— Pour Marc-Aurèle qui, selon moi, est la plus belle âme de l’humanité, se soumettre à la nature était un mot d’un sens suffisant. […] Mon esprit, nourri hors des temps et des milieux, demeurera, dans mes livres, tout au service de l’humanité non conditionnée ; mon corps, au service du pays et de l’époque auxquels j’ai dû les bonheurs de l’amitié et la sécurité du travail.
Il n’y a pas de technicien qui n’ait vu dans la pointe de son minuscule savoir, le cap, dans sa personne, le phare de l’Humanité. […] Georges dans L’Humanité, Déc. 1931) voilà ce que de nos jours une dérisoire charité d’inspiration religieuse, offre aux chômeurs. […] De l’imagination même (toujours le prétexte de l’humanisme et des humanités) n’a-t-on pas exigé qu’elle se contente de broder, rebroder et rebroder encore des arabesques autour des thèmes anciens. […] Les méthodes introspectives réputées les plus audacieuses, à quoi il accepte de se soumettre — souvent par snobisme — à les supposer excellentes, parfaites quant à leurs résultats, devraient constituer un simple chapitre préliminaire de la science à la fois particulière et générale (triomphatrice de la vieille psychologie, analytico-métaphysique) qui, sans prétendre, par démagogie, à l’humain, à l’humanisme, aux humanités, à l’humanité, après avoir balayé les prétextes contemplatifs dont se prévaut l’individualisme, désignerait à l’homme sa place dans l’univers. […] Ce n’est pas l’humanité et la nature qui se modèlent sur ces principes, mais les principes ne sont vrais que dans la mesure où ils concordent avec la nature et l’histoire.
C’est ainsi enfin qu’un homme, de bien plus de talent vrai que tous ces faux monnayeurs de ce qu’ils appellent l’idée, et de bien plus de style que tous ces frappeurs de mensonges à l’effigie de la vérité ; c’est ainsi que Victor Hugo, jeté sur son île solitaire, et à qui les latitudes de l’espace, la liberté de l’étendue, la complaisance du vide, les ondulations de l’Océan, les orages, les bruits, les écumes, les senteurs âpres des vagues ont porté à la tête, agrandi les horizons, creusé les aperçus, donné souvent le sublime, quelquefois le vertige, attendri l’âme jusqu’à la sensibilité maladive du mal universel, et fait du cœur d’un poète le grand muscle sympathique universel de l’humanité souffrante ; c’est ainsi, disons-nous en fermant ce livre, que notre ami a pleuré ses larmes de colère sur son Patmos de l’Océan, et que ce saint Jean du peuple a cru écrire pour le peuple en écrivant en réalité contre lui ! […] « Oui, une société qui admet la misère… oui, une humanité qui admet la guerre, me semblent une société, une humanité inférieures, et c’est vers la société d’en haut, vers l’humanité d’en haut que je tends, société sans rois, humanité sans frontières… « Je veux universaliser la propriété, ce qui est le contraire de l’abolir, en supprimant le parasitisme, c’est-à-dire arriver à ce but : tout homme propriétaire et aucun homme maître.
Toutes les idées qu’il a de l’humanité ont eu pour source des observations qu’il a faites lui-même. […] Je crains, en y réfléchissant, qu’il ne place son héros d’abord un peu trop au-dessus, puis un peu trop au-dessous — ou en dehors — de l’humanité. […] La planète humaine voyage depuis si longtemps que l’humanité a disparu du globe terrestre : des strophes colorées (d’une imagination nette, mais peut-être un peu courte) nous le montrent entièrement reconquis par les plantes et par les animaux. Faustus et Stella délibèrent s’ils doivent le repeupler : ils communiqueraient leur omniscience à une humanité neuve et plus heureuse. « Non, dit la Mort : l’humanité défunte refuserait de revivre une vie exempte des tourments qui ont fait sa grandeur. » Et sur son aile, à travers les constellations, elle remporte les deux amants, parfaitement heureux désormais, puisque, s’ils n’ont pu accomplir le sacrifice, ils l’ont du moins tenté.
Il arrive que sous l’impérieux flux de paroles l’on découvre le cours mince et lent de la pensée, le pauvre motif de certains passages de bravoure, la psychologie rudimentaire des personnages, l’impuissance des descriptions à montrer les choses ; l’humanité et le monde réels presque exclus de cent mille vers et de cent mille lignes, tout ce dénûment du fond sous la luxuriance de la forme font de l’œuvre du poète un ensemble hérissé et creux, analogue au faisceau massif de tours qu’une cathédrale érige sur une nef vide. […] On peut déjà prévoir quels seront les types plus achevés qu’imaginera un poète auquel les grandes catégories de l’humanité se présentent sous cet aspect. […] Tout l’au-delà de cette humanité chimérique lui est d’habitude inconnu. […] Les personnages y sont des héros ou des monstres : de Javert le « mouchard marmoréen » à Gauvain, le général de trente ans qui possède « une encolure d’hercule, l’œil sérieux d’un prophète et le rire d’un enfant… » Fantine, Mme Thénardier « la mijaurée sous l’ogresse » sont au-delà des deux frontières extrêmes de l’humanité, de même que les guerriers de la Légende des Siècles sont plus grands que des statues. […] Brocat était définitive, si la faculté du langage devait avoir pour organe la troisième circonvolution fronlale gauche, on pourrait affirmer à coup sûr que cette partie chez le plus merveilleux orateur de l’humanité, doit présenter un développement monstrueux.
En effet, ce qui fait la matière principale de sa sociologie, c’est le progrès de l’humanité dans le temps. […] Et en effet, il s’agit si bien d’une représentation toute subjective que, en fait, ce progrès de l’humanité n’existe pas. […] Si encore les plus récentes continuaient celles qui les ont précédées, chaque type supérieur pourrait être considéré comme la simple répétition du type immédiatement inférieur avec quelque chose en plus ; on pourrait donc les mettre tous bout à bout, pour ainsi dire, en confondant ceux qui se trouvent au même degré de développement, et la série ainsi formée pourrait être regardée comme représentative de l’humanité. […] Il fait des sociétés, et non de l’humanité, l’objet de la science ; seulement, il donne aussitôt des premières une définition qui fait évanouir la chose dont il parle pour mettre à la place la prénotion qu’il en a. […] Car si nous n’avons le choix qu’entre une coopération tyranniquement imposée et une coopération libre et spontanée, c’est évidemment cette dernière qui est l’idéal vers lequel l’humanité tend et doit tendre.
On peut, comme le font les naturalistes, les ethnographes et les historiens, procéder par la statistique dans l’examen des caractères distinctifs de l’humanité. […] Et d’abord, si l’on se met à recueillir tous les caractères vraiment distinctifs de la nature humaine, tels que l’histoire nous les donne, pourquoi s’attacher exclusivement à la moralité et à la religiosité pour en faire le type propre de l’humanité ? […] L’humanité se révèle jusque dans les actes les plus simples de la vie matérielle. […] C’est donc au témoignage direct de la conscience qu’il faut recourir pour s’assurer que tel caractère donné par l’expérience historique est ou n’est pas essentiel à l’humanité. […] Et alors qu’y a-t-il d’étonnant à ce qu’il se trompe dans ses inductions, à ce qu’il confonde une institution transitoire avec une loi de notre nature, à ce qu’il prenne pour une faculté primordiale, pour un principe constitutif de l’humanité, ce qui n’est que le résultat d’un concours de facultés primitives ?