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421. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Enfin l’accent même de la critique, à chaque époque où elle se doit renouveler, se renouvelle au juger et au toucher de ces belles œuvres, qui sont restées l’honneur et le respect de l’esprit humain. […] Attribuer cette ruine à l’Essai sur les mœurs, à La Pucelle, à l’Encyclopédie, ce serait leur faire trop d’honneur. […] L’affliction de plusieurs hommes d’honneur fut sincère et profonde. […] » Pour celui qui a l’honneur de tenir la plume du critique, il y aura toujours beaucoup à glaner dans l’étude et dans la contemplation de l’œuvre des maîtres. […] Il faut encore un certain mérite pour qu’un homme d’une certaine valeur vous fasse l’honneur de vous examiner, de la couronne d’or aux talons rouges, de l’éventail au brodequin.

422. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Ainsi, monsieur, quittez un dessein si contraire à votre honneur et à votre repos. […] Cette production, quoique indigne d’un semblable honneur, fut opposée par quelques hommes de lettres à celle de La Fontaine. […] Molière, forcé de garder la chambre, remit à Chapelle le soin de faire les honneurs de la maison. […] Saisissons le moment qui nous fasse le plus d’honneur, et qui réponde le mieux à notre conduite. […] Enfin il arriva toujours tremblant chez M. de Montausier, qui l’embrassa à plusieurs reprises, le loua, le remercia, et lui dit qu’“il avait pensé à lui en faisant Le Misanthrope, qui était le caractère du plus parfaitement honnête homme qui pût être, et qu’il lui avait fait trop d’honneur, et un honneur qu’il n’oublierait jamais”.

423. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Cette jeune école de travailleurs, plus épris de l’étude et de l’honneur que du profit, s’était groupée autour de l’estimable éditeur M.  […] Au milieu de la grossièreté des mœurs, nous comprenons par là l’une des délicatesses de l’honneur féodal ; nous en sentons les nuances, et nous mesurons la force du nœud mieux que nous ne l’aurions pu par toutes les définitions ; nous saisissons aussi des accents de nature profonde et d’humanité : ces hommes à la rude écorce et au cœur de chêne avaient des fibres tendres et savaient pleurer. […] Cette mère qui avait obtenu merci, la veille, et promesse de sauvegarde pour son abbaye ; ce serment violé ; ce double sacrilège commis par un féroce baron sur des nonnes innocentes ; ce fils pieux enchaîné par l’honneur à son seigneur indigne ; approuvé, la veille encore, pour son effort de loyauté, par sa mère, et qui voit brûler cette mère qu’il vient seulement de retrouver, d’embrasser, — qui arrive trop tard pour la sauver, et qui, pour consommation dernière, voit son psautier brûler sur sa poitrine ; image admirable et sainte ! […] Victor Hugo lui-même, qui aime si sincèrement le moyen âge, et qui est habitué à être si souvent vainqueur dans l’arène lyrique, ne m’en voudra certainement pas si j’estime que, pour cette fois, sur le terrain d’une épopée limitée, l’avantage reste du côté du vieux trouvère sans renom, Bertrand de Bar-le-Duc, à qui échoit cet honneur insigne dans le concours ouvert à l’improviste après six cents ans. […] tandis que les grands poèmes chevaleresques et les nobles sujets qu’ils traitaient se sont perdus avec le temps, ont été oubliés et n’ont laissé de souvenir que ce qu’il en fallait pour être parodiés, tandis que la grande et hautaine branche des Chansons de geste s’est desséchée et a péri, la branche plus humble des Fabliaux, et plus voisine de terre, n’a cessé de verdoyer, de bourgeonner et de fleurir ; ces vieux récits n’ont cessé de vivre, de se réciter, de se transmettre, et les auteurs connus, qui ont eu l’honneur de nous les conserver en les variant à leur guise, n’ont fait le plus souvent qu’hériter des inconnus qui leur en ont fourni la matière et soufflé l’esprit.

424. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Outre ces introducteurs, un individu, revêtu du titre d’alcoviste, était le chevalier servant de la dame : il l’aidait à faire les honneurs de sa maison et à diriger la, conversation ; rôle sans conséquence, parce que, selon Saint-Évremond, une précieuse faisait consister son principal mérite il aimer tendrement son amant sans jouissance, et à jouir solidement de son mari avec aversion ». […] La jeune noblesse se fit particulièrement un point d’honneur de porter ses premières armes en Piémont sous le lieutenant général du royaume, Brissac, grand et illustre capitaine, qui affectait dans son gouvernement la magnificence d’un souverain. […] « C’était, à tout prendre, comme l’a dit Boileau, une fille qui avait beaucoup de mérite, et passait pour avoir encore plus d’honneur et de probité que d’esprit. » Un certain mérite est toujours nécessaire à qui veut être à la tête d’un parti ; et, après tout, le ridicule de la préciosité n’était pas ignoble. Dans un siècle frivole, de bel esprit, de mauvaises mœurs, sous un gouvernement absolu, la satire, la comédie satirique, devaient être en grand honneur ; les bonnes qualités ne rachetaient pas le ridicule ; après le besoin de parler était venu le besoin de rire. […] Le cas qu’il faisait de Chapelain ne l’avait pas empêché de le sacrifier à la risée générale : Qu’on vante en lui la foi, l’honneur, la probité, Qu’on prise sa candeur et sa civilité.

425. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Il citait gaiement la correspondance qu’il avait eue avec son père, le jour qu’il fut nommé colonel du régiment de son nom et duquel son père était le colonel propriétaire : Monseigneur,   J’ai l’honneur d’informer Votre Altesse que je viens d’être nommé colonel de son régiment. […] Ce moqueur, qui nous fait ainsi les honneurs de son père, a dit d’ailleurs, en rendant plus de justice à ses hautes qualités : « Il avait une grande élévation, et était aussi fier en dedans qu’en dehors. » La dernière fois qu’il le vit, après quelques détails d’affaires dont son père, déjà malade, le chargea, en ajoutant : « Au reste, cela vous regarde plus que moi, puisque… » ; ce puisque, confesse-t-il, qui exprimait la certitude d’une fin prochaine, le fit fondre en larmes. […] Jeune, il a pourtant une autre religion encore que celle de plaire, et qui le domine avant tout, celle de la gloire et de l’honneur militaire. […] C’est le revers de la médaille, mais à ce revers même il montre encore l’honneur : Un passe-droit, une injustice, ou trop peu de justice ou de grâce, vous donne quelquefois des regrets d’avoir sacrifié vos jours à la patrie : ah !

426. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Parfaitement honnête homme et homme d’honneur dans son procédé et ses actions, il n’avait pas, en écrivant, la même mesure morale que nous ; il voyait de l’hypocrisie là où il n’y a qu’un sentiment de convenance légitime et une observation de la nature raisonnable et honnête, telle que nous la voulons retrouver même à travers les passions. […] Aucune morale, aucun principe d’honneur : il est seulement déterminé à ne pas simuler de l’amour quand il n’en a pas ; de même qu’à la fin, quand cet amour lui est venu pour Clélia, la fille du triste général Fabio Conti, il y sacrifiera tout, même la délicatesse et la reconnaissance envers sa tante. […] Les jolies descriptions de paysage, les vues si bien présentées du lac de Côme et de ses environs, ne sauraient par leur cadre et leur reflet ennoblir un personnage si peu digne d’intérêt, si peu formé pour l’honneur, et si prêt à tout faire, même à assassiner, pour son utilité du moment et sa passion. […] Pauline, dans Corneille, me représente bien l’idéal de cet amour, où il entre des sentiments divers, et où l’élévation et l’honneur se font entendre.

427. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Et cela seul ne fait-il pas honneur au souverain qui l’avait choisi, et qui apprécia de bonne heure l’utilité dont il pouvait être, d’avoir pris goût à cette nature parfaitement droite, sincère, qui, dès qu’on la questionnait, disait vrai et répondait juste, et n’eût pu s’empêcher de le faire ? […] Être homme de lettres, — entendons-nous bien, l’être dans le vrai sens du mot, avec amour, dignité, avec bonheur de produire, avec respect des maîtres, accueil pour la jeunesse et liaison avec les égaux ; arriver aux honneurs de sa profession, c’est-à-dire à l’Institut ; avoir un nom, une réputation ainsi fixée et établie, c’était alors une grande chose : il y avait, et parmi les auteurs et dans le public, comme un sentiment de religion littéraire. […] vous avez traité on ne peut mieux l’assemblée, votre sujet et le saint qui partageait avec vous les honneurs de la fête. […] En reconnaissant des défauts de goût et peut-être de caractère chez Alexandre Duval, il faut pourtant honorer en lui le producteur courageux et fécond qui, au milieu des hasards de sa veine, a trouvé des inspirations heureuses dans des genres différents (Maison à vendre, Édouard en Écosse, Le Tyran domestique, La Fille d’honneur).

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