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335. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

J’ai entrepris une tâche plus difficile qu’il ne semble et qui est peut-être prématurée ; j’essaye d’appliquer l’étude critique littéraire, le goût de la littérature pure et simple, cette curiosité libre et heureuse, bienveillante et innocente, à quelque chose et à quelqu’un qui n’est pas de cette nature-là, à un combattant énergique, ardent, tour à tour blessant et blessé, qui est encore tout palpitant, tout saignant et outrageux, étendu sur l’arène. […] Villemain) et qui, plus heureux à d’autres jours, l’essaye cette fois vainement, comme on le renvoie à ses livres ! […] Les vers les plus heureux Sont faits par des rêveurs ou par des amoureux. […] Cette heureuse boutade se rencontre dans Çà et Là.

336. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Un excellent critique a déjà noté la singularité de ces heureux hasards, et en a touché la raison. […] Brizeux, et qui, chaque jour, s’accentue davantage, est d’un heureux augure pour son poëme des Bretons, dont la composition l’occupe depuis longtemps. […] Enfin, en achevant de mûrir, le talent arrive à d’heureux résultats encore, plus approfondis peut-être, plus concentrés ; mais désormais un certain rayon qui se joue et la fraîcheur du premier duvet ont disparu. […] Ce cadre heureux fourni par la réalité, le poëte l’a simplement et largement rempli ; il est ici dans sa première manière et s’abandonne avec moins d’art à une sensibilité plus facile et plus courante.

337. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Né sous le ciel des tropiques, au sein d’une nature à part, dont il ne cessa de se ressouvenir avec amour, il ne semble jamais avoir songé à ce que le hasard heureux de cette condition pouvait lui procurer de traits singuliers et nouveaux dans la peinture de ses paysages, dans la décoration de ses scènes champêtres. […] Grétry, dans le même temps, arrivait à Liége, et y recevait des ovations patriotiques que la correspondance de M. de Sainte-Croix mentionne et que Léonard eût été heureux d’enregistrer. […] Plus heureux peut-être quand on n’y aborde jamais ! […] Le bonheur ne court pas le monde ; Il faut vivre où l’on est heureux.

338. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

  Tiberio Fiurelli, qui s’incarna dans ce caractère, était déjà venu en France en 1639 et en 1640 ; il lui arriva à cette époque l’heureuse aventure que voici : « Un jour qu’il était avec Aurelia (Brigida Bianchi) dans la chambre du dauphin qui fut depuis Louis XIV, le prince, qui avait alors deux ans, fut de si mauvaise humeur que rien ne pouvait apaiser sa colère et ses cris. […] Elle composa et publia à Paris, en 1659, une comédie intitulée : L’Inganno fortunato overo l’Amata aborita (« l’Heureuse tromperie ou l’Amante abhorrée », un titre à l’italienne, s’il en fut jamais). […] On pense bien, toutefois, qu’à ce moment où il entrait dans la carrière du théâtre, Molière avait prêté une vive attention aux Italiens, ses trop heureux concurrents. […] « Première conclusion : Il n’est rien de plus dangereux Que l’étude et que la science, Et rien ne nous rend plus heureux Que la paresse et l’ignorance.

339. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Il demeura au Bec trente-trois ans, y étant devenu prieur trois ans après son entrée, puis abbé durant quinze années encore (1078-1093) ; ce fut le temps le plus heureux, le plus égal et le plus regretté de sa vie, d’ailleurs si remplie. […] Enfin, un jour, il fut plus heureux, et il écrivit aussitôt l’espèce d’allocution et de prière où il s’empressa de l’encadrer ; car, chez Anselme, c’est toujours la prière qui précède et qui suit les opérations de la science ; chez lui, ce n’est pas la raison qui cherche la foi, c’est la foi fervente et sincère qui cherche simplement les moyens de se comprendre et, pour ainsi dire, de se posséder par le plus de côtés possible ; c’est la foi, comme il le définit excellemment, qui cherche l’intelligence d’elle-même. […] Et il ajoute dans une note, en développant un peu la pensée de Descartes : « Il faut avouer que tous ces raisonnements abstraits sont assez inutiles, puisque la plupart des têtes ne les comprennent pas. » Il est heureux, au point de vue religieux et moral, que la croyance en Dieu trouve des appuis plus naturels et plus sentis dans le cœur de l’homme. […] Anselme, qui a de beaux mots et des paroles heureuses pour exprimer sa pensée, disait en écrivant à Baudouin, roi de Jérusalem : « Il n’est rien qui soit plus cher à Dieu en ce monde que la liberté de son Église. » Ç’a été comme la devise et la maxime des seize dernières années de sa vie, et l’opinion catholique universelle lui en a su gré avec une solennelle reconnaissance.

340. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

La superstition en faveur de l’antiquité nous fait supposer que les anciens se sont toujours exprimés de la manière la plus heureuse ; notre ignorance tourne au profit du modèle et au détriment de la copie : le traducteur nous paraît toujours, non au-dessous de l’idée que l’original nous donne de lui-même, mais au-dessous de celle que nous en avons : et pour rendre la contradiction entière, nous admirons en même temps cette foule de latinistes modernes, dont la plupart, insipides dans leur propre langue, nous en imposent dans une langue qui n’est plus ; tant il est vrai qu’en fait de langues, comme en fait d’auteurs, tout ce qui est mort a grand droit à nos hommages. […] Qu’on interroge ceux de nos grands poètes qui ont fait passer avec succès en notre langue quelques beaux endroits de Virgile ou d’Homère : combien de fois ont-ils été forcés de substituer aux idées qu’ils ne pouvaient rendre, des idées également heureuses et prises dans leur propre fonds, de suppléer aux vers d’image par des vers de sentiment, à l’énergie de l’expression par la vivacité des tours, à la pompe de l’harmonie par des vers pensés ? […] chacune a ses lois, qu’il n’est pas permis de changer ; parler latin en français, serait plutôt une entreprise bizarre qu’une hardiesse heureuse. […] Je me trouverais fort heureux, si celle-ci pouvait obtenir le suffrage du petit nombre de gens de lettres, qui, par une connaissance approfondie du génie des deux langues, de celui de Tacite et des vrais principes de l’art de traduire, sont capables d’apprécier mon travail ; à l’égard de ceux qui croiront seulement l’être, je n’ai rien à attendre ni à exiger d’eux.

341. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Tollemand, orateur assez inconnu aujourd’hui ; et un panégyrique historique du roi, par un M. de Gallières, qui avait été négociateur ; et le fameux panégyrique de Louis XIV, par ce Pélisson, qui parut grand dans le malheur de Fouquet, qui fut ensuite adroit et heureux, qui fut longtemps célèbre par son éloquence, et que l’on cite encore, mais qu’on lit peu. […] Les événements heureux trompent et séduisent ; c’est la flatterie la plus dangereuse pour les rois : au lieu que la sévérité du malheur accuse les fautes et les faiblesses. […] Si on cherche à travers tant d’éclat quel fut le bonheur des citoyens, on conviendra que les peuples, comme les hommes, ne peuvent être heureux que dans un état de calme, et loin des grands efforts que supposent de grands besoins. […] Ce n’est pas que je confonde toutes les époques de ce règne célèbre : la France fut heureuse, ou parut l’être jusqu’à la guerre de 1688 ; mais après cette époque tout change.

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