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1387. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Madame aimait l’esprit, le distinguait en lui-même, l’allait chercher, le réveillait chez les vieux poètes, comme Corneille, le favorisait et l’enhardissait chez les jeunes, comme Racine ; elle avait pleuré à Andromaque, dès la première lecture que le jeune auteur lui en fit : « Pardonnez-moi, madame, disait Racine en tête de sa tragédie, si j’ose me vanter de cet heureux commencement de sa destinée. » Dans toutes les cours qui avaient précédé de peu celle de Madame, à Chantilly, à l’hôtel Rambouillet et à l’entour, il y avait un mélange d’un goût déjà ancien, et qui allait devenir suranné : avec Madame, commence proprement le goût moderne de Louis XIV ; elle contribua à le fixer dans sa pureté. […] Louis XIV, en se liant avec elle d’une amitié si vraie et qui avait dominé l’amour, semblait avoir voulu s’attacher à régler cet heureux naturel et à lui donner de ses propres qualités : « il la rendit en peu de temps une des personnes du monde les plus achevées ».

1388. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Au moment de mettre le pied sur le vaisseau, il écrivait agréablement à lord Kames, l’un de ses amis d’Écosse : Je ne puis quitter cette île heureuse et les amis que j’y laisse, sans un extrême regret, bien que ce soit pour aller dans un pays et chez un peuple que j’aime. […] On raconte que, présenté à la cour de France quatre années plus tard, et dans l’une des premières circonstances solennelles de sa négociation heureuse et honorée, il mit à dessein ce même habit de cérémonie, afin de le venger et de le laver en quelque sorte de l’insulte de M. 

1389. (1903) Zola pp. 3-31

On n’avoue pas un livre purement sensuel ; on est heureux de pouvoir assurer aux autres et à soi-même qu’on a lu un livre licencieux à cause du talent qui s’y trouve. […] Il était devenu optimiste autant que Renan écrivant l’Avenir de la science ; il croyait au progrès, aux puissances de l’humanité pour devenir meilleure ou plus heureuse. 1848 renaissait en lui et Flaubert n’eût pas reconnu le Zola qu’il avait pratiqué.

1390. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

Ceux qui vinrent furent les Parnassiens : qui, avec une tranquillité extraordinaire se désistant de doute et de n’importe quel rêve suivi, s’appliquèrent, disciples de Gautier et de Banville, à n’être que de très corrects formistes, en même temps — et c’est leur nécessité heureuse — qu’ils faisaient perdre aux mots ce que de criard, de hasardeux, leur demeurait encore — et avec la patience et l’art subtil parfois avec lesquels ils surent les ménager au vers, leur communiquaient ces adoucis et nets éclats de pierreries aux lointaines vibrations, ces orients. […] Paul Verlaine proclamant les nuances, Sully-Prudhomme heureux par hasards, Stéphane Mallarmé écrivant la radieuse églogue l’Après-midi d’un Faune.

1391. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

elle est bien heureuse ! […] (pour dire les peines de l’âme), de la coupe de miel offerte aux lèvres pures « (pour dire une vie heureuse et quoiqu’on ne mette guère maintenant de miel dans les coupes), des anneaux rattachés de la chaîne brisée, du faîte de la richesse, du règne de la vérité qui s’annonce à l’horizon !

1392. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Très élégante, très spirituelle, mais très extravagante, ayant déjà les taches de la corruption parisienne sur l’esprit au moins, si elle ne les a pas sur le cœur, possédant au plus haut degré le génie de l’ironie et de la plaisanterie parisiennes, aveugle sur son père qu’elle admire d’enfance et de confiance, parce qu’il a toujours été heureux dans ses plans et qu’il est fou d’elle, madame de Manteigney est la femme amoureuse de son mari, maigre, mièvre, mal fait, chétif, jaunâtre, roussâtre, un crevé du temps, qui lui mange sa dot et ses diamants avec des filles. […] C’est un robuste, agreste et saint pasteur, heureux dans le devoir, jusqu’à l’heure où les Manteigney et leur société de Paris viennent habiter le vieux château.

1393. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Or, je crois et je vais essayer de prouver que les abonnés de ce journal ou de cette revue sont dans leur tort ; que le roman tel qu’ils le conçoivent et l’imposent est une œuvre fausse et néfaste ; que le roman pour les jeunes filles ne saurait être autre chose qu’un accident heureux, dans une littérature qui n’est pas faite pour elles. […] Il ne verra que les détails qui peuvent fournir un aliment à ses pensées de l’heure présente ; il ne verra que son âme souffrante ou heureuse dans la nature où il la répand ; il n’aura pas remarqué l’exacte courbe d’un chemin qui tourne sous bois ou d’un arbre plié par le vent, mais d’immédiates comparaisons se seront levées en lui, et ce qu’il aura retenu, soit comme une ironie, soit comme une harmonie, ce sera la paix, l’ordre, ou la sauvagerie, ou la fraîcheur, ou la tristesse morne de ce coin de la nature.

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