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492. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Cette disposition, que j’appellerais volontiers romantisme moral, je l’eus au plus haut degré, par une sorte d’atavisme. […] Je fis comme tout le monde ; mais ton père en jeta plusieurs sur le haut de la grande armoire. « Ceux-là sont trop jolis », me dit-il. […] Les dames nobles l’avaient en haute estime. […] Les personnes que des circonstances tout à fait exceptionnelles mettaient en rapport avec lui étaient enchantées de son aménité, de son sourire, de sa haute raison. […] Sans avoir le souffle poétique que le xixe  siècle a su ajouter à ces grandes vérités, Système, j’en suis sûr, vit très haut et très loin.

493. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

» Vous le voyez, le drame musical avait été désiré et prévu en France par un bon nombre de hauts et de clairs esprits. […] Cette idée : le dieu coupable sauvé par l’homme innocent, est certainement une des plus hardies et des plus hautes que l’esprit puisse concevoir. […] Nous sommes, nous, sous le porche aux murailles grises enrichies de crédences sculptées et plaquées, par endroits, de blasons en relief vivement enluminés et de pierres funéraires à effigies d’évêques pontifiants ou de hauts barons en armure. […] Lorsqu’il s’enfuit, riche de ce trésor, sa haute cuistrerie exulte, oublieuse des coups de trique, et de la boiterie, et des meurtrissures, et c’est en bondissant qu’il quitte la place, aux strépitements des violons gagnés de son délire. […] En dépit de tout ce que les feuilletonnistes ont écrit, le peuple anglais a, pour Wagner, un haut respect mêlé d’une curiosité timide, et un grand désir de connaître ses œuvres.

494. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Nous avons vu dans Joinville un sentiment pareil lors du départ de la flotte de saint Louis à Marseille, et lors du second départ, à l’île de Chypre : mais l’enthousiasme de Villehardouin a un caractère plus haut et plus sévère que l’épanouissement et l’enfance d’allégresse de l’aimable Joinville. […] Quand ils virent ces hauts murs et ces riches tours dont elle était close, et ces riches palais et ces hautes églises dont il y avait tant que personne ne l’eût pu croire, s’il ne l’eût vu proprement à l’œil ; et quand ils virent le long et le large de la ville, qui de toutes les autres était souveraine, sachez qu’il n’y eut homme si hardi à qui la chair ne frémît par tout le corps ; et ce ne fut merveille s’ils s’en effrayèrent, car jamais si grande affaire ne fut entreprise d’aucunes gens depuis que le monde fut créé. […] Et quant au caractère même de l’homme, du guerrier si noblement historien, je dirai pour conclure : Villehardouin, tel qu’il apparaît et se dessine dans son Histoire, est bien un homme de son temps, non pas supérieur à son époque, mais y embrassant tous les horizons ; preux, loyal, croyant, crédule même, mais sans petitesse ; des plus capables d’ailleurs de s’entremettre aux grandes affaires ; homme de conciliation, de prudence, et même d’expédients ; visant avec suite à son but ; éloquent à bonne fin ; non pas de ceux qui mènent, mais de première qualité dans le second rang, et sachant au besoin faire tête dans les intervalles ; attaché féalement, avec reconnaissance, mais sans partialité, à ses princes et seigneurs, et gardant sous son armure de fer et du haut de ses châteaux de Macédoine ou de Thrace des mouvements de cœur et des attaches pour son pays de Champagne.

495. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Le lendemain de la victoire, une femme de la haute société et de beaucoup d’esprit disait à M. de Molènes : « C’est fort heureux, monsieur, que vos petits monstres n’aient pas tourné. » Cela tint à peu de chose, en effet. […] Cet homme admet bien, comme vous, l’idée générale de Création, et même il ne saurait concevoir l’idée contraire, celle d’une succession continue à l’infini ; mais après cette idée de Création il s’arrête, il ne peut concevoir ni admettre que l’Intelligence et la Puissance infinie se soit, à un certain jour, incorporée, incarnée dans une forme humaine ; il respecte, d’ailleurs, au plus haut degré, à titre de sage et de modèle moral sublime, Celui que vous saluez d’un nom plus divin ; — et cet homme, parce qu’il ne peut absolument (à moins de se faire hypocrite) admettre votre idée à vous, avec toutes ses conséquences, vous l’insulterez ! […] Le Quirinal et le Vatican ne semblent alors être pour vous, en effet, que des positions plus commodes, du haut desquelles vous canonnez et balayez à plaisir le pauvre monde. […] C’est l’œuvre d’un La Bruyère ligueur, voisin des halles, vengeur des paroisses, qui profite habilement de la languerévolutionnaire et s’en fait un ragoût de plus ; qui s’en donne à cœur-joie et à lèche-doigts ; qui, à défaut de Versailles où il n’est pas allé, se rabat et tombe sur la haute et basse bourgeoisie, sur la gent parlementaire, la gent écriveuse, grosse et menue, le fretin des journaux, la province ; mais qui, jusque dans le trivial et l’injurieux, dans ce qui dégoûte et repousse, a gardé l’art de l’imprévu, l’art de réveiller à chaque coup son lecteur par la variété des tons, le contraste des fragments, le brûle-pourpoint des apostrophes, tout ce qui supplée au manque de transitions.

496. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

. — Que s’ils joignaient à la possession de ces hautes vérités mathématiques le sentiment et la science de la nature vivante, la conception et l’étude de cet ordre animé, universel, de cette fermentation et de cette végétation créatrice et continue où fourmille et s’élabore la vie, et qui, tout près de nous et quand la loi des cieux au loin est connue, recèle encore tant de mystères, ils seraient des savants plus complets peut-être qu’il ne s’en est vu jusqu’ici, quelque chose, j’imagine, comme un Newton joint à un Jussieu, à un Cuvier, à un Gœthe tout à fait naturaliste et non plus seulement amateur, à un Geoffroy Saint-Hilaire plus débrouillé que le nôtre et plus éclairci. — Que s’ils y ajoutaient encore, avec l’instinct et l’intelligence des hautes origines historiques, du génie des races et des langues, le sentiment littéraire et poétique dans toute sa sève et sa première fleur, le goût et la connaissance directe des puissantes œuvres de l’imagination humaine primitive, la lecture d’Homère ou des grands poèmes indiens (je montre exprès toutes les cimes), que leur manquerait-il enfin ? […] Biot la portait encore sur bien des objets, astronomie, physique, chimie, agriculture, et les plaisirs actifs, chasse, pêche, nage ; vieux, il disait en souriant : « J’ai aimé dans ma vie bien des choses. » Faudrait-il en conclure qu’il s’est trop dispersé, et qu’il ait eu le droit de se dire à lui-même comme La Fontaine : J’irais plus haut peut-être au Temple de Mémoire, Si dans un genre seul j’avais usé mes jours… ? […] Le tome Ier des Mémoires scientifiques d’Arago fournit à ceux qui ont le mérite de comprendre ces hautes discussions la preuve de ces velléités de concurrence ou de résistance également réfutées.

497. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Il était au cercle de Mme du Barry : les habitués y racontaient tout haut leurs bonnes fortunes ; le jeune abbé de vingt ans, très-élégant sous son petit collet « avec une figure qui sans être belle était singulièrement attrayante et une physionomie tout à la fois douce, impudente et spirituelle », gardait le silence : « Et vous, vous ne dites rien, monsieur l’abbé ?  […] Jugeant les hommes avec indulgence, les événements avec sang-froid, il a cette modération, le vrai caractère du sage… « Amène ne songe pas à élever en un jour l’édifice d’une grande réputation ; parvenue à un haut degré, elle va toujours en décroissant, et sa chute entraîne le bonheur, la paix ; mais il arrivera à tout, parce qu’il saisira les occasions qui s’offrent en foule à celui qui ne violente pas la fortune. […] Membre lui-même du haut clergé, il faisait bon marché de son Ordre et donnait résolument la main au tiers état. […] Ce n’était point un simple voyage d’observation : il avait bien aussi une mission confidentielle, mais il ne réussit ni auprès du ministère, ni même dans la haute société, tant la prévention contre la France était forte.

498. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Connu déjà par son grand essai de musique sévère et haute, l’auteur, ce me semble, a dû naturellement chercher à ses intimes pensées une expression plus précise et plus voisine encore de l’âme. […] Deux grandes pièces dans le volume donnent une plus haute idée du souffle et de la faculté du poëte dans les sujets extérieurs : le Fragment, qui nous montre les chrétiens aux lions, et surtout le morceau intitulé le Poëte, c’est-à-dire Homère. […] Pour y réussir, il ne faut pas tant marchander peut-être, ni avoir d’abord des visées si hautes, si calculées. […] Toujours est-il qu’à cet égard les hautes espérances des débuts ont peu donné.

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