Et soyez sûr qu’il a conscience de ce privilège de jeunesse immortelle, qui ne révèle sa durée que par le temps qu’il faut aux choses humaines pour atteindre à leur perfection ; soyez-en sûr, car, aujourd’hui, dans le plein jour de ses Œuvres complètes, il a daté avec insouciance tous ses poèmes et s’est vanté très-haut de son droit d’aînesse dans la littérature du xixe siècle. […] Ce n’est pas le Moïse vrai, historiquement peut-être, le Moïse hébreu et biblique, mais quel beau Moïse humain, profond à la manière moderne, car il n’y a que les modernes qui soient profonds ! […] Quelle douleur que celle de cette Fonction, trop près de Dieu, où l’air n’est plus respirable pour une créature humaine, et quel amour de la mort, et quelle simplicité auguste dans la plainte ! […] C’est l’interprétation de la générosité divine par la plus touchante des générosités humaines.
Je suis intimement convaincu qu’il avait en lui la racine de toutes les poésies, mais il fut plus spécialement entraîné vers la poésie dramatique et l’étude de la nature humaine, et pour creuser dans cette poésie-là et dans cette étude, il n’avait pas besoin de l’émotion de ces voyages qui furent peut-être nécessaires au génie du poète de la Lusiade et du chantre de Childe Harold. […] — peut facilement supporter ; mais aimer quand la vieillesse est venue, quand le cœur, selon la loi vulgaire applicable aux créatures humaines, devrait être froidi et se sent jeune encore, par le fait de la loi d’exception qui s’applique aux créatures supérieures, c’est, à coup sûr, le malheur suprême, et Corneille, le sévère, le majestueux, le Romain Corneille, l’a connu ! […] Lui, l’homme des héros et d’un Idéal trop haut pour n’être pas étroit, l’homme à qui on a reproché de pousser la nature humaine jusqu’à l’abstraction, à la plus impossible des abstractions, sentit sur le tard de sa vie combien cette malheureuse nature humaine est concrète.
Ce n’est pas non plus le spectacle des douleurs humaines. […] Ce qui est sacré, non, ce n’est pas la personne humaine en soi, c’est l’idée de la fraternité humaine. […] Elle a été une force humaine, et elle a créé des forces. […] Ce n’est pas très flatteur pour la société humaine. […] Les sociétés humaines ne sont pas toutes les mêmes, et une société humaine n’est pas toujours la même.
En travaillant à son Livre des Faussetés des Vertus humaines, il n’a pas songé que le plus mauvais service qu’on puisse rendre à un Auteur substantiel & profond, c’est de le commenter. […] Les Maximes de la Rochefoucaut sont entre les mains de tout le monde, & la Fausseté des Vertus humaines est entiérement oubliée.
Cette doctrine suppose un grand fonds de confiance dans la nature humaine. […] Laboulaye ne paraît pas douter que si la liberté la plus entière d’association et de propagande était laissée à toutes les communions, à toutes les sectes anciennes ou nouvelles, ce serait la doctrine chrétienne, évangélique et noblement spiritualiste des Channing, des Vinet, des Tocqueville, qui l’emporterait en fin de compte et qui prendrait le dessus : et ainsi du reste, dans toutes les branches de l’activité humaine. […] En un mot, sans faire injure à aucune entre les différentes formes d’institutions existantes, je crois à des hommes et à des génies gouvernants, et j’estime que, dans toutes les variétés de vocations et de capacités humaines, c’est celle-ci qui tient le premier rang. […] Lanfrey, d’appartenir à l’espèce humaine, lorsqu’on songe à ce qu’elle fait de l’enseignement de ses plus glorieuses intelligences. » M. […] Chateaubriand, dans le déshabillé, fait terriblement bon marché de son parti et de ses amis ; Benjamin Constant se raille plutôt des doctrines et de la sottise humaine : leur masque, à tous deux, leur tombe à chaque instant.
Il devait les écrire, car l’avènement du christianisme forme, pour les peuples d’Occident, le nœud du grand drame humain. J’ai dit ailleurs26 pourquoi certains esprits regardaient cet avènement comme une immense calamité, et qu’ils me semblaient bien sûrs de leur fait, et qu’une âme riche et complètement humaine devait être païenne et chrétienne à la fois. […] Quels sont les masques humains que rendra de préférence un vieux savant comme Sylvestre Bonnard ? […] Cette vision de petites portions de la comédie humaine par un vieux membre de l’Institut très savant et très bon, c’est ce qu’on peut imaginer de plus délicieux. […] Mais cette ironie, n’étant en somme que la conscience toujours présente du mystère des choses et de la fragilité des destinées humaines, implique la bonté, la pitié, la tendresse — une tendresse pleine de pensée et d’autant plus profonde.
Cette servitude énorme s’ajoute pour eux aux servitudes qui pèsent toujours sur les jugements humains. […] Un prince ne peut pas vivre en pleine mêlée humaine, vivre dans la rue, aller où il lui plaît, frayer tranquillement avec des gens de toute classe. […] Mais ce voyage philosophique à travers les compartiments de la société humaine n’est possible, comme j’ai dit, que si l’on part du plus bas. […] Il n’y a pas à dire, le grand Condé était laid, si la laideur consiste dans un éloignement par trop audacieux des proportions moyennes du visage humain. […] Aucun acte humain n’a des conséquences ni si immédiates, ni si lointaines, ni si sérieuses, que celui d’un général en chef.