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1030. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Épicure est un bienfaiteur de l’humanité, d’après Lucrèce, et beaucoup de grands esprits ont pensé de même, jusques et y compris Anatole France. […] C’est l’œuvre essentielle des philosophes, formulée enfin par la Constituante dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui demeure la charte de l’humanité civilisée. […] Mais le grand homme de tout ordre, et particulièrement de l’ordre intellectuel, est le grand artisan des choses humaines, en même temps que l’honneur de l’humanité. […] Tel est l’étrange besoin qu’éprouve l’humanité de se forger des terreurs et du merveilleux que la science, après en avoir tant dissipé, alimente de nouveaux contes de nourrice. […] La littérature digne de ce nom, à la fois art et science, est le plus haut aliment spirituel et l’œuvre la plus divine qu’accomplisse l’humanité.

1031. (1898) Essai sur Goethe

Vous ne les admirez point pour cela, tant s’en faut ; mais vous ne vous indignez pas non plus contre eux : vous les considérez comme de moyens exemplaires d’une ordinaire humanité, qui exercent sans noblesse, bien qu’avec correction, leur métier d’hommes […] Goethe, lui, ne soupçonne pas même de telles anxiétés : « Je suis ce que je suis, semble-t-il dire, et cela signifie un être supérieur, une fleur suprême de l’humanité ; comment suis-je parvenu à ce haut épanouissement ? […] de l’humanité, de la nature, rien de plus, mais en abondance ! […] Frère cadet de Saint-Preux, Werther a pris de son aîné les plus désagréables manies : vaniteux, ombrageux comme lui, il aspire de même à se tirer à part de l’humanité, pour admirer à l’aise la perfection de ses qualités naturelles. « Si Werther et Saint-Preux s’étaient rencontrés dans la vie, dit justement M.  […] Il les a bien traitées : elles bénéficient toutes de sa volonté de ne voir et de ne rencontrer que des exemplaires irréprochables de l’humanité, décorés des vertus qu’il regardait alors comme les plus hautes, tous beaux, tous intelligents, tous bons, du moins selon l’idée qu’il se faisait de la bonté, de l’intelligence, de la beauté.

1032. (1813) Réflexions sur le suicide

Un courage intrépide Vous distingue personnellement entre tous les braves, mais ce courage est dirigé par une bonté non moins sublime ; le sang des guerriers, les pleurs du pauvre, les inquiétudes même du faible sont l’objet de Votre humanité prévoyante. […] Pourquoi donc quelques gouttes de la coupe qui les élève au-dessus de l’humanité, ne seraient-elles pas salutaires pour tous ? […] La volonté toujours momentanée d’un être humain donnait-elle à son semblable le droit d’enfreindre les principes éternels de la justice et de l’humanité ?

1033. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Je crois que Raphaël dessine bien, et que Titien est un admirable coloriste, que Voltaire écrit comme pense un homme d’esprit, et que Byron chante comme l’humanité pleure, surtout dans Don Juan ! […] Mais en y songeant mieux, revoyant sans fumée, D’une vue au matin plus fraîche et ranimée, Ce tableau d’un poète harmonieux, assis Au sommet de ses ans, sous des cieux éclaircis, Calme, abondant toujours, le cœur plein, sans orage, Chantant Dieu, l’univers, les tristesses du sage, L’humanité lancée aux océans nouveaux… — Alors je me suis dit : Non, ton oracle est faux, Non, tu n’as rien perdu ; non, jamais la louange, Un grand nom, — l’avenir qui s’entr’ouvre et se range, Les générations qui murmurent : C’est lui ! […] Les Géorgiques ont des choses, mais ce n’est pas encore l’humanité.

1034. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

L’épopée s’anime et devient le drame le plus miraculeux, le plus naturel et le plus surnaturel de tous les drames conçus par le génie religieux de l’humanité. […] Elles sont pour les natures contemplatives, qui veulent sur ses traces pénétrer dans les profondeurs du monde et de l’humanité. […] Ce ne sont plus les mers, les degrés, les rivières, Qui bornent l’héritage entre l’humanité.

1035. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Toute la destinée de l’humanité se résume pour lui dans le sombre tableau que trace Thomas Graindorge pour l’instruction de son neveu. […] Or, ce railleur est tellement ingénu qu’il est un des trois ou quatre de nos contemporains qui ont fait des tragédies  oui, des tragédies en cinq actes où tout est pris grandement au sérieux, où se déroulent des événements imposants, où des personnages royaux se débattent dans des situations douloureuses et terribles, où s’entre-choquent les passions les plus violentes et où s’énoncent en alexandrins les sentiments les plus nobles et les plus hauts dont l’humanité soit capable. […] Il s’en est remis un jour, du salut de l’humanité, à quelque capucin qui tout à coup surgira… Bref, il est comme exilé dans son grand style.

1036. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Je suis encore la nation des grands sentiments, le peuple des grands réveils, la terre des grands sursauts de l’humanité ! […] Je ne répondrais pas même qu’à l’avènement de Louis XVIII ramenant la paix nécessaire et présentant la liberté future à la nation, un soupir involontaire d’humanité et de bonne espérance ne se soit échappé de la poitrine du poète citoyen. […] Son talent, c’était sa nature ; sa popularité, c’était son patriotisme ; sa puissance, c’était son humanité !

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