprises58 ; d’abord lorsque Lélio, entendant ce motif, s’écrie : « Sirène ! […] majeur dite par l’alto solo et accompagnée par la harpe dans le premier mouvement. — « Ainsi que dans la Fantastique, un thème principal (c’est Berlioz lui-même qui parle) se reproduit dans l’œuvre entière, mais avec cette différence que, là-bas, l’« Idée fixe » s’interpose obstinément, comme une idée passionnée épisodique, au milieu des scènes qui lui sont étrangères et leur fait diversion, tandis que le chant d’Harold se superpose aux autres thèmes de l’orchestre, avec lesquels il contraste par son mouvement et son caractère, sans en interrompre le développement.
Ce dernier enlèvement paraît ce qu’il y a de plus grave et de plus déshonorant dans les idées de l’époque, comme cela eût pu l’être du temps de Nausicaa. […] Je vous montrerai à maintenir en paix la Castille et les autres royaumes pareillement : donnez-moi pour mari Rodrigue, celui qui a tué mon père. » Dans cette pensée de Chimène, il n’y a qu’une idée bien digne de ces temps de force et de violence. […] Il n’est pas défendu assurément de supposer que Rodrigue, qu’elle a vu à Bivar, n’a pas été sans lui plaire ; mais rien de cela ne perce ni ne se laisse deviner dans son air ni dans ses paroles ; sa franchise même éloigne le soupçon ; personne, après l’avoir entendue, n’a l’idée de sourire. […] L’outrage y est moins encore un fait qu’une idée. […] » Dans une autre romance, c’est le roi lui-même qui a l’idée de ce mariage et qui le propose à Chimène ; il semble que les convenances soient ainsi plus ménagées.