Pendant le règne des Bourbons, tous ces hommes se sont vantés de leurs trahisons, qui étaient devenues des titres aux récompenses, des motifs d’orgueilleuse indiscrétion. […] Il est positif que, depuis son retour, l’Empereur a rappelé toutes ses vieilles bandes, qu’elles arrivent de tous les coins de la France, amenant avec elles des jeunes gens que leur exaltation a électrisés ; que l’Empereur a aujourd’hui tout équipés 250,000 hommes de troupes, dont chaque soldat croit valoir quatre hommes ; qu’à la fin de ce mois, il aura 50,000 hommes de plus, et à la fin de mai, 400,000 encore ; ils sont là, on les équipe. […] Thiers un tout autre homme pour la crédulité que ne saurait l’être un esprit si sagace et si clairvoyant. […] De même pour les conversions, je les laisse aux hommes religieux et dans l’ordre mystique également. […] Mme de Staël, prise à témoin peu de temps après, répondait à la comtesse : « Je suis de votre avis sur Sismondi ; c’est un homme de la meilleure foi du monde.
Il est plus difficile qu’on ne le croirait de saisir tout d’une venue les grands hommes en tout genre : il faut du temps et passer par plus d’un degré pour arriver à les embrasser dans leur ensemble. […] Nous avons commencé par épeler certains hommes : mieux informés, plus éclairés sur eux, accoutumons-nous à les lire couramment, à les embrasser d’un coup d’œil et dans leur unité. […] Ce n’est pas la bonne méthode de prendre les grands hommes de biais ou au rebours ; ne faisons pas une guerre de chicane à ces hautes natures. […] Napoléon n’était pas homme à se contenter de faire de la France un pré carré, et je puis dire que la France de 1800, la France consulaire n’était pas femme à s’en contenter non plus. […] Il me paraît inconcevable que l’homme qui a une fortune aisée et un beau nom sacrifie tous ses avantages, toutes ses affections, pour intriguer, et c’est bien là le cas de M. de Stein.
Saint-Simon, qui conteste la noblesse de tout le monde, a contesté celle de Chaulieu : il l’a qualifié « homme de fort peu, mais de beaucoup d’esprit, de quelques lettres, et de force audace ». […] Je vois bien que je n’avais vécu jusque-là que dans l’état d’innocence, et j’avais cru à tout le monde le cœur fait comme moi ; je me suis bien trompé, mais je ne saurais me repentir de l’avoir été pour n’avoir jugé de l’âme des hommes que par ce que je sentais. […] J’ai dit qu’il y a deux aspects du siècle ou règne de Louis XIV, l’aspect apparent, imposant et noble, et le revers, le fond, plus naturel, trop naturel, et où il ne faut pas trop regarder ; ajoutons seulement qu’à une certaine heure, et au plus beau moment du règne, deux hommes montrèrent, en plus d’une œuvre, ce que pouvait le génie en unissant les deux tons, en rompant en visière au solennel, et en faisant parler hautement et dignement la nature : ces deux hommes sont Molière et La Fontaine. […] Ce n’est pas que nous valions mieux au fond : pris en masse, les hommes en tout temps se valent, et ils se donnent en général le plaisir de faire à peu près tout le mal qu’ils peuvent. […] Il va en tout aux raisons solides et prend avec précision la mesure des hommes.
Walckenaer, dont c’est le meilleur ouvrage littéraire ; on n’a plus qu’à lui emprunter les principaux faits qui donnent à connaître le caractère de l’homme. […] Il était l’homme de l’instinct, du génie naturel, des penchants divers et abandonnés ; on le pourrait définir le plus naturel des hommes, et qui n’avait toute sa réflexion que quand il rêvait. […] Nul en son temps n’a plus spirituellement que lui réfuté Descartes et les cartésiens sur l’âme des bêtes, et sur ces prétendues machines que ce philosophe altier ne connaissait pas mieux que l’homme qu’il se flattait d’expliquer aussi. […] En deux mots, Lamartine vise habituellement à l’ange, et La Fontaine, s’il semble élever les bêtes jusqu’à l’homme, n’oublie jamais non plus que l’homme n’est que le premier des animaux. […] Je ferai remarquer encore qu’il y a sous l’idéal de Bernardin de Saint-Pierre un arrière-fond de réalité, comme il convient à un homme qui a beaucoup vécu de la vie pauvre et naturelle.
… Toujours est-il que l’homme que cherchait Pascal dans les livres, n’est pas ici. […] L’un des plus réussis, c’est l’orgie des pétroleuses sous la Commune, au palais de la Légion d’Honneur, pendant que leurs hommes sont à la bataille. […] Ce sont les mémoires de tout un monde, mais de tout un monde réfléchi dans un homme qui nous en renvoie l’image, en la teignant de ses propres sensations. […] L’homme, qui a dans sa tête de grandes pensées et dans sa vie de grandes actions, peut rester célibataire, comme Dieu. […] Mais ces hommes avaient du génie, et pour faire ce qu’ils ont fait, il ne fallait pas moins que cela.
Chacun prétendit expliquer l’homme et le monde, et par surcroît sauver l’humanité. […] Défendu par des hommes médiocres, le système eût réussi, tant il était populaire ; défendu par des hommes de talent, dont quelques-uns eurent quelquefois du génie, il devait tout abattre et tout subjuguer. […] Il n’a guère pour adversaires déclarés que des hommes pleins de bonhomie qui rédigent le calendrier et le bréviaire d’une religion future, ou des hommes pleins d’imagination qui fabriquent des épopées philosophiques en prose. […] Le système reste maître de l’enseignement, professeur et possesseur des générations qui naissent, défendu par une escorte d’hommes instruits, d’hommes de talent et d’hommes de cœur. […] Quoi qu’il en soit, et quoi qu’il arrive, aujourd’hui tout homme un peu versé dans l’histoire prévoit l’effet de son travail.
et combien ces hommes politiques ? […] Et, tout au rebours de l’homme politique ou du prédicateur, qui ne nous persuadent qu’autant qu’ils sont l’homme de leur discours, l’avocat n’est pas plus tenu que l’acteur d’être l’homme de son rôle ; — si même, comme l’acteur, son triomphe n’est pas de rester maître de soi, impassible, indifférent, et supérieur à l’émotion qu’il excite. […] On sait qu’ils étaient les plus secs des hommes, et les plus courts d’haleine. […] En revanche, il y a deux hommes à qui je ne trouve pas que M. […] Ce sont là, je crois, presque tous les maîtres ou tous les futurs grands hommes de la « décadence ».